L’Eglise luthérienne en Lettonie abolit l’ordination des femmes

L’Eglise luthérienne en Lettonie abolit l’ordination des femmes

Le synode a débattu vendredi de l’accès des femmes à la prêtrise. Une modification de la constitution ecclésiale adoptée par 201 membres du synode contre 49 et 22 abstentions introduit cette restriction. Plus aucune femme n’a été ordonnée depuis 1993.

Photo: Janis Vanags archevêque luthérien de Lettonie CC(by-nc-nd) LWF/Milton Blanco

, EPD/Protestinter, Varsovie/Riga.

Pour les protestants lettons, un changement radical a été décidé ce week-end. L’Eglise évangélique luthérienne de Lettonie a débattu, lors de son synode des 3 et 4 juin, de l’abolition officielle de l’ordination des femmes. Cette modification constitutionnelle nécessitait la majorité des trois quarts pour être adoptée. C’est par 201 voix (77,3%) contre 59 (22,7%) et 22 abstentions qu’il a été décidé, vendredi, que les femmes ne pourront plus devenir prêtres.

En Lettonie, c’est en 1975 que les femmes prêtres luthériennes ont pour la première fois été autorisées; ce petit pays en bordure de la mer Baltique était alors encore une république membre de l’Union soviétique. Janis Vanags, chef conservateur de la plus grande communauté religieuse du pays baltique (avec 580'000 paroissiens), n’a cependant plus ordonné aucune femme depuis son arrivée au poste d’archevêque en 1993. Cet homme aujourd’hui âgé de 58 ans occupe ses fonctions sans limites de temps. Ce refus effectif de l’ordination des femmes a également été inscrit dans la constitution de l’Eglise. Dans ce but, le mot «masculin» a été introduit dans le passage touchant à l’ordination.

Cette proposition a été émise par deux circonscriptions de l’Eglise, a déclaré l’archevêque Janis Vanags à l’Agence de presse protestante (EPD). Il ne souhaite pas que cette initiative de changement de la constitution soit considérée comme venant de lui seul. Les théologiennes ordonnées avant 1993 peuvent conserver leur poste.

L’Eglise évangélique luthérienne de Lettonie à l’étranger, qui compte 25'000 paroissiens, ordonne elle aussi des femmes, et est dirigée par une évêque de sexe féminin. Pour justifier ce refus d’un pastorat ouvert aux femmes, Janis Vanags se réfère à l’épître de l’apôtre Paul aux Corinthiens, qui engage les femmes de la communauté au silence.

Le théologien croit en outre que des protestants libéraux ne pourraient subsister face à un système autoritaire. Lors d’une conférence en octobre 2015, la majorité des pasteurs avaient salué cette proposition. La «Confédération des théologiennes de Lettonie» a exprimé dans une lettre ouverte son regret de n’y avoir pas été conviée. Et qu’il n’y ait eu aucun débat théologique préalable sur l’abolition de l’ordination des femmes, a déclaré Alesja Lavrinowica, rédactrice du site internet des théologiennes lettones.

Les théologiennes ont de plus été violemment insultées par des pasteurs sur leur site web, si bien que les commentaires ont dû être désactivés. Dace Balode, professeure de théologie non ordonnée à l’Université de Riga et membre de la Confédération des théologiennes, a déclaré que chercher à avancer des textes bibliques en guise d’arguments contre l’ordination des femmes revenait à «maintenir des structures sociétales dépassées, qui ne sont généralement plus acceptées dans la société, pas même parmi les opposants à l’ordination eux-mêmes». Car les opposants à l’ordination de pasteures femmes, eux aussi, vivent dans une société «où les femmes sont généralement acceptées à tous les postes, jusqu’à celui de présidente».

L’issue du vote a également été observée de l’étranger. En effet, l’Eglise évangélique luthérienne de Lettonie appartient à la Fédération luthérienne mondiale, qui siège à Genève. Une porte-parole a déclaré, la semaine passée, que cette fédération prenait en compte le fait que «des Eglises différentes suivent des chemins différents». Sur les 145 Eglises membres, environ 30 ont aboli l’ordination des femmes. Parmi celles-ci, on compte aussi les Eglises luthériennes de deux pays voisins: la Lituanie et la Pologne.

La fondation Gustav-Adolf-Werk considère le synode d’un œil moins serein. «Si l’Eglise luthérienne de Lettonie devait abolir l’ordination des femmes et mettre en place des structures autoritaires, nous envisagerions alors de rompre le contact avec elle», a déclaré Enno Haacks, chef de l’organisation de la diaspora de l’Eglise protestante d’Allemagne.

L’évêque hambourgeoise Kirsten Fehrs a qualifié en février de «scandale» le projet d’abolition de l’ordination des femmes. Janis Vanags est conscient que son Eglise court le risque de perdre des partenariats avec d’autres Eglises. Il n’y aurait cependant aucun moyen «pour nous d’enrayer le processus d’un changement de la constitution amorcé dans le respect des règles», a déclaré l’archevêque luthérien.

Des protestations contre l’abolition de l’ordination des femmes en Lettonie

Osnabrück/Hanovre (EPD/Protestinter). Des femmes pasteures de l’Eglise régionale luthérienne de Hanovre ont protesté dans une lettre ouverte contre le projet de leur Eglise homologue de Lettonie de ne plus ouvrir aux femmes l’accès au pastorat. «Nous sommes horrifiées par l’objectif donné à votre synode d’abolir l’ordination des femmes», peut-on lire dans la lettre adressée aux théologiennes de l’Eglise évangélique luthérienne de Lettonie, publiée jeudi, à la veille de l’ouverture du Synode.