Jörg Stolz: «La Romandie a tout à gagner au maintien de deux facultés de théologie à Lausanne et Genève»

Jörg Stolz: «La Romandie a tout à gagner au maintien de deux facultés de théologie à Lausanne et Genève»

A l’occasion de la rentrée académique, Protestinfo a sollicité un interview des doyens des facultés romandes de théologie protestante.

Le professeur de sociologie des religions, Jörg Stolz, entame sa troisième année comme doyen de la Faculté de théologie et de sciences des religions de Lausanne. Il nous a accueillis pour parler de l’avenir de la théologie dans un paysage académique en mutation.

Photo: ©UNIL

Propos recueillis par Joël Burri et Elisabeth Schenker

Jörg Stolz, nous vivons une période de changements en ce qui concerne l’enseignement de la théologie en Suisse romande. Quel est l’avenir de la faculté de Lausanne dans ce contexte?
C’est vrai que l’on sait désormais que la Faculté de Neuchâtel va fermer. Le Triangle d’Azur, Genève-Lausanne-Neuchâtel se redéfinit en Côte d’Azur entre Genève et Lausanne. La théologie pratique qui s’enseignait à Neuchâtel sera reprise par les autres universités, mais tout cela est en cours de négociation.

Cela veut dire que les chaires de Neuchâtel ne vont pas disparaître, mais être transférées dans l’une ou l’autre des deux autres universités?
Oui, nous garantissons que l’enseignement de la théologie pratique sera maintenu.

Lors d’un récent Consistoire de l’Eglise protestante de Genève, l’ancienne présidente avait lancé une petite pique concernant le déplacement de l’enseignement théologique sur Genève. Vous aviez vivement réagi. Mais est-ce que Lausanne n’a pas tendance à s’orienter plus sur les sciences des religions?
Non, notre nom l’indique bien, nous restons une faculté de théologie et de sciences des religions. Il n’y a aucun projet visant à renoncer à la théologie à Lausanne et cet enseignement est soutenu tant par l’Etat, que par la direction de l’UNIL et le décanat de la faculté. Nous avons des chercheurs de renommée internationale ici et nous souhaitons maintenir ce pôle d’excellence. En sciences bibliques, en particulier nous investissons énormément, l’engagement de Simon Butticaz en Nouveau Testament et tout le travail fait autour de Bibil, la bibliographie biblique informatisée de Lausanne en sont des preuves.
Il est vrai que d’autre part nous sommes le plus grand centre de Suisse de sciences des religions. Mais en aucun cas, cela ne signifie que nous renonçons à la théologie.
J’avais un peu réagi aux propos tenus lors du Consistoire de Genève et relayés par Protestinfo, car j’avais l’impression que c’était un allié qui nous envoyait des flèches à l’encontre des relations habituelles. Les rectorats et décanats des deux universités se sentent responsables de la théologie. Les contacts sont très bons. Les facultés de Lausanne et de Genève construisent leur partenariat dans une logique de coopération et pas de concurrence.

Mais n’y aurait-il pas une certaine logique à un regroupement de la théologie sur Genève et des sciences des religions sur Lausanne? Deux enseignements complets en théologie à 70km l’un de l’autre, est-ce vraiment raisonnable?
La Romandie a tout à gagner à garder deux facultés qui collaborent. Cela permet de toucher davantage de monde et cela stimule la recherche. Cela permet aussi une meilleure visibilité de la théologie. Je pense que les cantons, les universités et les Eglises ont avantage à maintenir les deux facultés.

Mais pour cela, il faut tout de même pouvoir justifier d’un certain nombre d’élèves. Combien seront-ils cette année?
Le nombre d’étudiants est un peu à la hausse. Cette année, nous devrions avoir douze nouveaux étudiants qui commencent en théologie et treize qui commencent en Sciences des religions. En tout, nous comptons 116 étudiants à la faculté, dont 42% en théologie. A côté de cela, nous avons aussi un peu plus de 226 étudiants inscrits en lettres ou en sciences sociales et politiques qui choisissent des options données par notre faculté. Visiblement, nos thèmes trouvent un intérêt. Le nombre des inscriptions varie d’ailleurs assez fortement d’une année à l’autre, difficile de savoir pourquoi.
Nous avons mené un travail de fond pour revaloriser nos formations et pour faire savoir qu’il y avait des débouchés sur le marché de l’emploi après une formation en théologie ou en sciences des religions. Nous pensons que ce travail porte ces fruits. Mais nous nous sommes aussi rendu compte que l’intérêt pour la religion peut être suscité par l’actualité et les médias. Ainsi après les attentats du World Trade Center en 2001, et la focalisation sur le terrorisme islamique qui a suivi, nous avons constaté un large regain d’intérêt pour les formations en sciences des religions.

Et à quelques jours de la rentrée, pouvez-vous me dire quels seront les nouveautés et les projets de cette année?
Cette année, en particulier, nous allons lancer une formation continue sur la gestion interreligieuse. L’idée est de donner les outils aux personnes amenées à gérer des situations de cohabitations des religions, comme dans les prisons par exemple. Ce sera aussi pour nous l’occasion de créer des contacts avec ces lieux et, pourquoi pas, de trouver de nouveaux débouchés pour nos étudiants.