Le Monsieur cinéma de l’Eglise n’est plus

Le Monsieur cinéma de l’Eglise n’est plus

Pasteur passionné de cinéma, Maurice Terrail a accompagné l’Eglise du grand au petit écran. Il a joué un rôle majeur dans la création du Jury œcuménique au Festival de Cannes.

Photo: capture d'écran d'une archive RTS.

Maurice Terrail est décédé le 3 mai dans sa 82e année. «Après avoir été pasteur à Oulens, il a dirigé l’office protestant du cinéma», raconte Bernard Reymond, professeur honoraire de l’Université de Lausanne et ami de Maurice Terrail dont il a été le camarade de classe au collège et au gymnase. Il a pris ses fonctions à l’office protestant du cinéma en 1968.

«Au départ, ce service passait d’une paroisse à l’autre avec un projecteur 16mm pour diffuser des films. Il ne s’agissait pas de films religieux, mais de grands films et la projection était précédée d’une introduction», rappelle Bernard Reymond. «Puis la télévision s’est répandue et cela ne répondait plus à un besoin. Malgré tout, le Cercle d’études cinématographiques de l’Eglise, qui existe toujours, fait salle comble à chaque projection.»

Dans la même période, et parallèlement, «il a été appelé à donner des cours de culture chrétienne par le directeur du collège de Béthusy de l’époque et il en avait profité pour y glisser du cinéma», se souvient Antoine Rochat qui y enseignait alors et qui depuis a collaboré avec Maurice Terrail sur plusieurs projets. Maurice Terrail a quitté l’enseignement au début des années 1970 pour diriger les émissions protestantes de la Télévision suisse romande TSR, devenue RTS.

Une vision de la place des Eglises dans les médias

«Il avait une vision très claire: les Eglises doivent être l’une des voix qui s’expriment dans les médias», se souvient le pasteur Daniel Wettstein, entré à la TSR comme réalisateur en 1988 et qui y a ensuite collaboré avec le producteur Maurice Terrail. Daniel Wettstein a succédé à Maurice Terrail en 1995 quand ce dernier a pris sa retraite.

«Il a certainement eu un rôle majeur pour que les Eglises aient aujourd’hui la position privilégiée qu’elles occupent à la RTS», estime Daniel Wettstein. «C’était un homme de contacts, mais qui n’hésitait pas, parfois, à taper du poing sur la table. Il rappelait régulièrement qu’aux débuts de la télévision, ses fondateurs étaient tout heureux de trouver des pasteurs et des prêtres pour causer dans le poste.»

«Il était très soucieux, toute sa vie, d’une présence de l’Eglise dans la société, confirme Bernard Reymond. Au début des années 1960, nous étions un petit groupe de pasteurs à collaborer régulièrement pour la Feuille d’avis de Lausanne, devenue 24 heures». Son attachement au rôle de l’Eglise dans les médias, ne l’a pas empêché d’ouvrir le service protestant de télévision à des professionnels laïcs.

On lui prêtait une allure austère «que voulez-vous, les gens ont la stature physique qu’ils ont, réagit Bernard Reymond. Il avait peut-être l’allure austère, mais ne l’était pas du tout. Au collège et au gymnase, je me souviens qu’il était souvent ami avec des personnes hors normes.»

Homme de cinéma avant tout

Malgré l’importance de son travail pour la télévision, il restait malgré tout un homme de cinéma. Intarissable sur le sujet, le grand écran nourrissait son imaginaire et ses réflexions. L’héritage de Maurice Terrail en la matière est immense: en 1974, il joue un rôle majeur dans la création du Jury œcuménique au festival de Cannes, puis en 1981 il fonda la revue de critiques de cinéma Ciné-feuilles. Il a également créé le cercle d’études cinématographiques qui projette chaque hiver douze films à Lausanne et Vevey en les précédant d’une introduction.

«Il a aussi fait partie de la commission de censure des films», complète Bernard Reymond. «Il avait cette vision très forte de l’éthique du cinéma, relève Antoine Rochat. Il y recherchait quelque chose d’humaniste. Il n’aimait pas tellement les westerns ou la science-fiction, mais recherchait plutôt l’humain: l’homme dans sa destinée. En fait, Maurice Terrail était un homme discret, courtois, mais généreux et cela se reflète dans ce qu’il aimait au cinéma.»

Amoureux du lac

«Il avait une autre passion: le lac», rappelle Daniel Wettstein. «Il détestait, par contre, les sapins. Et quand il était bien, souvent au bord du lac, il commandait un pastis.»