La critique du religieux plus nécessaire que jamais
Responsable du service protestant de radio, Jean-Christophe Emery réagit à l’annonce de la suppression des magazines religieux à la radio et à la télévision.
Photo: En régie, lors d’un tournage de «Faut pas croire» capture d’écran d’un film ©Pierre-Alain Frey
L’annonce brutale de la disparition des trois magazines de RTSreligion a fait l’effet d’une bombe. «Faut pas croire», «A vue d’esprit» et «Hautes Fréquences» devraient disparaître en 2017 suite à la cure de 1,2 million de francs annoncée par le service public. Voici ce qui a été annoncé le 17 novembre.
Bien entendu, il n’est pas question de dénigrer les réalités économiques auxquelles le service public doit faire face dans des circonstances de fragilisation politique.
Ce qui me dérange ce n’est pas tant la critique externe qui considère que les lois de l’audimat ou qu’une certaine conception du service public à géométrie variable justifient ce que d’autres estiment être de l’arbitraire.
Ce qui me dérange, ce n’est pas non plus cette idée crasse que les émissions de RTSreligion ne servent qu’un public choisi qui se définit comme religieux et qui devrait en porter les stigmates. Le nombre de témoignages d’agnostiques et d’athées qui fleurissent depuis quelques jours sur les réseaux sociaux en soutien de RTSreligion est éloquent.
Ce n’est pas même la suppression de nos magazines «Faut pas croire», «A vue d’esprit» et «Hautes Fréquences» qui me semble le plus grave. Même si leur diversité permet aux plus exigeants comme aux plus béotiens de plonger dans l’univers complexe du religieux, du philosophique, de l’existentiel et de la spiritualité. Le jeu de la vie et de la mort des produits médiatiques nous est familier et nous ne le craignons pas.
Ce qui me dérange le plus et m’inquiète profondément, c’est la disparition de rédactions spécialisées dans le religieux. En perdant ces lieux d’intelligence collective, la RTS se coupe d’une critique du religieux et de ses formes pathologiques. Une critique qui émane de journalistes auxquels la connaissance profonde de la matière donne une acuité et une pertinence particulières. Cette critique vient aussi, et ce n’est pas la moindre de ses forces, des appartenances différentes des journalistes de RTSreligion. En permanence, réformés, évangéliques et catholiques questionnent leurs présupposés et débattent des sujets et des angles. Voilà la plus-value. Elle est unique en Suisse, peut-être même en Europe. Elle est jalousée à l’étranger.
D’autres journalistes traiteront du religieux, c’est évident. Ils le feront probablement avec compétence. Mais aucune rédaction ne possèdera la finesse de ses évaluations, la diversité de ses jugements, la profondeur de ses réseaux, l’acuité de ses veilles thématiques et le savoir de ses héritages accumulés depuis des décennies.
C’est là l’immense perte à laquelle conduit la décision de supprimer les rédactions télévision et radio de RTSreligion.
J’ai quelques raisons de penser que les enjeux liés aux questions religieuses ne sont pas à reléguer dans une vitrine poussiéreuse. Je suis même plutôt enclin à croire qu’il est plus nécessaire que jamais de disposer de professionnels des médias doublés de professionnels du religieux. Il en va de la paix sociale, de cet équilibre si fragile et si soigneusement entretenu en Suisse.
PétitionUne pétition en faveur des programmes de RTS religion est disponible en ligne.