Les femmes ne seront pas consacrées dans l’Eglise adventiste

Les femmes ne seront pas consacrées dans l’Eglise adventiste

La 60e session de la Conférence générale de l’Eglise adventiste du septième jour s’est déroulée du 2 au 10 juillet dernier à San Antonio, avec à l’ordre du jour la question controversée de la consécration des femmes. Le vote de mercredi barre, pour au moins cinq ans, l’accès des femmes au pastorat.

Photo: Des déléguées lors de la Conférence © Bryant Taylor/NAD/RNS

(RNS/Protestinter)

Les sessions de la Conférence générale de l’Eglise adventiste ont lieu tous les 5 ans et réunissent les 13 régions administratives de l’Eglise de par le monde. C’est le lieu de l’élection des officiers de l’Eglise mondiale et du vote de changements éventuels de la Constitution de l’Eglise. La 60e session s’est déroulée la semaine dernière au Texas et a rassemblé environ 2000 délégués et 70’000 participants au stade de l’Alamodome de San Antonio, parmi lesquels cette année François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, qui en était un invité spécial.

Le point délicat de cette session était le vote de mercredi, qui devait répondre à cette question: «Est-il acceptable que les comités divisionnaires exécutifs, lorsqu'ils jugent opportun dans leurs territoires, prennent des dispositions pour l'ordination des femmes au ministère de l'évangile?». Le «non» l’a emporté à 1381 voix contre 977, après des prises de position très tendues qui se sont poursuivies tout au long de l'après-midi. Les délégués qui ont fait valoir leurs opinions pour et contre cette question avaient droit à un passage au micro limité à deux minutes, avant d’aller faire la queue pour voter à bulletin secret. Le temps a manqué pour qu’il y ait de véritables discussions.

Les délégués d’Afrique et d’Amérique du Sud, qui sont souvent plus conservateurs en ce qui concerne l’ordination des femmes que ceux d’autres régions du globe, ont largement pesé sur ce résultat. Le vote et la discussion, qui reflète une division qui date de plusieurs dizaines d’années, ont eu lieu une semaine tout juste avant le centenaire de la mort d'Ellen White, l'une des fondatrices de la dénomination adventiste, qui compte aujourd’hui 18 millions de membres dans le monde entier.

Des femmes ont déjà été ordonnées et resteront ministres

Alors que de nombreuses dénominations protestantes ordonnent les femmes depuis plus de 50 ans déjà pour certaines d’entre elles, les adventistes du septième jour font partie des groupes chrétiens qui ne l’acceptent toujours pas. Parmi ceux-là, les catholiques romains, les baptistes du Sud, l'Eglise orthodoxe d’Amérique et l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.

Malgré l'interdiction, plusieurs régions de l’Eglise adventiste du septième jour ont pourtant procédé à l’ordination de femmes au cours des dernières années: fin 2013, on comptait au moins 19 femmes pasteures dans la région Mid-atlantique et plus de 25 dans la Conférence de l'Union du Pacifique. La Conférence des adventistes du Sud-Californie a élu une présidente en 2013, et plusieurs des 13 divisions administratives mondiales de l'Eglise ont approuvé des comptes rendus théologiques suggérant que l'ordination des femmes devrait être largement acceptée. Les femmes bénéficient souvent d’une «accréditation» de compétence sans être officiellement ordonnées dans cette Eglise qui observe le sabbat le samedi.

Avant le dépouillement du vote, Garrett Caldwell, porte-parole mondial de la dénomination, a stipulé toutefois que le statut des femmes qui ont déjà été ordonnées par les organes administratifs des Eglises régionales resterait inchangé, quelle que soit la position officielle de l'Eglise.

Avec son président actuel, l’Eglise adventiste retourne à une ligne très conservatrice

Le président Ted NC Wilson, chef de file mondial de l'Église adventiste du septième jour, qui a fait le choix du «non» a été réélu plus tôt lors de la Conférence mondiale pour un second mandat de cinq ans, a demandé le calme avant et après le vote. «Nous avons aujourd'hui une occasion spirituelle de recentrer notre attention sur la mission et de laisser ce sujet derrière nous», a-t-il dit quelques instants après que le résultat du vote ait été proclamé. «J’en appelle à chacun d'entre nous dans cette Eglise pour laisser de côté nos divergences d'opinions. Vous pouvez garder une opinion, mais soyons prudents dans notre manière de l’exprimer et allons de l'avant».

Dans une vidéo sur l’«état de l'Eglise» réalisée peu après que Sandra Roberts ait été élue présidente de la Conférence en Californie, on peut voir Ted Wilson lancer une mise en garde contre «les influences du monde» et «le danger de la désunion.» Au cours des prises de parole des délégués mercredi, Jan Paulsen ancien président mondial de 1999 à 2010, s’était déclaré en faveur du «oui». «Voter "non" porterait préjudice à notre Eglise», avait-il averti. «J’ai peur de ce qui se passera si nous ne permettons pas à l'Eglise d’aller de l'avant sur cette question.»

Le vote ne va pas mettre fin aux désaccords internes

«Je suis une jeune femme, une adulte jeune, je fais partie d’une minorité ethnique et je suis chef de file de l'un des plus grands mouvements de jeunes dans l'adventisme», a déclaré Natasha Nebblett, présidente de «Génération de la jeunesse pour le Christ». «Dieu m'a déjà appelée à travailler pour lui et cet appel est la seule chose dont j’ai besoin», a-t-elle affirmé.

Elle a été suivie immédiatement par Cheryl Doss, cheffe de l'Institut de la Mission mondiale de la dénomination, qui forme des missionnaires à long terme et les envoie pour des missions dans le monde entier. Cheryl Doss a fait valoir qu'il n’était pas nécessaire pour 13 divisions mondiales de l'Eglise de fonctionner à l’identique, de la même manière que les parties d’un même corps n’ont pas les mêmes fonctions. «Si une partie du corps fonctionne mieux si les femmes sont ordonnées, alors c’est ce qu'ils doivent faire», a-t-elle souligné. Elle est professeure de la mission mondiale à l'Université Andrews de Berrien Springs, dans le Michigan.

Au cours des déclarations pour ou contre l’ordination des femmes, les délégués ont tenu à préciser qu’au sein même des églises régionales qu’elles soient pour ou contre, il existait des débats internes à propos de l'ordination des femmes, de la même façon qu’il en existait entre les régions.

«Des deux côtés, les délégués reconnaissent que ce débat est à la fois source de division et consommateur d’énergie, mais ce vote ne va pas régler la question», a déclaré Laura Vance, sociologue au Warren Wilson College d’Asheville, en Caroline du Nord. L’un de ses champs de recherche concerne les femmes dans l'adventisme, et c’est dans ce cadre qu’elle a assisté à la rencontre. Elle constate: «il y a tellement d'émotion ici aujourd'hui!»

Les divisions inquiètent et touchent aussi le partenariat et les croyances

Plus tôt dans la journée, la page Facebook de la session de la Conférence générale de l’Eglise a été remplie de commentaires sur la façon dont le vote allait aboutir, et a montré que la préoccupation centrale touchait les divisions dans l'Eglise adventiste au niveau mondial, que pourrait entraîner le résultat du vote. Mais le porte-parole Garrett Caldwell a déclaré que les dirigeants actuels se sont tous engagés à rester unis. «Nous ne sommes pas préoccupés par une éventuelle scission», a-t-il affirmé.

La veille, le mardi 7 juillet, les adventistes ont ajusté leurs «croyances fondamentales», notamment en enlevant le mot «partenaires» de la section sur «le mariage et la famille». Le mot «partenaires» est en effet souvent utilisé pour les couples de même sexe, a expliqué le porte-parole de l’Eglise, et ce n’est pas le sens de ce que les adventistes veulent dire. «Nous voulons être certains que le langage que nous utilisons veut précisément dire ce que nous voulons».

Il a tenu à faire remarquer qu'ils ont également clarifié la section sur la «création» en se référant spécifiquement à une «création récente en six jours», qui nie toute évolution sur des millions d’années. La cause en est, a-t-il dit, que «quelques professeurs dans les collèges adventistes ont commencé à enseigner certaines choses contraires à nos déclarations et à la compréhension de nos croyances».