Selon un historien, le schisme des Eglises était évitable

Selon un historien, le schisme des Eglises était évitable

Le théologien allemand Thomas Kaufmann présente un ouvrage de référence sur Luther et la Réforme

Image: Portrait de Martin Luther daté de 1528 par Lucas Cranach l'Ancien

, Göttingen, EPD/Protestinter

Aux yeux de Thomas Kaufmann, historien spécialiste des Eglises originaire de Göttingen, le schisme des Eglises survenu il y a 500 ans au moment de la réforme aurait pu, dans certaines circonstances, être évité. «Si l’on était parvenu à maintenir Luther au sein de l’Eglise romaine, alors l’histoire de la chrétienté depuis le XVIe siècle aurait été totalement autre», explique Thomas Kaufmann. Mais au lieu de cela, le pape a déclaré hérétique le professeur, moine et critique Martin Luther (1483-1546) et l’a excommunié.

Le conflit autour de Luther a amené l’Eglise d’Occident à se diviser entre une branche protestante et une branche catholique romaine. A l’occasion du 500e Jubilé de la Réforme, en 2017, le professeur protestant de théologie Kaufmann compile dans son nouveau livre «Erlöste und Verdammte» (Sauvés et damnés) ces événements révolutionnaires, tels que les recherches les plus récentes nous les donnent à voir. Il situe les faits dans l’histoire européenne du début des temps modernes et balaie du regard l’impact de chaque époque jusqu’à nos jours.

Thomas Kaufmann est considéré comme l’un des principaux historiens allemands de la réforme. Ses travaux ont été présentés du 19 au 23 octobre à l’occasion de la Foire du livre de Francfort.

En accord avec la logique du début du XVIe, le pape à Rome voulait se débarrasser d’un critique en bannissant Luther, a déclaré Thomas Kaufmann: «L’homme a dérangé». De par son sérieux, Luther a remis en cause «certains aspects précis du fonctionnement profondément décadent de l’Eglise catholique romaine de l’époque». Luther doit avant tout sa survie à la protection du prince électeur de Saxe: «Sans lui, il aurait subi le sort de tous les hérétiques, c’est-à-dire l’exécution par le feu».

Fin octobre 1517, avec ses célèbres 95 thèses contre les indulgences, Luther a déclenché une chaîne d’événements qui a mené, au final, à la fondation de l’Eglise protestante. Avec ses «lettres d’indulgence», l’Eglise de l’époque promettait aux gens, contre rétribution financière, une moindre punition de leurs péchés dans l’au-delà. Selon Thomas Kaufmann, il y a eu au départ des dirigeants haut placés de l’Eglise pour considérer comme profondément justifiées les critiques de Luther envers les indulgences. Il n’existait pas à l’époque de doctrine claire de l’Eglise sur ce sujet. «La situation était jusqu’alors restée ouverte.»

Au final, une interprétation de la doctrine des indulgences centrée sur l’autorité du pape s’est mise en place, définissant l’attitude future de Rome à cet égard. La base légale ayant servi à déclarer Luther hérétique n’a d’ailleurs été formulée qu’après coup— en novembre 1518. «L’Eglise reconnaît que ses options disciplinaires ne peuvent plus fonctionner dans le cas de cet hérétique banni de ses rangs, et le livre à la damnation éternelle», déclare Thomas Kaufmann. Luther a ensuite lui-même appuyé ce «Non de l’Eglise papale», et rompu avec cette dernière.