Mais qui était vraiment Jésus?
Figure centrale du christianisme, dont la vie a été illustrée à maintes reprises sur le grand écran depuis les débuts du cinéma, tour à tour super héros, révolutionnaire ou marginal, Jésus Christ intrigue et fascine depuis plus de 2000 ans. Mais qui était-il? L’Université de Genève organise, à partir du jeudi 3 mars, un cours public hebdomadaire dédié à la recherche du Jésus de l’histoire, dispensé par une dizaine d’éminents chercheurs. Protestinfo a rencontré le professeur Andreas Dettwiler, spécialiste du Nouveau Testament et organisateur de l’événement.
Jésus a-t-il réellement existé?
Cela ne fait raisonnablement aucun doute. Toute une série d’arguments et de sources soutiennent cette position. Dès la fin du XVIIIe siècle, on a pourtant essayé ici ou là de démontrer le contraire à travers la thèse d’un Jésus complètement imaginaire. Cette thèse n’a pas pu s’imposer dans les milieux académiques, indépendamment des convictions personnelles et des appartenances confessionnelles des chercheurs.
Est-ce important pour le christianisme?
Si on pouvait prouver que Jésus n’avait pas existé, cela toucherait un point fondamental de l’identité chrétienne traditionnelle, soit la conviction de l’incarnation. Et plus généralement, le fait que la foi chrétienne entretient un lien intime avec l’histoire. La foi part de l’idée que la vérité dont elle témoigne n’est pas une vérité abstraite, mais qu’elle est constitutivement liée à un personnage historique, Jésus de Nazareth.
Cela dit, la question du Jésus historique n’est pas totalement indispensable pour l’identité de la foi chrétienne. Indépendamment de la question de l’historicité de Jésus de Nazareth, les paroles transmises dans les évangiles ont eu une puissance d’interrogation importante: pensons seulement aux béatitudes, au Notre Père, au commandement d’amour des ennemis ou encore à l’invitation au pardon. Dans ce sens, la figure historique de Jésus est comparable à un point névralgique qui se fera immédiatement sentir dans l’ensemble du christianisme naissant. L’historien pense que ce point névralgique est Jésus de Nazareth, même si nous n’arrivons jamais à reconstruire ses actes et ses paroles avec une certitude à 100%.
Mais Jésus n’a jamais rien écrit, comment cerner ses idées?
Notre approche du Jésus de l’histoire reste ouverte, car nous ne «possédons» Jésus que par la médiation d’une mémoire. Les évangiles se sont tout autant intéressés à clarifier la situation dans leurs communautés qu’à cerner et à maintenir la mémoire du Jésus de l’histoire, mais pas dans une logique d’investigation historique moderne. Et cela crée énormément de malentendus pour les personnes qui se demandent: «est-ce que c’est vrai ou pas?» La question de la vérité est identifiée intuitivement, un peu naïvement, à la question de la vérité historique. Or, il faut d’abord bien comprendre les particularités des documents en question – les évangiles notamment –, au lieu de les lire comme une sorte de procès-verbal d’une vérité historique. C’est seulement dans un deuxième temps que l’on peut les utiliser comme documents qui nous disent quelque chose sur le Jésus de l’histoire. Mais pour cela, il faut constamment les «prendre à rebrousse-poil».
Y a-t-il encore des choses à découvrir dans la recherche sur le Jésus historique?
Etonnamment oui. La question du Jésus historique est une question qui est discutée depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle et c’est un sujet qui ne s’arrête jamais complètement. Au niveau des perspectives nouvelles, les travaux archéologiques récents autour de la Galilée de l’époque ont passablement modifié notre approche de cette contrée et parallèlement celle du Jésus de Nazareth. Cette thématique sera abordée lors de la deuxième conférence.
Dates et thématiques des rencontresLes rencontres auront lieu le jeudi de 18h15 à 19h30 dans la salle B106 de l’Uni Bastions, à Genève.
- 3 mars: «Jésus a-t-il bel et bien existé? La question des sources» par le professeur Andreas Dettwiler de l’UNIGE.
- 10 mars: «Jésus: un juif de la Galilée» par le professeur Jürgen K. Zangenberg de l’Université de Leiden (conférence en anglais, traduction disponible).
- 17 mars: «Jésus et Jean-Baptiste – rupture ou continuité?» par le professeur honoraire Gerd Theissen de l’Université d’Heidelberg.
- 7 avril: «Jésus en relation – des adeptes, des alliés et des adversaires» par le professeur Enrico Norelli de l’UNIGE.
- 14 avril: «Jésus le poète, maître de sagesse» par le professeur honoraire Daniel Marguerat de l’Université de Lausanne.
- 21 avril: «Jésus et l’irruption du Royaume» par le professeur Christian Grappe de l’Université de Strasbourg.
- 28 avril: «Les miracles de Jésus et leur signification» par la professeure Annette Merz de l’Université de Groningen (conférence en allemand, traduction disponible).
- 12 mai: «Jésus, critique fervent de la Torah?» par le professeur Martin Ebner de l’Université de Bonn (conférence en allemand, traduction disponible).
- 19 mai: «Jésus, révolutionnaire politique? Les raisons de sa mort» par les professeurs Adriana Destro et Mauro Pesce de l’Université de Bologne.
- 26 mai: «Jésus après Jésus: l’événement pascal et les débuts de la christologie» par le professeur honoraire Jean Zumstein de l’Université de Zurich.