La théologie va prendre un virage écologique
«Partout où je vais, que ce soit dans des facultés de théologie universitaires ou dans des séminaires, il y a toujours une référence qui est faite à Jürgen Moltmann», a rappelé Olav Fyske Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglise avant de céder la parole à l’éminent théologien, qui a 89 ans reste une véritable «star» de la discipline. Et c’est véritablement avec enthousiasme que Jürgen Moltmann a apporté sa réponse à la question de l’avenir de la théologie.
«Celui qui s’intéresse au futur doit comprendre le présent», a commencé le chercheur qui a rapidement passé en revue quelques épisodes de l’évolution de la théologie moderne. De celle des Eglises d’Etat, mise en crise par le soutien aveugle apporté au régime lors de la montée du nazisme en Allemagne. Puis les théologies politiques, telles que la théologie de la libération qui ont au contraire soutenu la résistance contre toutes formes d’oppression quitte à placer «le contexte devant le Texte». Aujourd’hui, la théologie est devenue véritablement scientifique et elle se trouve en crise, selon Jürgen Moltmann. «Les théologiens ont perdu leurs relations avec les Eglises. De fait, la théologie scientifique est en crise, car elle se recherche une applicabilité.»
L’inévitable théologie écologiqueMais un nouveau paradigme est en train de voir le jour, car la crise écologique remet en cause l’existence même de l’humain sur terre. Elle pousse à se poser des questions aussi existentielles que la présence de notre espèce sur la planète. «Sommes-nous là par hasard ou par providence?», interroge le théologien. Il pronostique que ces enjeux vont avoir le même impact sur les religions et la théologie qu’elles ont eu sur la politique. Il rappelle: «des conflits liés aux politiques nationales ont mené à la création d’une politique inter-nationale. Puis est arrivée la menace atomique à laquelle il a été répondu par la mise en place d’institutions trans-nationales, telles que l’Union européenne. Les enjeux climatiques amènent enfin à la recherche de solutions globales.»
Cela risque fort de se transposer aux religions. «Il y a de nombreuses fois et spiritualités, mais il n’y a qu’une seule terre. Quelle réponse éthique donner à la question environnementale et comment les religions vont-elles y contribuer?», a résumé Jürgen Moltmann. «Si nous ne parvenons pas à respecter la religion de la terre et à préserver la terre, l’eau et l’air; nous allons polluer la terre, l’eau et l’air. La Terre y survivrait, pas l’humanité.»
L’émergence d’un christianisme non «constantinien»Jürgen Moltmann a ensuite poursuivi en rappelant que le christianisme émerge désormais en Asie, Afrique et Océanie davantage que dans les pays de l’Ouest. «Malgré la Révolution française et le Premier Amendement aux Etats-Unis, nos Eglises restent fortement influencées par le modèle de l’Eglise d’Etat», rappelle-t-il. «Ce n’est pas le cas dans les pays influencés par le communiste ou l’islam. Ces Eglises minorisées fonctionnent sur un modèle plus proche du libre marché.» Jürgen Moltmann, pointe une différence en particulier entre ces Eglises et les Eglises historiques: «Ils espèrent davantage qu’ils ne craignent l’Apocalypse.»
Et c’est justement cette théologie-là qu’espère Jürgen Moltmann pour le futur: «l’attente d’un Dieu qui vient.» Mais malicieux, il ajoute «Je ne suis pas sûr que les jeunes théologiens veulent suivre ce que nous les vieux théologiens espérons. Mais comme les oiseaux ont besoin d’air pour voler, les théologiens ont besoin de l’espoir du retour de Dieu.»
Un souhait visiblement partagé par la petite centaine de personnes assistant à la conférence mercredi soir. Olav Fyske Tveit a partagé son enthousiasme: «Je sais qu’en 1964, la théologie de l’Espérance de Jürgen Moltmann était nécessaire. Je crois qu’elle le reste en 2016.»
Revivre la conférence de Jürgen MoltmannLa captation vidéo de la conférence de Jürgen Moltmann sera bientôt disponible sur la chaîne Youtube du Conseil œcuménique des Eglises. Le texte de sa présentation sera prochainement mis en ligne sur le site de l'organisation internationale.