«Il faut adopter des lois pour protéger les enfants issus de la PMA et de la GPA»

«Il faut adopter des lois pour protéger les enfants issus de la PMA et de la GPA»

Procréation médicalement assistée et gestation pour autrui se profilent en Suisse
Des modèles de plus en plus différenciés qui créent un vide juridique, dont la Confédération ne semble pas avoir mesuré les enjeux. Rencontre avec Isabelle Descombes, directrice de l’Association des familles monoparentales à Genève.

Photo: Une fécondation in vitro (FIV) CC (by-nc-nd) Zeiss Microscopy

Avez-vous constaté des cas de procréation médicalement assistée (PMA) ou de gestation pour autrui (GPA) en Suisse?

Oui, bien que la GPA ne soit pas autorisée en Suisse, des hommes (hétérosexuels ou homosexuels) achètent des ovules, les font inséminer puis implanter chez des femmes aux Etats-Unis et reviennent avec un enfant sous le bras. Je constate aussi le cas de femmes qui se font inséminer à l’heure où l’horloge biologique avance, parce qu’elles n’ont pas trouvé d’homme pour faire un bébé. Elles vont faire une fécondation in vitro et déclarent les enfants de père inconnu. Cette clientèle fait appel à notre association recherchant des conseils juridiques spécialisés dans les droits de l’enfant.

Considérez-vous ces pratiques comme des dérives?

Non, je ne les apparente pas à des dérives. Il y a plein d’enfants issus de couples hétérosexuels qui subissent des maltraitances. Je ne porte pas de jugement sur la PMA ou la GPA. Ce qui est dommageable, c’est de ne pas adopter de lois pour protéger les enfants. Je me sens chrétienne socialement, je porte la voix des plus faibles parce que c’est un devoir pour moi, même si je ne suis pas croyante.

En tant que directrice de l’Association des familles monoparentales à Genève, en quoi consiste votre travail?

Nous accompagnons actuellement 500 à 600 personnes, soit plus de 200 familles, qui se retrouvent seules avec des enfants, écrasées par le prix du logement et devant supporter de plus en plus de charges. Les séparations au sein des classes moyennes engendrent de nouveaux pauvres et nous faisons face à leurs besoins en faisant du troc de vêtements et de la distribution de nourriture d’urgence. Après avoir payé le loyer et les assurances maladie, il ne reste parfois plus assez à la fin du mois pour manger. Le deuxième domaine le plus touché est celui des loisirs. Et la famille coupe très souvent les frais de sport, de musique, etc. Nous allouons des aides pour pallier tous ces manques. Enfin, nous avons par le biais des conseillers municipaux déposé une motion d’urgence s’intitulant «la maison des pères».

En quoi consiste ce projet?

En cas de séparation, il y a une inégalité de traitement envers les hommes. Lorsque monsieur travaille, il doit quitter le plus souvent le domicile conjugal, payer une pension alimentaire pour les enfants ainsi qu’à sa femme tout en devant se reloger. Ce qui est impossible avec un seul salaire. Certains hommes finissent par vivre dans leur voiture et ne voient plus leurs enfants, parfois pendant plusieurs mois, car ils n’ont pas de lieu de vie pour les recevoir. Cette réalité est encore cachée, quel homme osera avouer qu’il vit dans sa voiture alors qu’il a un travail? Il faut absolument pouvoir prendre des mesures d’urgence de relogement pour ces pères qui ne peuvent pas bénéficier de l’aide sociale, car ils ont un emploi avec un salaire en dessus du minimum vital.

Quelle est la politique suisse en matière familiale?

Tout est relégué à la sphère privée. La Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) stipule simplement que le concept de famille «désigne les formes de vie qui sont fondées sur les liens entre parents et enfants unissant les générations et qui sont reconnues par la société.» En clair, elle reconnaît tout et rien. De nouvelles pratiques, comme la PMA ou la GPA sont d’actualité. Je ne juge pas la manière, mais je dis qu’il faut adopter des lois pour protéger les enfants qui en sont issus. La Suisse n’est pas prête à le faire. C’est un pays conservateur qui vient de refuser le congé paternité et qui a ratifié la convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant seulement depuis 1997.

Quelles sont les revendications de votre association?

Il y a trois grands besoins. Tout d’abord, mettre en place un observatoire de la famille. Ensuite, créer au niveau fédéral un département de la famille qui mette en place des lois et adopte une vraie politique familiale en matière de crèche et de logement pour les familles. Enfin, parer aux inégalités de traitement pour les femmes qui subissent de la violence et envers les hommes qui restent fortement pénalisés en cas de séparation. Il faut mettre l’enfant au centre des préoccupations. Il est garant de notre avenir à tous et doit rester une priorité.