Le bibliste François Vouga imagine les confessions de l'apôtre Paul

Le bibliste François Vouga imagine les confessions de l'apôtre Paul

« Moi, Paul » : François Vouga , professeur de Nouveau Testament, s’est glissé dans la peau de l’apôtre Paul pour des confessions imaginaires. Sacrilège ? Le théologien s’explique : loin de vouloir livrer une biographie ou une analyse exégétique supplémentaire de celui qu’il considère comme le premier grand penseur du christianisme, il a cherché, par ce « je » très personnel, à mettre en évidence la perspective existentielle et l’actualité de la pensée paulinienne. Interview.

 

Spécialiste du christianisme primitif, François Vouga s’est attaché à la figure de Paul , l’apôtre qui n’a pas connu Jésus, et a cherché à rendre accessible de longues recherches historiques et théologiques. « Ce qui m’intéresse chez l’évangéliste, explique l’auteur de « Moi, Paul »*, c’est sa dimension existentielle, ce sont le dialogue intérieur constant qu’il a pratiqué et l’art de se confronter à lui-même, à son passé, à sa responsabilité, à ses échecs, à cette vocation qui lui a été adressée sur le chemin de Damas et qui a déterminé tout son chemin ».

Actuellement professeur de théologie à Bielefeld en Allemagne, François Vouga montre que le prédicateur mystique fut le premier penseur à avoir réfléchi systématiquement à la signification du christianisme et à la portée du message et de la pratique de Jésus.

Paul en Grèce

Le théologien romand rappelle que c’est Paul qui a fait passer l’Evangile en Europe et qu’il a ouvert le christianisme au monde grec. Convertisseur de génie, prédicateur itinérant éduqué dans la meilleure tradition juive et formé à l’art de la rhétorique grec, Paul a compris très vite que le christianisme n’avait d’avenir qu’en s’adressant aux païens.

Il a été inflexible dans sa défense de la liberté de pouvoir vivre la foi chrétienne dans la culture grecque, contre l’Église de Jérusalem. Ce qui fait dire à François Vouga: « Les traits apparemment sectaires que l’on prête à la pensée de Paul sont exactement le contraire de ce que l’on pense : non pas l’expression d’un intégrisme ou d’une prétention autoritaire à l’exclusivité, mais bien au contraire la défense de la société ouverte constituée par l’Évangile ».

Jacques à Jérusalem

Si Jacques s’est attaché à Jérusalem, à enraciner l’œuvre de Jésus dans la tradition religieuse du judaïsme, Paul, en visionnaire, ne transige pas sur l’universalité et le pluralisme des églises de Jésus Christ, rappelant que l’Evangile est l’appel adressé à tous, que sa vérité est libératrice mais ne tolère pas de compromis ni de clivages symboliques entre le pur et l’impur, entre les élus de Dieu et les païens, qu’il prêche l’accueil inconditionnel de quiconque met sa confiance en Dieu. Et Paul de rappeler que la promesse de Dieu est plus ancienne que la Loi. L’intransigeance de Paul est totale. « Si la justice de Dieu est sous la Loi, alors Christ est mort en vain ».

Sur l’attitude de Paul à l’égard des femmes, François Vouga refuse les clichés et donne un éclairage moins susceptible de heurter les féministes. « Si on reprend les textes de Paul, on s’aperçoit qu’il est émaillé de noms de collaboratrices qu’il remercie ; dans les églises qu’il visite, les femmes prêchent et s’investissement dans le travail d’évangélisation."

Livre:

  • « Moi, Paul ! », François Vouga, 309 pages, éditions Labor et Fides, octobre 2005.