Quel message quand Noël n’est pas joyeux?

Quel message quand Noël n’est pas joyeux?

Protestinfo laisse régulièrement carte blanche à des personnalités réformées.

Dimanche, les chrétiens fêteront Noël. De quel message sont porteurs les aumôniers qui sont au contact de ceux pour qui cette fête ne signifie pas forcément cadeaux et bombance. Roselyne Righetti, pasteure de la Pastorale de la rue, Eric Imseng, diacre auprès des prisonniers et Luc Genin, diacre auprès des requérants d’asile partagent leur message de Noël

Photo: CC(by-sa)Gui Seiz

Noël, c’est insupportable si cela ne dure pas!

Noël, la grande fête de Noël, c’est celle qui fait le plus mal quand on a tout perdu, qu’on vit avec presque rien et surtout avec presque personne. Alors ils me disent: «Noël, c’est pas mon truc, c’est pas pour moi!» et Noël devient la fête des autres, de ceux qui peuvent vivre la course aux cadeaux durant les nocturnes, de ceux qui ont une famille pour aller fêter tout ça... Noël devient la fête de ceux qui ont les moyens!

Certains me disent aussi: «C’est vrai, pendant ces jours, on peut aller manger gratuit à plein d’endroits, il y a plein de noëls pour ceux qui sont comme nous, mais après? Les jours d’après, c’est encore pire qu’avant, on a l’air de ne plus exister, on a l’air de ne plus avoir faim, de ne plus être seuls! Noël, ça devrait durer, non?» Oui, Noël, c’est insupportable si cela ne dure pas! C’est insupportable ce ciel qui s’approche de nous et qui s’en va parce que c’est fini!

A la Pastorale de la Rue, ce sont bel et bien ceux que nous accompagnons au long des jours et des années qui nous conduisent vers un autre Noël: celui du cœur qui trouve une maison, celui de la présence qui trouve un regard, celui d’une rencontre où chacun voit le ciel ouvert pour lui et pour toujours.

Roselyne Righetti, pasteure de la Pastorale de la Rue et ministère Sida à Lausanne

La réconciliation ne se présente pas à nous dans le pouvoir ou la force

Rencontrer une personne détenue, à cette période de l’année, est un moment particulier. Entouré de plusieurs Noëls qui se tiennent en arrière-plan de nos échanges. Il y a le Noël de strass et de stress que l’on nous vend et qui leur dit ce qu’ils n’auront pas ou plus comme avant (et pas avant longtemps). Il y a aussi le Noël de la «petite pilule rose» qui est comme un rêve, et qui guérirait d’un coup tous les maux ou toutes les violences et humiliations faites aux humains. Auquel ils ne croient pas beaucoup d’ailleurs.

Et puis il y a le Noël de la «gamelle» ou, plus proche des Evangiles, la «mangeoire pour animaux» où cet enfant, appelé Jésus, est couché. Etrange berceaux pour le Messie… Pourtant, le signe concret que l’ange donnera aux bergers pour le reconnaître. L’Emmanuel se tient là, dans une précarité déroutante!

Mon message de Noël est essentiel et déroutant, comme cet enfant: la réconciliation, la réhabilitation, ne se présentent pas à nous dans le pouvoir ou la force. Le Christ ne restera pas petit enfant, mais ce premier pas de l’humilité, qu’il a montré, demeure pour accueillir le sens et la portée de sa présence dans notre monde.

Eric Imseng, diacre à l’aumônerie œcuménique des prisons de Genève

Les chemins vers Noël nécessitent un déplacement

Nos déplacements sont bien organisés et souvent sans surprise. Bien loin du premier Noël qui ressemble davantage à la vie d’un requérant d’asile. Avez-vous remarqué que c’est l’histoire d’un homme et d’une femme qui cherchent refuge? Ne sont-ils pas aussi enregistrés par les autorités civiles? Les mages ne viennent-ils pas de l’Orient pour aussi repartir plus tard chez eux? D’autres que l’on n’attendait pas à la naissance d’un Roi, ne suivent-ils pas une multitude d’anges?

Les chemins vers Noël sont différents, mais un déplacement est nécessaire. Alors que nous sommes remplis de bonnes intentions, en particulier pour les plus démunis, comment comprendre ce déplacement qu’implique Noël? Quel changement de route prendre pour vivre la véritable rencontre?

Dieu ne nous inviterait-il pas à accueillir quelque chose de concret, de joyeux et de mystérieux de nos frères et sœurs de l’asile, comme ce repas fait de différentes spécialités du monde servis par les requérants, comme ces rencontres informelles à notre permanence d’accueil? Ne serait-ce pas dans un «recevoir l’autre» plutôt que dans un «donner à l’autre» que se trouverait le chemin pour un Noël imprévu, mais fécond, comme au premier Noël?

Luc Genin, diacre et aumônier auprès des requérants d’asile, Req'EREN (Neuchâtel)