Les femmes étrangères craignent de dénoncer leur époux violent par peur de renvoi

Les femmes étrangères craignent de dénoncer leur époux violent par peur de renvoi

Un nouveau rapport de l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers, publié mardi 8 mars, accuse les autorités suisses de ne pas garantir une protection effective et sans discrimination à toutes les victimes de violences conjugales
Différents cas concrets illustrent cette injustice.

Photo: CC (by-nc-nd) European Parliament

«Parler de violences conjugales est un tabou alors même que cette problématique touche toutes les classes sociales. Mais pour les femmes étrangères, la situation est encore plus compliquée, car sans titre de séjour indépendant elles craignent de dénoncer leur mari et de se voir expulser hors de Suisse avec leurs enfants. Certaines d’entre elles continuent à subir et à souffrir plutôt que de prendre ce risque», explique Inge Hoffmann, présidente de l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE), lors de la présentation du nouveau rapport sur les femmes étrangères victimes de violences conjugales, mardi 8 mars, à Lausanne.

En juillet 2013, une modification de l’art. 50 al. 2 de la Loi sur les étrangers (LEtr) a permis aux personnes subissant des violences conjugales de voir leur titre de séjour renouvelé en cas de séparation – de leur mari suisse ou détenteur d’un permis C – alors qu’auparavant, elles devaient également prouver que leur réintégration dans leur pays d’origine était compromise. Mais, en pratique les femmes se heurtent à de nombreux obstacles, car selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, elles doivent également prouver le caractère répétitif de ces abus ainsi que leur intégration au sein de la population suisse.

Un parcours du combattant

«Ces femmes font face à un véritable parcours du combattant», constate Mélissa Llorens, coordinatrice de l’ODAE romand. «Prouver des violences conjugales ainsi que leur intensité et leur répétition n’est pas aisé, car l’avis des spécialistes n’est pas toujours pris en compte par les autorités. Nous souhaitons que les attestations des médecins soient des preuves suffisantes pour les autorités».

Selon, la médecin Nathalie Romain Glassey, responsable de l’Unité de médecine des violences au CHUV, «pour 90% des femmes qui consultent, ce n’est pas la première fois qu’elles subissent des violences physiques». «Et cette souffrance a des conséquences sur la santé physique et psychique perturbant l’activité professionnelle de la victime et sa capacité à garder un emploi, freinant ainsi son intégration».

Les enfants sont également des victimes, car ils risquent d’être expulsés avec leur mère. «Les arracher de leur école, de leurs copains et de la possibilité de grandir en Suisse pour les envoyer dans un pays où parfois ils ne sont jamais allés et dont ils ne connaissent pas forcément la langue est une injustice terrible, sans oublier la séparation d’avec leur père», souligne la médecin et chercheuse, Marie-Claude Hofner.

Selon l’Office fédéral de la statistique, 15 femmes sont mortes en Suisse en 2014, des suites de violences conjugales et 25 ont été victimes de tentative d’homicide par leur partenaire. Créé en 2008, l’ODAE romand apporte un éclairage sur les conséquences de l’application des lois sur l’asile et les étrangers à l’aide de correspondants sur le terrain dans tout la Suisse romande. Son rapport sur les femmes étrangères victimes de violences conjugales a été élaboré en collaboration avec le groupe de travail «Femmes migrantes et violences conjugales».