«L’histoire montre comment les croyances se mettent en place»

«L’histoire montre comment les croyances se mettent en place»

Des conflits religieux à la crise des idéologies contemporaines, en passant par les usages de la propagande, le Festival «Histoire et Cité» qui se tient à Genève du 30 mars au 1er avril accueille le grand public autour du thème «Croire, faire croire». Entretien avec son directeur Pierre Souyri, Professeur d’histoire du Japon à l’Université de Genève.

Propos recueillis par Guillaume Henchoz

Comment s’est imposé thème du festival, «Croire, faire croire»?

Lors de la première édition, nous avons fait la part belle à la Genève internationale avec le thème «Construire la paix». Pour cette session, nous voulions un sujet plus général qui mobilise une large palette de chercheurs aux horizons différents. Le thème peut renvoyer aux 500 ans de la Réforme, même si Genève est la Cité de Calvin plutôt que celle de Luther. Par un étrange concours de circonstances, l’équipe du festival a choisi de traiter ce sujet au moment où se déroulaient en France les attentats de novembre 2015. Le titre de notre prochain festival est alors entré en résonance avec l’actualité: Comment a-t-on pu faire croire à ces jeunes de qu’ils devaient s’engager pour le djihad en Syrie ou commettre ces attentats? Mais la notion de croyance ne s’inscrit pas seulement dans le champ religieux. Les idéologies, les théories complotistes, la publicité ou encore les «fake news» sont sur le devant de la scène médiatique et entretiennent un lien avec la croyance. Nous voulons que nos intervenants puissent réfléchir à tous ces aspects, ensemble, devant un large public.

Quel bilan tirez-vous de la première édition du festival «Histoire et Cité» qui s’est tenu en mai 2015?

Le bilan de l’édition précédente est positif. Pendant les trois jours qu’a duré la manifestation, nous avons vu défiler environ 8500 personnes. Nous avions organisé le festival sur le week-end de l’Ascension et de nombreux étudiants n’y ont pas participé, car ils préparaient leur session d’examens. Nous avons donc décidé de rectifier le tir et de déplacer les dates en espérant une plus grande affluence.

Histoire et Cité n’est pas un colloque, mais un festival ouvert à tout le monde. Quel public souhaitez-vous particulièrement toucher?

Nous sommes ouverts à toutes et tous: étudiants, amateurs d’histoire, jeunes et moins jeunes. Nous espérons toucher un large public genevois, mais également les curieux des autres cantons francophones et de France voisine. Nous faisons évidemment la part belle aux enseignants de l’école obligatoire, des lycées et des gymnases. En nous basant sur l’édition précédente, nous avons constaté que les jeunes retraités constituaient une bonne partie de l’épine dorsale des visiteurs.

Festivals, émissions radiophoniques et documentaires télévisés sont plébiscités par une audience toujours plus importante. Peut-on dire que l’histoire est à la mode?

Nous constatons effectivement une recrudescence d’intérêt pour l’histoire. Depuis la Maison de l’histoire, nous organisons régulièrement des conférences publiques et des débats qui remportent un véritable succès. Plusieurs raisons permettent de comprendre cet engouement. Il y a d’abord la recherche d’identité liée à la perte de repères dans un monde en complète mutation. Je pense aussi qu’il y a un rejet de la culture du zapping. Le public est à la recherche de contenus exigeants. Les tables rondes et les conférences que nous proposons vont dans ce sens: même si elles sont accessibles à tout le monde, elles nécessitent du temps et de la concentration. Et puis il y a quelque chose de très interactif: il est possible de rencontrer des historiens et d’échanger directement avec eux.

Comment les historiens appréhendent-ils le phénomène des croyances? Pour introduire la thématique du festival, vous rappelez que l’histoire ne se positionne pas sur la vérité d’une croyance…

L’histoire permet surtout de montrer comment les croyances se mettent en place. Les manières du croire sont très différentes selon les contextes, mais les ressorts sont souvent semblables. De fait, la rhétorique, l’art ou encore les émotions traversent toutes les époques et toutes les cultures. C’est ce que nous allons nous efforcer de mettre en lumière au cours de ces trois jours.