Pourquoi il n’y aura pas d’équivalent à l’affaire Fillon en Suisse

Pourquoi il n’y aura pas d’équivalent à l’affaire Fillon en Suisse

La politique suisse n’a jamais connu de scandale d’ordre financier. Les enjeux de pouvoir y sont moindres qu’en France, et les lois n’obligent pas les élus à rendre publics leurs revenus.

Photo: Francois Fillon en 2011 CC(by-nc-nd) UMP

, Paris, en partenariat avec «Réforme» hebdomadaire protestant d'actualité

Alors que la France est périodiquement secouée par les révélations de corruption, force est de constater que les voisins helvètes ne font jamais face à de tels séismes. «Les scandales politiques en Suisse sont liés aux services de sécurité comme l’armée ou les services renseignements», explique Fabien Thétaz, doctorant en sciences politiques à l’Université de Lausanne. «Il y a peu de scandales personnels, et ce sont plutôt des affaires de mœurs. Aucun jusqu’ici n’a concerné la corruption ou le financement de la vie politique.»

Cet état de fait s’explique entre autres par un pouvoir politique limité. «D’abord, la Suisse est un Etat fédéral, très décentralisé, dans lequel les cantons conservent la souveraineté. Ensuite, c’est un pays très libéral où beaucoup de tâches sont assumées par le secteur privé. La démocratie directe limite aussi le champ d’action du Parlement. De plus, le système d’élection est à la proportionnelle, ce qui fait qu’aucun parti n’est majoritaire, contrairement à la France.»

Les enjeux étant à ce point restreints, on ne peut s’étonner que depuis la création de la Suisse moderne en 1848, la fonction politique n’ait jamais été totalement professionnalisée. «La culture politique de milice à tous les échelons de l’Etat relève d’un idéal selon lequel on ne doit pas vivre de la politique, mais qu’elle est un service rendu à la communauté», souligne encore le doctorant. «Cela a évolué ces dernières décennies, mais il reste que les parlementaires sont censés conserver une activité à côté de leur charge d’élu. Les partisans du système de milice diront qu’ils sont ainsi plus indépendants, que la réélection n’est pas cruciale, et qu’ils ont toujours un pied sur le terrain.»

Tous ces facteurs font qu’il y a beaucoup moins d’incitations à capter des financements pour un parti ou pour soi-même, en comparaison avec la France où le pouvoir et les sommes en jeu restent bien plus importants. Mais est-ce à dire qu’il n’existe pas une forme de corruption en Suisse? «Il faut se souvenir qu’aucune loi n’encadre le financement des partis et des campagnes, il n’y a donc pas de transparence à ce niveau», précise Fabien Thétaz. «En outre, plusieurs élus siègent dans des conseils d’administration. S’ils sont tenus de le signaler dans une déclaration d’intérêts, ils ne sont pas obligés de dire les montants qu’ils reçoivent. Certaines de ces pratiques peuvent être illégales dans certains pays, mais en Suisse, la culture libérale est bien admise par la majorité des acteurs.»