Cachez ce saint que je ne saurais voir!

Cachez ce saint que je ne saurais voir!

Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro.

Joël Burri, responsable de Protestinfo, revient sur le «scandale» religieux de l’été.

Photo: capture d’écran, DR

Faute de place à l’intérieur, quatre ou cinq jeunes ont participé à une cérémonie religieuse depuis la rue. Un voisin filme la scène et la publie sur les réseaux sociaux. Peu après, c’est l’émoi dans les médias qui ont largement relayé cette information du 22 août sur «Les Observateurs» relatant un événement qui a eu lieu le 12 août à Lausanne.

Le monde politique interpellé y va de son analyse: «Il faut oser parler d’accaparement de l’espace public par une culture qui n’est pas la notre», dénonce le libéral conservateur Claude-Alain Voiblet dans «Le Temps» alors que le municipal libéral radical Pierre Antoine Hildbrand, interrogé par «24 heures» promet que les autorités vont «prendre contact avec cette mosquée pour leur rappeler que prier dans la rue, cela ne se fait pas.»

Parler «d’utilisation non autorisée de l’espace public» parce que cinq personnes débordent sur un trottoir — qui plus est dans un quartier où l’espace ne manque pas pour les piétons — n’est pas un peu perdre le sens des proportions?

Imaginons quatre bons chrétiens qui, se rencontrant pas hasard dans la rue, décident de prier pour l’un d’eux qui traverse une épreuve difficile. Faudrait-il leur dire que joindre les mains dans la rue est obscène? Leur reprocherait-on leur utilisation de l’espace public? J’espère bien que non.

Je me fais le plus grand souci pour l’état des libertés individuelles dans notre pays, quand je vois qu’une simple prière peut poser problème. Mais ne nous faisons pas d’illusion, les choses se seraient sans doute passées bien différemment si ces quelques prieurs n’avaient pas été musulmans.

Cette affaire est révélatrice du fait que le religieux devient tabou dans notre société. Une vie spirituelle: oui, mais à l’abri des regards. C’est dommage, par ce que si la religion restait un sujet de discussion qui avait le droit de cité dans l’espace public, on donnerait l’occasion aux croyants de se confronter aux opinions des autres. A l’heure où l’on craint les extrémismes musulmans ou chrétiens, dire aux croyants reste avec tes coreligionnaires pour faire tes vilaines choses, c’est, je pense, se priver d’occasions de désamorcer des radicalisations.