«L’UDF doit rester un parti d’impulsions»

«L’UDF doit rester un parti d’impulsions»

Durant quinze ans, Maximilien Bernhard a été secrétaire et porte-parole romand de l’Union démocratique fédérale, petit parti politique qui défend une éthique évangélique. Mais fin 2013, le politicien a annoncé son départ pour le Parti libéral radical. Il explique alors avoir fait le constat que désormais, les valeurs qu’il défend sont aussi reprises par les grands partis. Le politologue René Knüsel note toutefois que les questions morales ne sont plus celles sur lesquelles les partis se profilent.

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«C’est un journaliste qui m’en a fait la remarque en premier. Il m’avait dit “vu de l’extérieur, j’ai l’impression que les grands partis reprennent les valeurs de l’Union démocratique fédérale (UDF),“ raconte Maximilien Bernhard. Il avait fait ce constat deux ans avant moi, mais aujourd’hui je suis arrivé à la même conclusion».

Mais quelles sont ces valeurs que l’UDF aurait insufflées aux autres formations?

En tout premier, Maximilien Bernhard cite une mesure de gestion: «A la fin des années 1990 et au début des années 2000, l’UDF a beaucoup insisté pour mettre en place une politique anticyclique dans les finances publiques. Nous pensons qu’il faut réduire la dette avant de baisser la charge fiscale lors des embellies conjoncturelles afin de pouvoir continuer à investir quand la conjoncture se tend à nouveau. Depuis la fin de la dernière législature, ce principe est désormais défendu par tous, sauf peut-être par l’extrême gauche».

Des dossiers plus moraux

L’Yverdonnois cite ensuite plusieurs dossiers plus moraux. «Par exemple, la politique de la drogue. L’UDF s’est beaucoup investi sur ce thème et aujourd’hui on voit que le local d’injection a été refusé par les Lausannois et que c’est le groupe radical qui s’est opposé à ce que le Canton reprenne en main ce dossier.» Il continue: «Dans les objets récents, il y a la question des dons d’organes et des transplantations d’organes. L’UDF défend le principe du consentement explicite et s’oppose au consentement présumé. Nous avons constaté que le Conseil des Etats reprend les arguments de l’UDF».

«Egalement sur la question de la fin de vie, on constate que lors de la campagne vaudoise sur l’initiative Exit, ce n’est finalement pas l’UDF qui a fait campagne contre ce projet, mais le conseiller d’Etat socialiste Pierre-Yves Maillard qui comme chef du département de la santé défendait le contre-projet.» (Ce texte soumis au vote, en 2012, demandait que les établissements médico-sociaux aient l’obligation d’accepter l’euthanasie en leurs murs. Finalement, les Vaudois ont rejeté ce texte lui préférant un contre-projet). «Même si le contre-projet ne me satisfait pas pleinement, il est tout de même très strict», note Maximilien Bernhard.

«Enfin sur la question de la protection de la vie et de l’interruption de grossesse le comité de l’initiative contre le financement de l’avortement par l’assurance maladie était tout de même interparti.»

Le clivage clérical/anticlérical n'est plus une ligne de démarcation

René Knüsel, politologue à l’Université de Lausanne, fait une analyse différente. «Les partis politiques se démarquent sur des clivages donnés. Par exemple, urbains contre campagnard ou possédants contre travailleurs, c’est une théorie classique de la politologie énoncée par Stein Rokkan. Depuis quelques dizaines d’années, on constate que le clivage clérical contre anticlérical s’est estompé. Cela n’est plus aujourd’hui une ligne de démarcation pour les partis.» En clair, ce n’est plus sur les questions morales que se profilent les groupements politiques.

Conséquence de ce changement: les partis traditionnels ne sont aujourd’hui plus vraiment armés pour répondre aux questions éthiques. «Les partis politiques sont mal à l’aise avec les questions morales, car ce n’est plus un clivage très fort.» Ce n’est donc plus des éléments constitutifs de l’identité des partis et, en conséquence, sur ces questions-là, les adhérents peuvent avoir des opinions radicalement opposées.

Les grands enjeux scientifiques, tels que les modifications apportées à l’être humain, l’euthanasie ou la recherche sur l’embryon posent pourtant des questions morales à la société. «Quand ils doivent trancher, les milieux politiques sont mal à l’aise», note René Knüsel. Pour autant, le politologue doute que ces enjeux suffisent à ramener les questions cléricales parmi les chevaux de bataille des partis.

Une non-réélection qui a aussi compté

Mais Maximilien Bernhard l'admet, le fait qu’il se reconnaît désormais dans les valeurs des partis de la droite traditionnelle n’est pas le seul élément qui a guidé son choix. Sa non-réélection au Grand conseil vaudois en 2012 a également pesé. L’UDF vaudoise n’a, lors de ce scrutin, pas obtenu le quorum des 5% nécessaires pour obtenir le moindre siège. «Notre liste commune avec le Parti démocrate-chrétien était forte. C’était un quasi-copier-coller de celle de l’élection précédente avec des personnes déjà en place. Son échec est donc dû en partie à la multiplication du nombre de partis qui disperse les voix, mais j’ai surtout le sentiment que les partis dits traditionnels, en reprenant les valeurs de l’UDF, ont attiré une partie de l’électorat traditionnel de l’UDF.»

Pour René Knüsel les changements de partis du personnel politique sont normaux dans des formations qui se développent. «A un moment donné, il arrive que le personnel politique ne soit plus en adéquation avec la base, cela fait partie de la vie des partis.»

Il note toutefois que Maximilien Bernhard n’a pas choisi de rejoindre l’UDC qui a régulièrement des prises de position morales. «L’UDC exige généralement une adhésion plus forte à ses valeurs que ne le fait le PLR.» Et le politologue y voit aussi une opportunité: «vu son profil, Maximilien Bernhard a quand même davantage de chances de réémerger en politique sous la bannière PLR, qu’il n’en aurait eu à l’UDC.»

Une décision bien comprise

Maximilien Bernhard déclare que sa décision a été parfaitement comprise par ses anciens collègues de parti, du moins en Suisse romande. Il défend son ancienne formation: «L’UDF a encore un rôle à jouer sur la scène politique, il doit se positionner comme parti d’impulsions et d’idées pour défendre les valeurs éthiques. Par exemple pour s’opposer aux diagnostics préimplantatoires, l’UDF sera certainement en première ligne». René Knüsel confirme: «les petits groupements politiques amènent des questionnements nouveaux sur l’échiquier politique. Ils jouent la mouche du coche et obligent la classe politique à prendre position sur certains thèmes. Ils amènent de la diversité en politique.»

Profil

• Maximilien Bernhard est né en 1969. Il est marié et père de deux enfants.

• Il travaille pour les CFF en qualité de technicien ET. Au niveau politique, il est d’ailleurs un grand défenseur du rail.

• Elu au Conseil communal d’Yverdon-les-Bains depuis 1998, organe qu’il a présidé à deux reprises.

• Secrétaire romand et porte-parole de l’UDF de 2000 à 2013.

• Député au Grand conseil vaudois durant la législature 2007 – 2012.