Scientifiques et évangéliques plus proches qu’on ne le croit

Scientifiques et évangéliques plus proches qu’on ne le croit

Deux enquêtes américaines menées deux ans de suite écorchent le stéréotype du refus de la science par les évangéliques. Une sociologue s’est intéressée en 2014 et en 2015 aux croyances des uns et des autres, au sein d’une fondation qui promeut le dialogue entre les milieux évangéliques et les milieux scientifiques

Photo: Le Musée de la Création (Kentucky) CC(by-nc) Jim Hickcox

Washington, RNS/Protestinter

La sociologue Elaine Howard Ecklund est revenue à la charge. Elle avait déjà déboulonné un «mythe» l’an dernier, avec son étude qui concluait que la majorité des scientifiques s’avéraient être des croyants, et non des athées qui nient l’existence de Dieu.

En 2014, lors d’une manifestation de l’association américaine pour l’avancement de la science (AAAS), «dialogue entre science, éthique et religion», la sociologue avait présenté une première vague de données sur les croyances des scientifiques. Les résultats avaient été établis à partir d’une enquête portant sur 10’000 adultes américains, ce qui en fait probablement (selon elle) la plus grande étude d’opinion américaine sur ces questions. Le résultat en était alors que 76% des scientifiques appartenaient à une tradition religieuse.

Le «mythe» auquel elle fait mordre la poussière aujourd’hui est peut-être celui qui affirme que les évangéliques constituent un groupe monolithique opposé à l’hypothèse scientifique de l’évolution humaine.

Elaine Howard Ecklund est directeur du programme «religion et vie publique» de l’Université de Rice, et les résultats de sa dernière étude révèlent que 70% des personnes se déclarant évangéliques «ne considèrent pas que religion et science sont en conflit.»

Des résultats toutefois mitigés

La sociologue a présenté son étude 2015 devant 200 scientifiques, pasteurs et autres, lors d’un rassemblement de la fondation AAAS, le 13 mars dernier. Son étude met en évidence un degré assez élevé d’acceptation de la science parmi les évangéliques.

  • 48% des personnes interrogées voient science et religion comme étant complémentaires. Astrophysicienne et chrétienne évangélique, Deborah Haarsma, est présidente de BioLogos, une fondation à caractère religieux qui reconnaît «Dieu comme Créateur de toute vie sur des milliards d’années». Elle a déclaré que ce qu’elle voit dans le cosmos est «une description scientifique de l’univers que Dieu a créé.»
  • 21% des personnes interrogées voient ces deux visions du monde (science et religion) comme entièrement indépendantes l’une de l’autre.
  • 30% d’entre elles voient encore ces deux visions du monde en opposition.
Avancées technologiques et recherche médicale plébiscitées

L’étude fait ressortir que dans l’ensemble, 85% des Américains et 84% des évangéliques affirment toutefois que la science moderne est en train de faire le bien dans le monde. C’est le côté pragmatique de la science qui rencontre le plus d’intérêt. En tête, la technologie et les découvertes médicales, qui peuvent de l’avis majoritaire, soulager la souffrance.

Dans ces domaines, la sociologue affirme que la plupart des Américains sont d’avis que la science et la foi collaborent pour le bien commun. Cependant, Elaine Howard Ecklund a également mis en évidence une remarque qui ressort de son étude, et qui peut rendre le monde de la science mal à l’aise: 60% des évangéliques pensent que les scientifiques «devraient être ouverts à l’examen des miracles dans leurs théories.»

Cette étude a été discutée lors du «projet perception», un atelier organisé durant la rencontre de l’AAAS. Il a réuni des catholiques, des protestants issus des Eglises traditionnelles, d’autres communautés religieuses, mais a mis l’accent sur les Eglises et les séminaires évangéliques.

Plutôt que de dessiner des lignes dures entre les conceptions spirituelles et scientifiques de la réalité, plus d’un conférencier participant à l’événement a répété le point de vue d’Augustin d’Hippone: «toute vérité est la vérité de Dieu.»

Dorothy Chapell, doyenne des sciences naturelles et sociales et professeur de biologie au Wheaton College, dans l’Illinois, a déclaré que cela signifiait que tout le monde pouvait dès lors «étudier en toute confiance, à la fois les vérités de la foi et les vérités de la science.»

Récemment nommé directeur de l’AAAS, le physicien nucléaire Rush Holt Jr, a ajouté que tous ceux qui professent d’avoir l’esprit ouvert à la vérité ont «l’obligation de s’écouter réciproquement.»