Comment comprendre le conflit entre sunnites et chiites?

Comment comprendre le conflit entre sunnites et chiites?

Le nombre de musulmans devrait croitre de 35% pour atteindre 2,2 milliards de croyants d’ici 20 ans, selon le Pew Research Center. Si le courant sunnite représente 85% des musulmans, il existe d’autres courants: alaouites, alévis, druzes, et khâridjites. Mais c’est surtout avec les chiites, majoritaires en Iraq, que se jouent des enjeux stratégiques, ravivés par la montée en puissance de l’Etat islamique.

Photo: Un minaret à Damas, CC(by-nc-sa) Charles Roffey

, RNS/Protestinfo

Sunnites et chiites sont les deux principaux courants de l’islam. Ils sont en conflit depuis plus d’un millénaire. Pourquoi une division si ancienne continue-t-elle aujourd’hui d’influencer politique intérieure, relations internationales et conflits? Récemment, des militants de l’Etat islamique sunnites ont mené une guerre de conquête sanglante au travers de régions d’Iraq et de Syrie, jusqu’à toucher la Jordanie, l’Egypte et la Libye. Affilié à Al Qaida, le groupe Boko haram qui combat dans certaines régions d’Afrique est aussi sunnite. Voici ce que vous devez savoir.

Qui sont les sunnites, qui sont les chiites?

Les deux mouvements se reconnaissent dans l’islam et les adhérents des deux groupes sont musulmans. Ils sont attachés au même Coran et pratiquent les mêmes cinq piliers de l’islam –croire en Dieu seul, prier quotidiennement, jeûner, pratiquer la charité et le pèlerinage (hadj). Les membres des deux groupes vénèrent le prophète Mahomet, qui a fondé l’islam en 620.

On peut, de façon certes imparfaite, comparer la scission entre chiites et sunnites aux scissions entre protestants, catholiques et orthodoxes dans le christianisme. Les trois groupes sont chrétiens, mais ont des points de vue différents sur l’autorité dans l’Eglise, la théologie, les rites du culte et les sanctuaires sacrés. Catholiques et protestants se voient parfois les uns, les autres comme des apostats, mais les conflits sanglants font généralement partie de l’histoire.

Qu’est-ce qui est à l’origine de leur conflit?

Fondamentalement, les sunnites et les chiites ont des opinions divergentes sur qui a succédé à Mahomet après sa mort en 632. Pour les sunnites, c’est Abu Bakr, l’ami du prophète; alors que pour les chiites le successeur légitime est Ali ibn Abi Talib, cousin et beau fils du prophète. Ali est devenu le quatrième calife, le chef spirituel des musulmans, mais il a été assassiné et son fils a été tué dans la bataille, mettant ainsi fin à la succession directe de Mahomet. Pour les chiites, tous les califes après Ali sont faux. Mais pour les sunnites, le chef des musulmans peut être désigné ou élu parmi les enseignants qualifiés de l’islam. Sunnites et chiites ne reconnaissent donc pas la même ligne d’autorité à la tête de l’islam.

C’est pourquoi l’annonce du groupe Etat islamique, ou Daesh, par son chef Abou Bakr al-Baghdadi, qu’il mettait en place un «nouveau califat», l’été dernier, a causé une telle agitation. L’Etat islamique est un groupe sunnite et son objectif déclaré est de créer un territoire géré par un calife et la charia, la loi islamique. Dans une vidéo annonçant le califat en juin dernier, le groupe a décrit al-Baghdadi comme «descendant de la famille du Prophète, l’esclave de Dieu» –peut-être une tentative de le légitimer aux yeux de chiites. Si ces derniers, ou d’autres musulmans ne reconnaissent pas le nouveau califat, l’Etat islamique les considérera comme apostats et pourront les tuer, en application de la charia.

Où se trouvent ces deux courants

Il existe de nombreux foyers dispersés d’une mouvance ou de l’autre. La Syrie est majoritairement sunnite, mais le régime du président Bashar el-Assad est un allié proche de l’Iran dominé par les chiites. (Assad est, lui-même, alaouite, une autre petite mouvance). L’Iraq est majoritairement chiite, mais le nord du pays compte de nombreux sunnites et l’Etat islamique y a fait de nombreuses incursions. L’Iran voisin est majoritairement chiite, mais l’Arabie Saoudite toute proche est majoritairement sunnite. Yémen, Bahreïn, Afghanistan, Pakistan et le Liban ont des minorités chiites significatives. Les sunnites représentent environ 85% de la population musulmane mondiale.

Le conflit date de 1400 ans, pourquoi perdure-t-il?

Grossièrement résumé, une différence dans le rôle du Coran et des imams existe. Pour les sunnites, le Coran est un texte divin. L’imam, généralement nommé par d’autres croyants, est perçu comme un guide dans son application. Pour les chiites, par contre, l’imam, descendant de Mahomet, tire son autorité directement de Dieu.

Ensuite, le conflit était certes religieux à la base, mais il est devenu politique. En Iraq, l’armée dominée par les chiites a été d’un grand secours à l’ancien premier ministre Nouri al-Maliki et a agi comme force d’oppression envers le nord du pays, majoritairement sunnite. C’est pourquoi, dans cette région, beaucoup étaient heureux de voir l’Etat islamique, majoritairement sunnite, gagner du terrain. Et alors que l’Etat islamique gagne en force et en nombre, selon les experts, les candidats au djihad ont afflué au nord de la Syrie depuis la déclaration du califat, le conflit sunnites-chiites gagne en intensité.