Les Vaudois du Piémont, des protestants italiens entre histoire et foi
L'Eglise vaudoise n'a acquis une existence légale qu'en 1988. Tout au long de sa longue histoire, il lui a fallu sans cesse se battre pour sauvegarder sa foi et défendre les principes fondamentaux des fondateurs du mouvement apparu au 12e siècle déjà, qui se voulaient d’authentiques témoins du Christ et ne reconnaissaient qu’une autorité, celle de l’Evangile. Ce qui, en ce temps-là, était tout à fait subversif.
L’histoire des Vaudois commence à Lyon à la fin du 12e siècle. Vers 1170, un riche marchand lyonnais, connu tantôt sous le nom de Valdès tantôt de Pierre Valdo, fait vœu de pauvreté et prend son bâton de pèlerin pour prêcher l’Evangile en compagnie de quelques disciples. «Les Pauvres de Lyon», - c’est ainsi qu’on se met à les appeler - se veulent libres de toutes les contraintes que leur imposent les puissants de l’époque, aussi bien l’Eglise romaine que les riches, pour annoncer l’Evangile. Ils veulent vivre comme les premiers apôtres. Ce sont des citadins laïques, non violents, sans clergé, proches du peuple. Ils prônent la solidarité, leurs prédications sont simples et directes. Ils vont marquer l’histoire religieuse de leurs temps.
Cette minorité, qui a rapidement essaimé en Lombardie, soulève des problèmes de fond à l’Eglise de Rome qui les considère comme des hérétiques et les persécute durement. Les Vaudois se réfugient dans les vallées du Piémont et du Dauphiné, où ils vivent leur foi dans la clandestinité. Ils parlent un dialecte dérivé de l’occitan et deviennent des paysans, cloîtrés dans leurs vallées.
§La Réforme Au 16e siècle, après bien des persécutions, les communautés vaudoises choisissent de s’insérer dans la Réforme plutôt que de disparaître. C’est à cette épouque qu’elles publient la première Bible réformée, la Bible d’Olivétan, imprimée à Neuchâtel en 1535.
Suivent trois siècles de souffrances, de massacres, d’exclusion et de répression terribles. En 1655, la population les Vaudois du Piémont est écrasée. Il ne reste que quelque 3000 survivants, qui sont expulsés vers Genève. Il faut attendre 1848 pour que leurs descendants retrouvent leurs droits civiques et politiques et 1945 pour qu’enfin la liberté de conscience et de culte leur soit octroyée par la Constitution italienne.
§Diaspora Dès 1848, es communautés vaudoises sortent de leurs vallées piémontaises : évangélistes, colporteurs et instituteurs parcourent toute l’Italie pour prêcher l’Evangile. Des jeunes communautés se forment un peu partout, dans la péninsule et en Sicile, mais aussi en Uruguay et en Argentine. Les Vaudois se donnent une Faculté de théologie, créent une maison d’édition, se dotent d’écoles, vont se former à l’étranger, notamment à l’Ecole Normale de Lausanne, pour pouvoir ensuite enseigner à leurs enfants, construisent des hôpitaux, des orphelinats, des maisons de retraite. La communauté vaudoise, alors francophone, se met à l’italien.
§Torre Pellice, capitale spirituelleTorre Pellice fait aujourd’hui figure de capitale spirituelle des Vaudois. C’est là que se tient chaque année le synode de l’Eglise vaudoise. Agape à Riesi ,dans une vallée voisine, créé au lendemain de la guerre pour travailler à la réconciliation entre les peuples, est devenu un haut-lieu du protestantisme international et œcuménique créé par le pasteur Tullio Vinay. Des générations de jeunes protestants venus des quatre coins de l’Europe y ont vécu des moments intenses.
La crise économique et l’émigration ont peu à peu dépeuplé les vallées vaudoises. Comme beaucoup d’autres Eglises, les Vaudois doivent faire face à la sécularisation de la société et à une érosion du nombre de ceux qui ont fait publiquement leur profession de foi et ne sont pas simplement « nés Vaudois ». Marco Bellora, le jeune directeur de la maison d’hôte de Torre Pellice, Vaudois natif de San Giovanni, a fait sa confirmation, habité de doutes. C’est en travaillant dans les bureaux d’une auberge vaudoise à Vintimille qu’il découvre que l’Eglise n’est pas seulement une réalité historique mais aussi une communauté vivante, qui cultive l’entraide et la solidarité. « Les gens qui venaient là, le faisaient par choix, non pas à cause de leurs racines ». Il se sent épaulé, il rencontre des gens ouverts sur le monde et porteurs d’une certaine lumière, il décide de s’engager dans son Eglise.
Pour Totti Rochat, femme de pasteur et fille d’une mère Vaudoise et d’un père natif de la Vallée de Joux en Suisse, le nouveau défi pour les Vaudois est un œcuménisme vrai et la solidarité avec les sans voix que sont par exemple les demandeurs d’asile. « Il nous faut nous remettre en question les uns les autres. Sur le plan œcuménique, je suis plus confiante en un dialogue véritable depuis Vatican ll. L’amour du prochain, la justice sociale et la paix ne peuvent se vivre qu’avec les autres Eglises. »