Pseudo-thérapeutes au banc des accusés

Pseudo-thérapeutes au banc des accusés

Un juge du New Jersey a rendu son jugement préalable: les «thérapeutes» qui prônent que l’homosexualité est une maladie, et qui proposent en conséquence des pseudo-traitements commettent une fraude à la consommation. Une association de parents de tradition juive, qui utilise une «méthode de traitement» issue des milieux évangéliques, est mise en accusation.

Photo: CC(by-nc-sa) Mike Gifford

, Trenton (New Jersey), «The Star-Ledger of New Jersey»/RNS/Protestinter

Les personnes qui proposent des thérapies de conversion censées permettre aux personnes homosexuelles de devenir hétérosexuelles commettent une fraude dès le moment où elles décrivent l’homosexualité comme un trouble mental, et qu’elles en proposent un traitement. C’est le jugement prononcé dans l’Etat du New Jersey, mi-février.

L’association Southern Poverty Law Center-SPLC qui se donne comme mission de lutter contre l’extrême droite et contre les mouvements religieux ou politiques qui promeuvent la haine, espère que ce jugement portera un coup sérieux à tous ceux qui pratiquent ce genre de traitement à travers le pays. La décision de Peter F. Bariso Jr., juge à la Cour supérieure du comté de Hudson, donne en effet un puissant avantage aux plaignants –quatre hommes et deux parents– qui poursuivent l’association JONAH (juifs offrant de nouvelles alternatives pour la guérison), et accusent cette organisation de Jersey City qui promeut un «traitement» pour les homosexuels de violer la loi du New Jersey sur la protection des consommateurs.

Un espoir dans la lutte contre les dérives issues de convictions religieuses

La décision est appelée à avoir un impact de grande envergure, a déclaré David Dinielli, directeur juridique adjoint du SPLC, qui a engagé les poursuites. «Cette décision est monumentale et dévastatrice pour l’industrie de la thérapie de conversion», a déclaré David Dinielli. «Pour la première fois, un tribunal a statué qu’il est frauduleux du point de vue juridique que les thérapeutes de la conversion (aussi appelée thérapie réparatrice) disent à leurs clients qu’ils souffrent d’un trouble mental qui devrait donc, et pourrait, être guéri. C’est le mensonge principal que l’industrie de la thérapie de conversion utilise au travers du pays pour colporter son charlatanisme auprès de clients vulnérables».

Déjà deux décisions du juge en faveur des plaignants

Dans sa décision, Peter F. Bariso a tranché: «faire de la publicité ou vendre de la thérapie de conversion, qui décrit l’homosexualité non pas comme une variation normale de la sexualité humaine, mais comme une pathologie, une maladie ou un désordre mental, c’est une fausse déclaration qui entre en violation de la loi sur la fraude à la consommation.» La décision a également établi que les thérapeutes de conversion ne pouvaient en aucun cas faire de la publicité autour de leur prétendu «taux de réussite» de transformation des gens en hétérosexuels, parce qu’il «n’existe n’y a aucune base factuelle pour le calcul de ce genre de statistiques», a stipulé le juge.

C’est le deuxième jugement de Peter F. Barisio qui favorise les plaignants en moins d’une semaine. En effet, le juge a également refusé à la défense la citation de témoins promoteurs de ce traitement controversé, qui voulaient témoigner de leur conviction que l’homosexualité était une maladie, ce qui est maintenant réfuté de manière scientifique. Le juge a étayé sa décision en stipulant que «le poids écrasant de l’autorité scientifique a conclut que l’homosexualité n’est ni un trouble mental ni une anomalie».

L’avocat de la défense invoque le libre choix

Charles LiMandri, président et avocat en chef d’une association qui se fait appeler «fonds de défense de la liberté de conscience», qui représente JONAH, dit qu’il reste confiant dans le fait qu’un jury se rangera du côté de ses clients «qui essayaient seulement d’aider les gens.» Il a continué en disant que l’association JONAH n’a jamais fait d’argent avec ces traitements, mais plutôt envoyé les clients vers des thérapeutes qui facturent eux-mêmes leurs services. Il affirme qu’à aucun moment les accusés n’ont fait de la «publicité» à partir de leur taux de réussite, qu’ils estiment d’ailleurs à un tiers d’échecs et un tiers de succès, avec un tiers de résultats mitigés. «Si les gens demandent, ils sont informés, a-t-il dit. Je ne vois pas cela comme une violation de la loi sur la fraude à la consommation». Charles LiMandri rajoute que les thérapeutes en question n’ont pas de droit de pratiquer, et sont souvent des membres du clergé. Ils n’identifient pas le fait d’être gay à un «trouble» au sens scientifique du terme, a-t-il argumenté.

«Ce n’est pas une situation dans laquelle les gens sont forcés d’entrer dans quelque chose qu’ils ne veulent pas faire. L’accusation essaie de déposséder les plaignants de la liberté qu’ils avaient de choisir. Les Américains veulent que les gens aient le droit de s’autodéterminer librement», a-t-il ajouté. «Je crois que lorsque le jury aura entendu tous les faits, les jurés finiront par se prononcer en faveur de nos clients.»

Arthur Goldberg, codirecteur de l’association JONAH qui est nommé personnellement dans le procès, a refusé de commenter la décision du juge. Un coach de vie et thérapeute sans droit d’exercer, Alan Downing, propose ce genre de traitement; il fait également partie de ceux qui sont nommés à titre personnel dans la poursuite.

Décision finale cet été sur arrière-fond d’atteinte à la dignité des personnes

Les questions juridiques restent ouvertes jusqu’à ce que l’affaire passe en jugement cet été, rétorque Daniel Dinielli. Dans un courriel, il explique: «nous présumons ainsi plusieurs violations supplémentaires à la Loi sur la protection des consommateurs –y compris une considération de pratique commerciale abusive pour le programme de JONAH pris dans son ensemble. Nous allons au procès pour prouver ces violations multiples et obtenir des dommages et intérêts pour nos clients, ainsi qu’une ordonnance interdisant à JONAH de continuer à proposer son programme frauduleux au public.»

Les plaignants dans l’affaire, Michael Ferguson, Benjamin Unger, Sheldon Bruck, Chaim Levin, Bella Levin et Jo Bruck ont révélé que ceux qui sont allés chez les «thérapeutes» conseillés par l’association ont été obligés de participer à des pratiques dégradantes et émotionnellement destructrices, comme entre autres avoir à se mettre enièrement nu et frapper des photos de leurs mères.

L’association JONAH

L’association JONAH a été crée en1998 par deux couples de parents juifs dont les fils se sont révélés être homosexuels. Elle devient association à but non lucratif en 2002 et soutient que l’homosexualité est un comportement appris, et qu’il est possible à chacun de choisir de se «désengager de ses fantasmes homosexuels, à condition d’être motivés et soutenus». Cette association emploie entre autres les techniques de Richard Cohen, un psychothérapeute sans droit de pratique, issu des milieux évangéliques qui est actuellement membre de l’Eglise de l’Unification (fondée par le coréen Sun Myung Moon), et qui réprouve et combat l’homosexualité.