«La spiritualité, une véritable ressource en psychiatrie»

«La spiritualité, une véritable ressource en psychiatrie»

Comment exister quand vivre fait mal? Face au deuil ou à la dépression, la vie perd parfois son sens. Entre contes et spiritualité, une structure de référence, ancrée dans l'histoire, apporte un cadre qui redonne espoir.

Photo: La conteuse Alix Noble-Burnand, au congrès du Graap

«La maladie psychique provoque une crise spirituelle et pose la question du sens de la vie», explique l’aumônier en psychiatrie, Jean-Charles Mouttet. «Tout l’être a mal, sans savoir pour combien de temps». Le congrès annuel du Groupement d’accueil et d’action psychiatrique (Graap) a réuni des médecins, des soignants et des scientifiques autour de la thématique «Spiritualité et recherche de sens, une piste face à la maladie psychique?». Plus de 450 participants ont assisté aux conférences des spécialistes, les 21 et 22 mai dernier, à Lausanne.

Pour Jean-Charles Mouttet, les personnes qui souffrent de maladies psychiques doivent trouver un moyen de redonner un sens à l’existence pour continuer à vivre. «La spiritualité peut être une véritable ressource en psychiatrie». Si l’accompagnateur spirituel définit la spiritualité comme «une aspiration à vivre», elle ne peut être séparée de la religion qui consiste en «la pratique d’une croyance». «La spiritualité a toujours un enracinement religieux, chrétien, bouddhiste ou juif, selon les endroits».

Cette dimension aide le malade à trouver du sens. Par exemple, «savoir que Dieu l’aime, quoi qu’il arrive, peut s’avérer un réel soutien». Dieu est extérieur, il ne change pas, son amour reste intact. Il sert de cadre et de référence stable dans la vie d’une personne où tout vacille. «Même si les soignants ne sont pas croyants, le patient a besoin que cette dimension personnelle soit prise en compte», précise l’aumônier en psychiatrie.

Néanmoins, la religion peut aussi avoir des effets néfastes dans certains cas. «Par exemple, un patient qui souffre d’hallucinations auditives et entend Dieu lui dire de ne pas prendre ses médicaments». Ou encore, pour une personne qui fait activement partie d’une communauté religieuse, si elle doit s’en séparer à cause de sa maladie, «la rupture sera d’autant plus douloureuse».

Le conte comme structure des émotions

Si la religion apporte un cadre de référence, cette structure ancrée dans l’histoire se retrouve également dans les contes. Lors du congrès organisé par le Graap, la conteuse, Alix Noble-Burnand, a raconté six fables de tradition des quatre coins de monde, pour réfléchir à la mort, au temps qui passe ou encore à la culpabilité. Des thématiques lourdes, qui pourraient en rebuter plus d’un. Pourtant Alix Noble-Burnand a captivé et fait rire l’assemblée. «Le conte permet de nommer des choses qu’on ne peut pas dire autrement, tout en étant plaisant», explique la thanatologue et formatrice d’adultes qui ajoute que les mythes l’ont beaucoup aidée à comprendre l’être humain.

Que ce soit l’histoire de cet esclave devenu roi ou de cette femme qui provoqua le cycle de la vie, toutes expriment le manque, la colère et l’ambivalence émotionnelle. «Le conte permet de restructurer les émotions et sert de référence», explique Alix Noble-Burnand. Pour Jean-Charles Mouttet, les histoires comme le chant aident notamment les personnes âgées car ils permettent d’aller titiller des souvenirs. «En gérontopsychiatrie, des patients qui ne parlent plus se remettent, parfois, à chanter lorsqu’ils entendent un vieux cantique».

Cet article a été publié dans :

L'édition du 31 mai 2014 du quotidien genevois, Le Courrier.