World Vision relance le débat sur l’homosexualité

World Vision relance le débat sur l’homosexualité

(RNS – Protestinter) Quelque 48 heures après avoir reconnu les mariages homosexuels pour ses employés, l’organisation humanitaire World Vision a fait marche arrière. Ce revirement crée le malaise et suscite le débat.

Photo: Le président de World Vision, Rich Stearns, entouré de réfugiés syriens

Le changement de position de World Vision soulève une question fondamentale: peut-on être évangélique et soutenir le mariage homosexuel? Fin mars, l’organisation humanitaire avait annoncé qu’elle reconnaissait les mariages homosexuels de ses employés, 48 heures plus tard, l’ONG chrétienne revenait sur sa décision. Ce retournement n’est pas sans conséquence.

La semaine dernière, Jacquelline Fuller, la responsable de la philanthropie d’entreprise chez Google, a démissionné du conseil d’administration de World Vision, à cause d’une pétition. Faithful America, une communauté chrétienne sur internet, axée sur la justice sociale, avait rassemblé 16'000 signatures demandant à Jacqueline Fuller et à John Park, un autre employé de Google qui fait aussi partie du conseil d’administration de World Vision, de démissionner.

«Jacquelline Fuller a bien fait de démission du conseil d’une organisation dont les valeurs ne s’alignent pas avec l’engagement de Google pour l’intégration et l’égalité», a déclaré Michael Sherrard, le directeur de Faithful America, dans un communiqué. «Maintenant, il est temps pour John Park de lui emboiter le pas».

Une lettre signée par 300 personnes

Plus indulgents, un groupe de chrétiens progressistes ont écrit dans une lettre, qu’ils étaient peinés par le retournement de position de World Vision. «Nous appelons les institutions chrétiennes à engager nos frères et sœurs lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) qui soutiennent la mission de ces institutions», peut-on lire de la lettre.

«Il y a des chrétiens engagés qui pensent que les passages de la Bible qui font référence aux relations homosexuelles ont été mal interprétés», affirment les signataires. «Il y a aussi des chrétiens convaincus qui croient que l’homosexualité est un péché et va à l’encontre des désirs de Dieu». Plus de 300 personnes ont signé cette lettre, dont le théologien Walter Brueggemann, l’historien de Collège de Dartmouth, Randall Balmer, la professeure de théologie du séminaire de Louisville, Amy Plantinga Pauw, le professeur émérite de l’Université Yale, Nick Wolterstorff et le pasteur, Brian McLaren.

«Je voudrais que le monde sache qu’il y a de nombreux chrétiens qui soutiennent l’embauche des homosexuels dans les institutions chrétiennes», explique Julia Stronks, à l’origine de la lettre et professeure en sciences politiques à l’Université de Whitworth. Whitworth est une université évangélique à Spokane dans l’état de Washington. Cette problématique est liée à d’autres sujets brûlants, la plupart en relation avec la sexualité et le genre, tels que le divorce, le droit à l’avortement et la direction d'église pour les femmes.

La sexualité au centre du christianisme

Lorsqu’il a annoncé le revirement de position de l’organisation, le président de World Vision, Rich Steams, a laissé entendre que la décision venait du fait que la sexualité est centrale dans la foi chrétienne. «Je pense qu’il y a certaines croyances qui sont au cœur de notre position trinitaire et nous ne pouvons pas nous soumettre à une petite minorité d’églises qui ont une position différente», explique Rich Steams.

Néanmoins, les personnes qui ont signé la lettre ne sont pas du même avis. Pour eux, la question de la sexualité ne fait pas partie des fondements du christianisme. «Je pense que les fondements de la foi chrétienne sont Jésus Christ, le fils de Dieu, qui est mort pour nos péchés», déclare Julia Stronks qui ajoute que sa famille renouvellera le parrainage d’enfants malgré la controverse. «Je comprends que pour beaucoup de chrétiens, identifier le péché est important et difficile. Mais ce n’est pas central dans le christianisme».

Dans un billet posté sur le blog de la Coalition évangélique, Trevin Wax, un employé de LifeWay Christian Resources a demandé: «Est-ce qu’une institution évangélique peut être divisée sur une question aussi centrale que le mariage et la famille et être encore évangélique?».

«Tolérer le mariage et les comportements homosexuels est une rébellion contre la Bible», a écrit Richard Land, le rédacteur en chef du Christian Post, ancien responsable de la Commission d’éthique et de liberté religieuse de la Convention baptiste. «Le conseil d’administration de World Vision a découvert quelque chose d’essentiel: la question du mariage pour les personnes de même sexe agit comme un sérum de vérité sur les évangéliques», écrit-il. «Comme World Vision l’a appris, ils ne peuvent pas se montrer «neutre» sur cette question.» Le revirement de position de l’organisation humanitaire a ainsi poussé certains évangéliques à se remettre en question par rapport à leur identité religieuse.

World Vision a perdu 10'000 parrainages

Un porte-parole de World Vision a dit à RNS que l’organisation était encore en train d’estimer combien elle avait perdu ces dernières semaines. Elle estime les pertes à hauteur de 10'000 parrainages. Après avoir contacté Rich Steams, la blogueuse Nish Weiseth a écrit que la diminution de soutien des évangéliques avait entravé sa foi. «Vous voulez savoir pourquoi je ne veux plus m’identifier aux évangéliques? A cause des 10'000 enfants», a-t-elle tweeté.

Sur Patheos, un site web religieux, le pasteur du Vermont, Zach Hoag, a écrit qu’il n’était pas prêt à renoncer à être évangélique. «Qu’est-ce que ça peut faire s’il y a plus de la majorité des évangéliques conservateurs qui établissent continuellement des limites et veulent contrôler la situation?»

Au fil du temps, la sexualité pourrait devenir une thématique comme l’ordination des femmes, une question à propos de laquelle les chrétiens sont d’accord d’être en désaccord sans remettre en question la foi de chacun. «Le futur nous dira si les conservateurs sont capables d’exprimer de façon significative pourquoi c’est un problème et pourquoi ils sont plus attachés à la question de l’homosexualité qu’à celle du rôle des femmes», explique Matthew Lee Anderson, l’auteur de Earthen Vessels, un livre sur le corps.

Alors que de nombreuses congrégations se sont déjà séparées au sein du protestantisme, le professeur du Northern Seminary (un collège baptiste), Scot McKnight, pense que dans 25 ans, l’Eglise évangélique va elle aussi se diviser à cause de ses différents points de vue sur l’homosexualité. «Le mariage pour les personnes de même sexe et la légitimité d’être gays sont devenus au centre des guerres culturelles», explique Scot McNight. «C’est la Bible, la théologie et la politique qui en ont fait un énorme problème». (lv)