Les protestants s’inquiètent des atteintes contre l’Etat de droit

Les protestants s’inquiètent des atteintes contre l’Etat de droit

Réunis en assemblée à Berne, les délégués des Eglises protestantes de Suisse ont adopté une motion dénonçant la dérive du monde politique qui consiste à s’attaquer à la Constitution fédérale et au droit international.

Photo: Le Rathaus de Berne où se réunissent les délégués de la FEPS. CC(by)Edwin Lee

«Tout comme chaque individu peut se tromper, le peuple dans sa majorité peut aussi commettre des erreurs», a déclaré Peter Schmid, vice-président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). C’est pour cela qu’il regrette l’évolution, qui s’est produite ces dernières années. «Nous avons une tendance à porter la volonté populaire comme une valeur absolue. Le risque est, par exemple, ainsi de limiter le pouvoir des tribunaux, car l’on considérerait que le peuple est beaucoup plus expert que les tribunaux en matière de fixation d’une peine.»

Le théologien s’exprimait lundi 3 novembre à Berne au premier des deux jours de l'assemblée des délégués de la FEPS, qui regroupe 24 Eglises protestantes cantonales ainsi que l’Eglise évangélique libre de Genève et l’Eglise évangélique méthodiste en Suisse. Dans sa prise de parole, il a annoncé le soutien du Conseil de la FEPS (exécutif) à une motion de l’Eglise réformée de Bâle-Campagne demandant «le respect de la Constitution et du droit international».

La votation sur les mesures de contraintes en 1994, l’initiative pour l’internement à vie des délinquants dangereux en 2004, ou l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels en 2010 sont des exemples de textes acceptés par le peuple, mais qui violent des principes juridiques tels qu’égalité devant la loi, ou principe de proportionnalité. Alors que l’on voit poindre une initiative demandant que soit inscrite la primauté du droit national sur la Convention européenne des droits de l’Homme, les Eglises protestantes montent au créneau et au nom de l’attachement biblique à la justice et se font les avocates «de l’Etat de droit harcelé», selon la formule de la motion.

La proposition fait l’unanimité

Une préoccupation partagée par l’ensemble des délégués puisque la parole n’a pas été demandée pour s’opposer à la motion bâloise. Le texte a donc été adopté sans débat. Le Conseil de la FEPS devra donc rédiger et faire connaître une prise de position affirmant l’attachement des Eglises à la Constitution et au droit international, seuls à même de protéger les minorités. «Nous défendons l’Etat de droit helvétique et sa Constitution parce qu’ils garantissent que les droits de tous sont respectés et qu’une majorité n’impose pas sa volonté à une minorité. Nous nous opposons de même à la polémique lancée contre le droit international», résume la motion de Bâle-Campagne. Le Conseil de la FEPS annonce qu’il contactera l’Eglise catholique romaine et divers experts pour mener à bien ce projet.

«Nous constatons avec une vive préoccupation que la Constitution est de plus en plus souvent profanée ou remise en question, et qu’Etat de droit et démocratie directe sont invoqués l’un contre l’autre», demande le texte bâlois. «Notre Constitution n’est-elle plus qu’un Handicap gênant, qui barre la route à l’exigence d’efficacité et de risque zéro? Plus fortes encore sont les voix qui s’en prennent au droit international et à la Cour européenne des droits de l’Homme, dès lors qu’ils limitent de ce que l’on suppose être la volonté du peuple.»


Asile: l’intimidation ne doit pas être la ligne directrice!

Les délégués ont également adopté une résolution adressée au Conseil fédéral qui demande d’accorder une aide sur place plus importante aux régions en crises et dans leurs Etats voisins; d’augmenter à 5000 personnes le contingent d’accueil en Suisse pour les réfugiés syriens et d’autres Etats du Moyen-Orient enregistrés par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés; et enfin de définir la politique et la législation de l’asile de sorte que les personnes poursuivies et déplacées obtiennent vraiment protection en Suisse et que «l’intimidation ne soit pas la ligne directrice». «Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le monde compte plus de 50 millions de réfugiés», souligne le texte proposé par les Eglises réformées Berne-Jura-Soleure.

La deuxième partie de la résolution, qui comprend des exhortations aux Eglises a, par contre, fait débat au sein de l’assemblée des délégués: certains doutaient qu’il faille faire cohabiter sur un même document appel au Conseil fédéral et appel aux Eglises. La majorité a toutefois penché en faveur de cette façon de faire. Les Eglises sont donc appelées à «prendre en considération, dans leurs décisions politiques, la dignité humaine des demandeurs d’asile»; à cultiver l’hospitalité à l’égard des réfugiés et à se souvenir d’eux dans la prière.


Regroupement des œuvres de diaconies

Les délégués ont donné leur feu vert à la création de «Diaconie Suisse» qui regroupera les différentes œuvres de diaconie du pays. La structure de cette future faîtière aura trois niveaux: une conférence, un comité directeur et des groupes de travail. Alors que dans le modèle précédent la responsabilité des associations diaconales était partagée entre œuvre et Eglises, «Diaconie Suisse» se rapprochera clairement des Eglises puisque le modèle s’appuie directement sur les membres des organes exécutifs d’Eglise responsables de la diaconie. Cette nouvelle structure vise avant tout la simplification et par là l’efficacité et la transparence des activités de diaconie en Suisse.