La Bible dépoussiérée en 100 mots dans la collection «Que sais-je?»

La Bible dépoussiérée en 100 mots dans la collection «Que sais-je?»

Thomas Römer, professeur au Collège de France et à la faculté de théologie et de science des religions de Lausanne, vient de publier «Les 100 mots de la Bible». Dans ce livre, il aborde de manière concise les grands thèmes de la Bible, ses personnages et l’approche historique de ce texte parfois utilisé à tort.

Propos recueillis par Noriane Rapin

Photos: Thomas Römer

Comment la Bible parle-t-elle de l’amour et de la sexualité? Qu’est-ce qu’un mythe? A quoi renvoie exactement la notion de péché? La réponse à ces questions et à bien d’autres se trouve dans le «Que sais-je?» qui vient de paraître sous la plume de Thomas Römer, professeur au Collège de France et à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne. Interview.

La collection «Que sais-je?» est l’une des plus importantes bases de données internationales. De quoi est-ce le signe qu’un livre de cette collection soit consacré à la Bible?

Cela signifie que la Bible est entrée dans le domaine patrimonial de la France et cela me réjouit beaucoup. La France a toujours eu un problème avec la Bible, et une certaine méfiance à son égard. Quand l’éditeur m’a proposé ce livre, je n’ai pas hésité. Il s’agit d’une collection accessible et peu chère, donc c’est une bonne manière de faire connaître la Bible au-delà du public qui s’y intéresse habituellement. Cela me semble une bonne chose dans le contexte actuel où la Bible comme le Coran servent aux revendications de type fondamentalistes et sont utilisés comme des arguments dans des prises de position éthique et politique. Les gens restent sans repères face à ces textes qu’ils connaissent mal et qui peuvent leur faire peur.

Comment avez-vous choisi ces 100 mots?

Cela n’a pas été très difficile. Il y avait les classiques que je voulais faire connaître: les grands livres, qui me semblaient importants, les personnages principaux tels qu’Abraham, Jacob, Jérémie ou Moïse, et puis les thèmes. Pour ces derniers, j’ai veillé à choisir des éléments qui n’étaient pas trop abstraits et qui évoqueraient quelque chose aux futurs lecteurs, par exemple la tour de Babel, ou le jardin d’Eden. J’ai aussi voulu intégrer des mots tels que «formation de la Bible» ou «exégèse», pour introduire à mon approche historique de ces textes. Je trouve la formule en 100 mots pertinente: elle correspond à l’esprit actuel du «zapping». Les gens vont consulter les parties qui les intéressent, et j’espère que les références bibliques dans le livre vont les inciter à lire la Bible!

Qu’est-ce qu’un lecteur comprendra mieux de la Bible après avoir lu tout ou partie de votre livre ?

Mon souhait est que les gens comprennent que la Bible n’est pas tombée du ciel et qu’elle a une histoire qu’il faut prendre au sérieux, pour ne pas lui faire dire ce qu’elle ne dit pas. Je ne suis pas très militant, mais dans le contexte actuel, c’est un peu mon combat. Je ne veux pas enlever la foi au gens, ce n’est pas la question: simplement, une lecture croyante et spirituelle doit prendre en compte le fait que nous ne sommes pas les premiers lecteurs de ces textes. Il n’y a pas besoin d’être un spécialiste pour faire cette démarche: par exemple, n’importe qui peut et devrait comprendre que le concept d’adultère biblique n’équivaut pas au concept d’adultère d’aujourd’hui. Notre société est très différente de celle qui est présupposée par les auteurs bibliques.

Y a-t-il justement un thème d’actualité que votre approche pourrait éclairer?

Il y a des milieux qui se profilent en France, comme «Manif’ pour tous», qui utilisent la Bible pour promouvoir une certaine idée du couple et de la famille. Dans ce cadre, l’éditeur a été frappé de constater que certaines personnes, parfois même des théologiens, ont des idées assez peu éclairées sur ce qu’est la Bible. Il se peut aussi que certains préjugés basés sur la Bible justifient la violence, notamment antisémite. De manière plus générale, la question de l’utilisation des textes fondateurs reste actuelle lorsqu’ils légitiment des positions éthiques et politiques. Mais il faut aussi montrer que ces textes peuvent être intéressants dans notre contexte quand bien même 2500 ans nous en séparent. Il faut se faire l’avocat du texte en le libérant de ces lectures et des préjugés.