Jubilé Sébastien Castellion: la fin d’une injustice de l’histoire

Jubilé Sébastien Castellion: la fin d’une injustice de l’histoire

«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée, ce n’est que tuer un homme.» Sébastien Castellion, grande figure de la Réforme, va retrouver enfin une juste place dans la cité de Calvin. A l’initiative de Vincent Schmid, pasteur à la cathédrale de Genève, et promoteur du projet, la ville de Vandœuvres s’apprête à lui rendre hommage du 26 au 31 mai 2015.

«Rien ne rappelle la présence de Sébastien Castellion à Genève, pas plus que la trajectoire de cet homme hors du commun», explique le pasteur Vincent Schmid. «Ce projet me tient à cœur depuis 20 ans, il s’agit de réparer un oubli de l’histoire, continue le théologien. Genève commémore à raison les pères fondateurs, mais on a oublié Castellion, sans doute à cause de sa brouille avec Calvin. Il s’agit pourtant du premier philosophe de la tolérance dans l’histoire de l’Europe.»

C’est grâce à des fonds privés que le pasteur Vincent Schmid a pu faire appel à un sculpteur genevois qui a créé pour l’occasion un buste de Castellion, à partir de la seule gravure que l’on connaisse de lui. L’œuvre trouvera sa place devant le temple de Vandœuvres, lors de la cérémonie d’inauguration prévue le samedi 30 mai. Le projet a reçu le soutien de la commune de Vandœuvres, qui a décidé d’y apporter son aide logistique et financière, ainsi que celui de la paroisse protestante de Vandœuvres. «La manifestation figure aussi à l’agenda officiel de l’Eglise Protestante de Genève», précise Vincent Schmid.

La faculté autonome de théologie protestante y sera représentée par le professeur d’histoire du christianisme Michel Grandjean, qui donnera une conférence sur l’émergence de la tolérance au XVIe siècle, intitulée justement «Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée, ce n’est que tuer un homme» (voir encadré). Enfin, à l’occasion de l’inauguration du buste commémoratif, la mairie de Vandoœvres offrira un gigantesque repas citoyen.

Pourquoi Vandœuvres?

Sébastien Castellion, précurseur de la tolérance telle que nous la connaissons, théologien réformateur et humaniste, est appelé à Genève en 1541 par Jean Calvin lui-même, et se voit confier la charge de régent du collège de Rive.

«A côté de cette charge, Castellion avait aussi celle de prêcher au temple de Vandœuvres, où il a officié au moins deux ans. Pourtant, quand le Conseil de la ville propose de faire de lui un pasteur de la cité, ce qui répond d’ailleurs à sa vocation, Calvin s’y oppose. Des querelles théologiques avaient alors déjà séparé les deux hommes, auparavant amis», raconte Vincent Schmid.

Un hommage qui dépasse nos frontières

Le comité d’organisation du Jubilé Castellion s’est jumelé avec l’association des amis de la Tour, à Saint-Martin du Fresne, petit village de l’Ain, en zone frontalière, dans lequel est né Sébastien Castellion en 1515, et qui prépare aussi activement une fête en l’honneur du 500e anniversaire de sa naissance.

Le département de Haute-Savoie et la ville de Chambéry participent aussi, puisque c’est à partir de l’exposition sur Sébastien castellion qui s’était déroulée dans cette ville que l’exposition du Jubilé a été constituée. Formée d’une quarantaine de panneaux, cette exposition itinérante ouvrira les festivités le 26 mai, dans la salle communale de Vandœuvres.

Pour la finaliser, le pasteur Vincent Schmid a effectué un important travail sur les archives, et termine en outre une brochure d’une trentaine de pages, qui sera largement diffusée dans le canton, y compris auprès du département de l’Instruction publique. Une délégation hollandaise est aussi attendue.

Une série de conférences

Chaque jour verra une conférence différente: en plus de Michel Grandjean se succèderont ainsi Marie-Christine Gomez-Géraud, professeur de littérature française de la Renaissance à Paris, qui a supervisé la réédition de la Bible française de Castellion en 2005, un doctorant qui termine une une thèse sur Sébastien Castellion, et qui viendra exposer la théologie du réformateur, Max Engammare, directeur les éditions Droz, viendra parler des relations entre Eglise et Etat au XVIe siècle. «Il se trouve que Castellion préconisait déjà la séparation de l’Eglise et de l’état», explique Vincent Schmid.

Chaque conférence sera précédée d’une lecture d’un texte de Castellion par un comédien. Mais soyons clairs, «il ne s’agit pas de réhabiliter de vieilles querelles polémiques, mais de réparer une injustice historique» tient à préciser le théologien genevois. C’est lui qui présidera le culte qui clôturera le Jubilé, le dimanche 31 mai au temple de Vandoœvres, un culte qui sera radiodiffusé.

«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée, ce n’est que tuer un homme.»

Cette phrase, aujourd’hui célèbre, n’a pas été écrite au lendemain des attentats du 7 janvier à Paris. Elle vise directement le Conseil de Genève, qui condamne Michel Servet au bûcher en 1553.

Sébastien Castellion l’écrit dans un petit ouvrage intitulé «Contra libellum Calvini» (Contre le libelle de Calvin), qui a pour but de répondre à un texte du célèbre Réformateur de Genève; Calvin, bien qu’ayant préféré une solution moins cruelle, tente en effet d’y justifier l’exécution de Michel Servet. La réponse de Sébastien Castellion est toujours d’une terrible actualité: «Lorsque les Genevois ont mis à mort Servet, ils n’ont pas défendu une doctrine, ils n’ont fait que tuer un homme. La violence endurcit le cœur qui ne s’ouvre pas à la mansuétude. On ne surmonte le mal, on ne dissipe les ténèbres que par la lumière, non par l’épée.»

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