Les communautés évangéliques choquées par une prise de position de l’Eglise protestante d'Allemagne

Les communautés évangéliques choquées par une prise de position de l’Eglise protestante d'Allemagne

L’une des plus grandes Eglises protestantes régionales d’Allemagne est sous le feu de la critique des autres communautés chrétiennes depuis qu’elle a pris position contre les efforts de convertir au christianisme les musulmans, alors que des dizaines de milliers de réfugiés fuyant le groupe terroriste Etat islamique arrivent dans le pays.

Photo: CC(by-nc)Imagens Cristãs

, Paris, RNS/Protestinter

Dans une prise de position, l’Eglise protestante du Rhénanie déclare que le passage de l’Evangile de Mathieu connut comme la Mission universelle –«Allez donc auprès des gens de toutes les nations et faites d’eux mes disciples; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit» –ne signifie pas que les chrétiens doivent essayer de convertir les autres à leur foi. «Une mission stratégique envers l’islam ou rencontrer les musulmans pour les convertir menace la paix sociale et contredit l’esprit et le mandat de Jésus-Christ, c’est pourquoi ils doivent être fermement rejetés», peut-on lire dans le texte «Accompagnement et témoignage dans le dialogue avec les musulmans»

Publié début octobre, ce document de l’Eglise protestante de Rhénanie a rapidement appelé une réponse ferme du petit mouvement évangélique d’Allemagne. «Nous déclarons fermement que la mission fondamentale des chrétiens, c’est-à-dire prêcher à tous la Bonne nouvelle du Seigneur Jésus Christ, et inviter à le suivre, ne peut pas être abandonnée», déclare Hartmut Steeb, secrétaire général de l’Alliance évangélique allemande.

Le document n’aurait pas pu arriver à un moment plus sensible. L’Allemagne s’attend à accueillir entre 800’000 et 1 million de requérants d’asile cette année, pour la majorité musulmans, issus de Syrie, Irak et Afghanistan. La minorité musulmane du pays pourrait bientôt dépasser les 5 millions, devançant ainsi la France et devenant la plus grande communauté musulmane d’Europe. L’accueil chaleureux de la chancelière Angela Merkel à tous les réfugiés fuyant la guerre et l’oppression a conduit à des controverses politiques majeures dans le pays. D’autres membres de l’Union démocrates-chrétiens accusent Angela Merkel de laisser imprudemment les frontières du pays ouvertes, alors que les groupes d’extrême droite qui dénoncent une supposée «islamisation» de la société gagnent du terrain.

Dans le même temps, des centaines de musulmans se seraient convertis au christianisme cette année. Mais certains musulmans allemands pointent que ces ressortissants iraniens ou afghans, qui risquent la peine de mort pour apostasie s’ils retournaient au pays, se sont peut-être convertis pour améliorer leur chance d’obtenir l’asile politique.

La ligne de division au sujet du prosélytisme sépare les principales branches du protestantisme allemand –principalement les luthériens, réformés et les groupes unis– qui représentent environ 30% de la population et les églises évangéliques qui sont environ 1% de la population. Tous se font appeler évangélique (evangelisch). Parfois les évangéliques se font appeler «evangelikanisch», pour se différencier.

Alors que la plupart des chrétiens se sont mobilisés pour aider les nouveaux venus, les catholiques romains et les protestants mainline n’ont jamais évoqué la crise des réfugiés comme une opportunité d’évangélisation. Par contraste, le consortium des missions évangéliques –une association qui relie les activités missionnaires tout autour du pays– a écrit à ses membres fin septembre, «Nous avons aujourd’hui une opportunité unique de présenter Jésus à un grand nombre de personnes qui n’ont encore jamais entendu parler de l’Evangile.»

La prise de position du consortium insiste sur le fait que la plupart des réfugiés sont des musulmans qui ont «échappé à la terreur islamiste et son profondément choqués par la barbarie inhumaine commise au nom de leur religion». Beaucoup n’ont jamais rencontré de chrétiens et se demandent pourquoi les Européens sont si accueillants alors que «leurs cousins d’Arabie leur ont fermé les portes sans pitié.» La newsletter pointe également que la plupart des Syriens sont bien formés, travailleurs et ont un taux de natalité relativement bas. «La crainte d’une “prise de majorité” biologique ne correspond pas aux faits», précise le document.

Pour Barbara Rudolph, responsable du travail missionnaire de l’Eglise protestante de Rhénanie, la prise de position de son Eglise a été mal comprise. «Il ne s’agit pas de mettre fin à notre travail missionnaire», explique-t-elle. Elle rappelle qu’en 2011, le Conseil œcuménique des Eglises, le Vatican et l’Alliance évangélique mondiale ont ratifié un code de conduite commun intitulé «Le témoignage chrétien dans un monde multireligieux» qui précise que les chrétiens devraient éviter dans l’exercice de la mission des «méthodes inappropriées telles que le recours à la tromperie ou à des moyens de coercition.» Pour Barbara Rudolph, le document de son Eglise régionale s’inscrit dans un débat plus large au sein de l’Eglise protestante d’Allemagne, basée sur la prise de position de 2011. «Nous voulons vivre d’une façon qui interroge au sujet de notre foi», explique-t-elle. «Tous ceux qui veulent devenir chrétiens peuvent demander le baptême.»

Cette nouvelle approche de la mission universelle a été critiquée y compris au sein de l’Eglise de Barbara Rudolph. La plupart des commentaires à ce sujet sur le blog de l’Église sont négatifs. «Cette nouvelle compréhension de la mission… exclut la Bonne nouvelle de Jésus-Christ. Elle confond loi et évangile en argumentant sur la nécessité éthique dans le travail missionnaire», écrit un pasteur.

Un autre responsable de l’Eglise de Rhénanie dit que le document semble renoncer à l’idée d’étendre la foi chrétienne. «J’ai basé ma vie sur la vérité fondamentale de l’Evangile», a déclaré le pasteur Christoph Noetzel à l’agence chrétienne indépendante Idea. «Je voudrais pouvoir continuer à la faire dans le futur, sans que cela soit relativisé par mon Eglise»

Un responsable de la mission pour l’Eglise protestante d’Allemagne, Hans-Hermann Pompe a déclaré à Idea. «Si à la lecture de ce document, quelqu’un en conclut que pour les protestants cela revient au même de suivre Jésus ou Mohammed, ses auteurs ne devraient pas être surpris»