Israël accuse le Conseil œcuménique de pousser son personnel à mentir
Photo: CC(by-nd) llee_wu
Par Joël Burri
Un interrogatoire musclé, suivi d’un week-end en captivité, toutes lumières allumées même la nuit, voilà comment Sophie Dhanjal, employée du Conseil œcuménique des Eglises (COE) a été accueillie à l’aéroport Ben Gurion de Tel Aviv entre le 29 avril et le 2 mai. Comme elle, les participants au groupe de travail sur la justice climatique du COE, issus de treize pays différents, ont «subi de la part des autorités israéliennes des actes d’agression et d’intimidation sans précédent dans l’histoire du COE.» Plusieurs ont été refoulés. Le colloque qui devait avoir lieu à Beit Jala était organisé par l’Eglise évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre Sainte.
Sophie Dhanjal écrit: «la jeune femme qui m’interrogeait était agressive, arrogante et elle prétendait que je mentais. Elle a voulu voir mon portable et a commencé à regarder mes contacts téléphoniques et à me demander qui étaient certaines personnes, plus particulièrement les contacts que j’avais pour la Palestine ainsi que le nom de ma fille. Elle a voulu savoir quand j’avais reçu l’invitation, quand j’avais acheté le billet, qui avait payé le billet. J’ai donc dû ouvrir ma messagerie et leur montrer la date d’achat du billet et continuer à dire que je ne restais qu’une semaine. Elle m’a demandé si j’allais à Gaza, dans les Territoires occupés. J’ai continué à dire que je ne savais pas et que le programme n’était pas finalisé. Elle voulait voir le programme, mais j’ai dit que je ne l’avais pas. Elle m’a accusé de mentir.» Un interrogatoire de plus de cinq heures après quoi Sophie Dhanjal a été détenue dans des conditions d’hygiènes difficiles jusqu’à ce qu’une place puisse être trouvée dans un avion en partance pour Genève.
Choqué, le COE, organisation internationale basée à Genève et qui réunit près de 350 Eglises et représente 500 millions de croyants a exigé des excuses dans une déclaration adressée aux autorités israéliennes. Mais le Ministère des Affaires étrangères d’Israël a diffusé une réponse écrite dans laquelle il affirme qu’Israël «n’est pas opposé à la conférence sur le climat du COE qui avait lieu dans les territoires palestiniens. Nous exigeons toutefois, comme tous les pays, que les visiteurs qui entrent en Israël répondent aux questions des autorités douanières de manière sincère sans tenter d’induire en erreur ou de tromper. C’est essentiel afin de garantir la sécurité des citoyens israéliens et des autres personnes venant sur le territoire israélien. En particulier vis-à-vis des visiteurs prévoyant de se rendre dans les territoires palestiniens où des organisations terroristes sont actives.»
La prise de position poursuit: «Les participants à la conférence du COE qui n’ont pas été autorisés à pénétrer sur le territoire d’Israël n’ont pas répondu de manière sincère aux autorités frontalières et ont tenté de tromper le personnel douanier sur les motifs de leur visite. Nous croyons que le COE leur avait donné pour instruction d’agir de la sorte.» Et le texte conclut: «les autorités d’Israël n’ont pas commis de faute et n’ont pas fait preuve d’un zèle excessif. Nous pensons que ce serait plutôt au COE d’expliquer son comportement hautement irrégulier.»
La chronique RTS religion rappelle que le COE soutient tout une série de programmes en Israël et Palestine dont EAPPI, acronyme anglais du programme œcuménique d’accompagnement en Israël et en Palestine. Dans ce cadre, des observateurs, souvent suisses, vivent durant plusieurs mois avec les deux populations. Ils sont témoins des progrès, mais aussi des excès et des violations des droits humains vécus sur place. Un engagement pacifique pas toujours apprécié des autorités locales. Il n’est pourtant pas ici question de représailles pour Yigal B. Caspi, ambassadeur d’Israël en Suisse: «Nous ne nous sommes jamais opposés aux activités du COE. Nous recevons de nombreux Suisses que nous aimions leur attitude ou non, mais à la frontière, il faut dire l’exacte vérité. Il ne faut pas essayer de dire ce que le douanier veut entendre.»