Quand les droits des homosexuels empiètent sur la liberté religieuse

Quand les droits des homosexuels empiètent sur la liberté religieuse

Les droits des groupes religieux continuent d’être en conflit avec ceux poursuivis par les défenseurs des droits des homosexuels. La lutte qui a commencé dans les urnes et dans les salles d’audience s’étend désormais aux magasins de fleurs, aux boulangeries et aux studios de photos.

Image: détail d'une photo de Bev Sykes CC(by)

RNS/Protestinter

New York – Alors que certaines églises craignent d’être poursuivies en justice pour violation de la loi anti-discrimination, certains commerces montrent explicitement leur position contre les mariages homosexuels.

Une boulangerie, à Gresham dans l’Oregon, appartenant à une famille chrétienne, a décidé de mettre la clé sous la porte alors qu’elle faisait l’objet d’une enquête fédérale pour avoir refusé de préparer un gâteau de mariage pour un couple de lesbiennes. «Ce combat n’est pas terminé», a écrit cette famille, sur un panneau affiché dans la vitrine. «Nous allons continuer à nous battre pour garder notre liberté religieuse».

Le mois dernier, la Cour suprême du nouveau Mexique a décidé que les photographes ne pouvaient pas refuser de photographier les cérémonies de mariages homosexuels, même si l’Etat ne reconnaît pas officiellement ces mariages. «Refuser de prendre des photos lors d’un mariage entre des personnes de même sexe est similaire à refuser de le faire pour un mariage interracial», a déclaré le tribunal. «La vie civique a un prix que nous devons tous payer», a souligné le juge Richard Bosson.

La plupart des accrochages juridiques ne sont pas directement liés à la reconnaissance fédérale du mariage homosexuel même si en 2013 une décision de la Cour suprême a considérablement affaibli la Loi sur la défense du mariage (Defense of Mariage Act DOMA) qui visait à restreindre les droits conjugaux aux seuls couples hétérosexuels. Les désaccords tournent, dans les faits, plus largement autour des ordonnances anti-discriminations, aux niveaux local et étatique, au sujet de la protection des gays et des lesbiennes.

L’opposition religieuse aux mariages de même sexe constitue-t-elle une discrimination sur la base de l’orientation sexuelle, du genre ou encore de l’état civil? Que faire quand une plainte pour discrimination se heurte à la liberté religieuse d’une personne ou d’une institution?

De nombreux cas sont en cours de résolution. Par exemple, les propriétaires d’une boulangerie au Colorado pourraient être condamnés à une année d’emprisonnement pour avoir refusé de faire un gâteau pour le mariage d’un couple homosexuel. Ou encore, le cas de cette commission du département du Kentucky qui s’est ralliée à un mouvement gay dans une plainte pour discrimination envers un imprimeur chrétien ayant refusé d’imprimer des t-shirts pour une gay pride. Et aussi, cette fleuriste, à Richland dans l’Etat de Washington, qui a refusé de fournir des fleurs pour un mariage homosexuel. Elle a lancé une demande reconventionnelle contre le procureur général de l’Etat qui l’a poursuivie pour violation de la loi sur la protection des consommateurs.

La décision de la Cour suprême défavorable à la Loi sur la défense du mariage s’applique aux autorités et services fédéraux, mais certaines personnes se demandent si cette décision de la Cour n’aurait pas des implications pour les groupes ou les individus religieux. Par exemple, les employeurs basés dans les Etats où le mariage gay est légal devront fournir les prestations de la Loi sur la famille et la santé aux conjoints des employés mariés homosexuels, même si ces derniers résident dans un Etat qui ne reconnaît pas le mariage pour les personnes de même sexe.

Le Fonds Becket pour la liberté religieuse (Becket Fund for Religious Liberty), un cabinet d’avocat qui défend la liberté religieuse, basé à Washington, souligne que depuis l’adoption en 1996 de la Loi sur la défense du mariage, six Etats et Washington D.C. ont adopté le mariage homosexuel par un processus législatif contenant néanmoins des «protections de conscience» pour ceux opposés à ce type de mariage.

Le Fonds Becket a publié un dossier qui met en évidence les situations où la liberté religieuse pourrait être affectée par les changements apportés à la DOMA, en 2013. Le cabinet d’avocat a mis en évidence sept domaines délicats.

Les lois sur les prestations publiques

Les lois sur les prestations publiques stipulent que les prestations ne doivent pas être discriminatoires. Les institutions religieuses ne sont pas concernées par cette loi même si elles fournissent des services considérés comme des «prestations publiques», telles que des soins médicaux, des conseils, des services de garde d’enfant et d’éducation, des salles pour les banquets de mariages et des services d’adoption.

Récemment, la Cour suprême du New Jersey a estimé que les scouts faisaient partie des «prestations publiques». L’organisation, qui n’autorise pas les responsables homosexuels, craint désormais que le manque de protections explicite à liberté de croyance puisse ouvrir la porte à des poursuites judiciaires.

Les lois relatives à la discrimination en matière de logement

Les tribunaux de certains Etats ont exigé que les propriétaires de biens immobiliers autorisent les couples pas mariés à habiter ensemble. En 2001, le tribunal de New York s’était rallié à deux lesbiennes qui avaient déposé une plainte pour discrimination contre l’Université Yeshiva qui avait refusé de leur louer un appartement sous prétexte qu’elles étaient un couple non marié. Alors que le mariage entre les personnes de même sexe est, maintenant, légal à New York, un cas similaire pourrait être considéré comme une discrimination matrimoniale.

Les lois relatives à la discrimination en matière d’emploi

Actuellement, 21 Etats et le District de Columbia interdisent la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle; les lois de la plupart de ces Etats incluent une certaine liberté pour les organisations religieuses. Depuis 20 ans, le Congrès travaillent sur une loi fédérale pour rendre la discrimination contre les homosexuels illégale dans tout le pays.

Si un homosexuel est renvoyé à cause de son orientation sexuelle et que le mariage de cette personne est désormais reconnu par le gouvernement fédéral, que se passe-t-il? Est-ce qu’un mariage reconnu au niveau fédéral offre une plus grande protection dans les cas de plaintes pour discrimination?

Après que le District de Columbia a légalisé le mariage pour les personnes de même sexe, l’archidiocèse catholique de Washington a cessé d’offrir des prestations pour les conjoints à tous les nouveaux employés.

L’accès aux installations publiques

L’accès aux installations publiques comme les écoles, les parcs et encore d’autres endroits pourrait devenir difficile pour ceux qui s’opposent aux mariages de même sexe. Par exemple, les scouts ont perdu les baux de certains terrains de camping, de parcs et un siège dans un bâtiment du gouvernement. Ils ont également perdu le droit de participer à un programme de bienfaisance sur la retenue salariale.

Des groupes d’étudiants d’universités publiques pourraient faire face à un examen minutieux. L’université de Buffalo a suspendu un groupe biblique universitaire (InterVarsity Christian Fellowship), après qu’il a demandé à son trésorier homosexuel de démissionner.

Le maintien des autorisations et des habilitations

Alors que nombreux gouvernements voudraient exiger que tous les mariages soient traités de la même façon, certaines personnes s’inquiètent de perdre leurs autorisations ou leurs habilitations. Par exemple, les organismes catholiques de bienfaisance de Boston et de San Francisco ont fermé leur service d’adoption parce que les agences ont refusé de se conformer à la loi anti-discrimination et de placer des enfants chez des couples de même sexe.

Les subventions gouvernementales, les contacts de qualifications et les exonérations fiscales

Quand de nombreuses institutions religieuses cherchent des subventions et des contrats pour des services, certains voient une mise en danger de leur liberté à travers les financements publics. Les organisations catholiques de bienfaisance dans l’Illinois ont fermé plutôt que de se conformer aux exigences de l’Etat en matière d’adoption pour les couples homosexuels.

Certaines sont également inquiètent que l’exonération fiscale étatique ou locale pose des problèmes. Si les normes de discrimination s’appliquent à l’orientation sexuelle, les responsables d’écoles religieuses craignent d’être privés de programmes gouvernementaux, tels que des bourses et des subventions.

Les possibilités de formation et d’emplois

La décision pourrait continuer d’affecter les travailleurs gouvernementaux et les étudiants des universités publiques. Julea Ward, une spécialiste en orientation pour les étudiants de l’Université de l’Est du Michigan, a décrété qu’elle ne pouvait pas aider ses clients gays et lesbiennes qui avaient une relation homosexuelle. Elle a été licenciée pour violation de la loi en matière d’anti-discrimination de l’école tout en recevant 75'000 dollars de dédommagement.

Par ailleurs, au moins douze juges de paix du Massachusetts ont démissionné, car ils ont refusé de faciliter les mariages homosexuels. (lv)