Regard sur les Eglises ethniques: « Dans notre communauté camerounaise en exil, l’Eglise structure la vie sociale »

Regard sur les Eglises ethniques: « Dans notre communauté camerounaise en exil, l’Eglise structure la vie sociale »

La communauté presbytérienne camerounaise se réunit tous les dimanches au temple de Troinex à Genève, où elle partage un culte mensuel avec la communauté réformée
Une célébration qui a pour but de réveiller les ardeurs de la foi.Célébration dominicale de la communauté presbytérienne camerounaise au temple de Troinex (GE) : Les fidèles commencent à affluer tranquillement et le culte peut commencer avec une heure de retard, soit à l'heure africaine, rythmé par les chants entraînants de la chorale, composée essentiellement de jeunes femmes – tout comme le reste de la communauté d’ailleurs. Mais où sont les hommes ? Dorine Ndii Ndii s’amuse de la question : «Mais ce sont les femmes qui mènent la vie spirituelle! Il en a d’ailleurs toujours été ainsi. Si on comptait sur les hommes…». Les voix des choristes emplissent le temple d’une joie irrésistible et communicative. La chorale étant en sous-effectif, la célébration ne durera qu’une heure et demie, alors qu’elle peut déborder bien au-delà lors d’événements importants. Jean Issom, Ancien de l’Eglise, (conseiller de paroisse formé à la conduite des offices) confie son incompréhension face à la rigueur helvétique, qui veut qu’un culte ne doit pas dépasser une heure, sous peine de mécontenter les paroissiens. «Est-ce que l’on mesure le temps accordé à la louange de notre Seigneur ? Vraiment, je ne comprends pas ».

La durée des célébrations et la puissance des voix des choristes ne sont pas les seules particularités qui différencient le culte presbytérien camerounais des cultes réformés. La liturgie, la fonction bien précise et la tenue ad hoc de chaque célébrant, mais surtout le vocabulaire employé, sont parfois bien loin de ce que l’on connaît en Suisse. Les mots «péché», «pénitence» ou encore «salut» ne sont pas tabous dans la communauté camerounaise. Ils reviennent d’ailleurs souvent dans les prières, où les fidèles sont appelés à reconnaître la pauvreté de leur foi et à s’en repentir. Rien de pesant pourtant. Le ton n’est pas à l’accusation, mais à l’espoir d’améliorer chaque jour sa relation à Dieu. Sûr qu’avec leurs voix célestes, les choristes sont sur la bonne voie.

Marie-Catherine Ngoa-Azombo est catéchiste de la communauté presbytérienne camerounaise. Une fonction bénévole importante qui nécessite une formation pour guider spirituellement la communauté en l’absence du pasteur.Quels sont vos liens avec l’Eglise-mère au Cameroun ?Ils sont très forts. Nous sommes liés à une paroisse dans notre pays d’origine, dont le pasteur est également notre pasteur. Etant donné qu’il ne vient que rarement en Suisse, les Anciens de l’Eglise, les diacres et moi-même officions en son absence. Nous sommes les garants du bon fonctionnement de la communauté. Nous fêtons cette année un jubilé important : les cinquante ans d’indépendance de notre Eglise. Nous sommes issus des missions évangéliques américaines, dont nous nous sommes affranchis en 1957.Quel regard portez vous sur les communautés protestantes genevoises ?La première chose qui nous frappe, c’est l’âge avancé des paroissiens. A de rares exceptions près, il n’y a que des vieux dans vos temples! Chez nous, toutes les tranches d’âge participent au culte et sont mises à contribution dans des associations d’Eglise. Il existe une association pour les jeunes, une pour les femmes, une pour les hommes, plusieurs chorales. L’Eglise structure la vie sociale. Pensez-vous qu’il est important de nouer des liens avec les communautés locales ?Oui bien sûr. Je crois que les cultes «ethniques» sont nécessaires, car ils développent des solidarités au sein de la communauté en exil. Mais il faut également se mélanger aux autochtones. Nous avons de bonnes relations avec la paroisse de Troinex-Veyrier, qui nous prête son temple. Une fois par mois, nous célébrons un culte ensemble. Les paroissiens aiment nous voir en tenue de fête et nos chants les réveillent ! Les chorales sont notre premier instrument d’évangélisation.