La loi américaine censée défendre la liberté religieuse, qualifiée de discriminatoire

La loi américaine censée défendre la liberté religieuse, qualifiée de discriminatoire

Aux Etats-Unis, le Religious Freedom Restoration Act a été adopté pour combattre les discriminations religieuses. Mais dans la pratique, cela ne fonctionne pas systématiquement. Louise Melling, directrice juridique adjointe de l’Union américaine des libertés explique pourquoi.

Photo: Un manifestant déguisé en bible devant la Cour suprême. Il tient un panneau «ne m’utilisez pas pour votre bigoterie». Ce jour-là, la cour autorisait les propriétaires chrétiens d’une chaîne de magasins à exclure la contraception de la couverture médicale de leurs employés. CC(by-nc) American Life League

(RNS/Protestinter) Lorsque le Congrès a adopté la Religious Freedom Restoration Act (RFRA, «loi sur la restauration de la liberté religieuse») en 1993, l’Union américaine des libertés l’a soutenue parce que nous avons cru qu’elle fournirait des protections importantes pour que les personnes puissent pratiquer leur foi. Ayant combattu pour la liberté religieuse depuis des décennies, nous sommes étonnés de découvrir qu’actuellement l'interprétation de la Constitution ne protège pas suffisamment les minorités religieuses.

Au fil des ans, la RFRA a été de plus en plus utilisée pour combattre la liberté religieuse, comme le montre l’histoire d’un étudiant sikh, Iknoor Singh, à qui l’entrée dans la formation du Corps des officiers de réserve de l'Armée a été interdite, sauf s’il se coupait les cheveux, se rasait la barbe et enlevait son turban. 

Aujourd'hui, la RFRA est également utilisée comme un véhicule pour les institutions et les individus pour faire valoir que leur foi justifie les innombrables préjudices - à l'égalité, à la dignité, à la santé et aux valeurs américaines fondamentales.

Ci-dessous trois exemples flagrants:

  • En 2014, un juge de fédéral s'en est référé à la RFRA pour déclarer qu’un membre de l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours (mormons) ne pouvait pas être tenu de coopérer à une enquête sur les violations du droit du travail des enfants. (Les dirigeants de l'Eglise ont été accusés de retirer des enfants de l'école et de les forcer à récolter des noix de pécan dans un ranch privé, sans salaires, pendant huit heures par jour.)
  • L'Association médicale catholique dans le Michigan a utilisé la RFRA pour affirmer que les hôpitaux catholiques ne peuvent pas être tenus de faire des avortements en cas d'urgence. (La Conférence américaine des évêques catholiques affirme que même si elle reçoit de l'argent du gouvernement fédéral pour fournir des services aux mineurs migrants non accompagnés, la RFRA justifie son refus de d'informer celles d'entre eux qui sont enceintes que l'avortement est une option.)
  • Des Organisations religieuses sans but lucratif ont récemment argumenté devant la Cour suprême que la RFRA est violée si elles doivent fournir une couverture d'assurance pour la contraception à leurs employés (lundi 16 mai dernier, le tribunal de la Cour suprême a renvoyé l'affaire aux tribunaux inférieurs pour que l’affaire soit reconsidérée.)

De nombreux Etats conçoivent la RFRA comme un modèle pour une législation similaire, avec les avocats qui déclarent souvent que la mesure est nécessaire afin que toute personne, y compris dans les entreprises, puisse, pour des raisons de foi, refuser d’employer des couples de même sexe. Dans tous ces cas, les gens sont blessés. Et ils blessent à leur tour d’autres personnes, ce qui n’est pas le but de la liberté religieuse.

Le mercredi 18 mai, le Congrès a débattu d'un amendement à la RFRA pour qu'elle soit à nouveau conforme à son intention initiale. Le «Do No Harm Act» (la loi «ne blesse pas») modifiera, si elle est adoptée, la RFRA pour assurer la protection de la loi fédérale sur la liberté religieuse, mais elle ne laisserait pas la religion être utilisée afin de nuire à autrui.

Cette loi veillera à ce que la RFRA ne puisse pas être contournée pour discriminer qui que ce soit au sujet du salaire minimum ou de la protection du travail, pour éviter le respect des lois de protection contre la maltraitance des enfants, ou pour contrecarrer l'accès aux soins de santé garanti par la loi.

Nous reconnaissons que les croyances sincères de certaines personnes peuvent entrer en conflit avec la loi. Les chefs d'entreprises, qui croient que le mariage est l'union entre un homme et une femme, peuvent ne pas vouloir employer les couples de même sexe, ou bien des chefs d'entreprise peuvent refuser que leur assureur offre une couverture d'assurance pour la contraception à leurs employés.

Dans les dernières décennies, les entreprises et les écoles sont allées devant les tribunaux pour résister à l'intégration raciale. Les écoles religieuses ont plaidé pour le droit de payer les femmes moins que les hommes parce qu’en accord avec leur foi, les hommes étaient les chefs de famille. En tant que nation, nous avons dit non. La religion ne peut être utilisée pour discriminer et de nuire à la dignité, l'égalité ou la possibilité d'une personne. 

Nous demandons de faire de même au sujet de cette modification de la RFRA. Comme l'a dit le gouverneur de Géorgie, Nathan Deal, qui s’est opposé à la loi de la RFRA plus tôt cette année: «Je ne pense pas que nous devons discriminer une personne, pour protéger une communauté fondée sur la foi.»