Une provocation lancée aux philosophes: comprendre l’eucharistie

Une provocation lancée aux philosophes: comprendre l’eucharistie

Un colloque de recherche pluridisciplinaire a réuni à Genève des historiens spécialisés en histoire de la pensée médiévale et moderne, des philosophes et des théologiens, dans le but d’analyser l’impact des diverses compréhensions de l’eucharistie sur l’évolution de la pensée.

image: «La Cène», Léonard de Vinci (1495-1498), église Santa Maria delle Grazie de Milan

Par Elisabeth Schenker

«La doctrine de l’eucharistie n’a pas seulement des implications théologiques et philosophiques précises, elle a contribué, dès le 11e siècle, à nourrir et à préciser les méthodes de la théologie et de la philosophie», avaient annoncé dans le descriptif les organisateurs d’un colloque qui se déroulait les 17 et 18 juin derniers à la faculté autonome de théologie de Genève devant 20 à 30 personnes, dont quelques étudiants et de nombreux chercheurs.

Les enjeux de ces deux journées étaient de «voir comment l’eucharistie avait nourri la philosophie et la théologie entre les XXIe et XVIIIe siècles». Cette pratique a, en effet, posé un défi à la philosophie, et a obligé un dépassement de la métaphysique d’Aristote et de ses catégories, pour essayer de répondre à ces questions: s’il est vrai que le Christ est vraiment présent dans le pain, comment la transformation est-elle possible? Qu’est-ce qui change?

Théologie et philosophie médiévale: interrogation et influence mutuelle

C’est Laurent Cesalli, professeur de philosophie médiévale à Genève, qui a posé le décor du point de vue philosophique; le terme transsubstantiation, a-t-il rappelé, qui signifie le changement d’une substance en une autre «n’entre dans le vocabulaire médiéval qu’au milieu du 12e siècle, et d’emblée le débat va se situer sur le plan de la métaphysique aristotélicienne», autour d’une question: «quel type de changement est le changement eucharistique?». «Le cas de la métaphysique de l’eucharistie a valeur d’exemple, explique le philosophe, car les théologiens sont poussés à explorer les limites de la métaphysique aristotélicienne et la dépasser.» Pour conclure: «il s’agit d’une approche philosophique qui se greffe sur un donné théologique, comme une provocation lancée aux philosophes.»

Le temps des réformes a intensifié débats et interactions entre les deux disciplines

«Luther n’a poursuivi aucun but philosophique. Tous les théologiens qui s’intéressent à l’eucharistie se confrontent à quelque chose qui les gêne», a développé pour sa part Le professeur de théologie sytématique Hans-Christoph Askani de la faculté autonome de théologie de Genève. «Beaucoup disent que Luther a pensé la présence du Christ dans le pain en termes de consubstantiation: c’est faux. Car Luther ne pense plus dans les termes de substance. La question qui est au cœur de la Cène, c’est comment pouvons-nous encore penser face à la mort?». Enfin pour Bernard Rordorf, professeur honoraire, selon Jean Calvin ce que nous recevons durant la célébration de la Cène, C’est «la présence du Christ.»