«Les aumôneries, force de proposition sociale de l'Eglise»

«Les aumôneries, force de proposition sociale de l'Eglise»

C’est à Gabriel de Montmollin –
9899997711182px;">théologien et ancien directeur des éditions Labor et Fides– que le Consistoire –l’organe délibérant de l’Eglise protestante de Genève (EPG)– a demandé, l’an dernier, d’analyser le travail et le fonctionnement des aumôneries actives dans le secteur social. Son rapport permettra à l’Eglise de mieux les organiser. Il lui donne également des arguments de poids au moment où s’engagent des négociations avec l’Etat autour du statut et du financement de ces activités. Nous l’avons rencontré

Propos recueillis par Anne Kauffmann, La Vie protestante - Genève

Comment avez-vous procédé pour vous immerger dans le monde des aumôneries?

J’ai dirigé pendant trois ans le Centre social protestant du canton de Vaud, j’avais donc une petite idée de la politique sociale protestante, mais je n’avais aucune image précise –ni positive ni négative– de ce qu’accomplissent les aumôneries ni des défis qu’elles rencontrent. Avec le concours d’un groupe de six personnes émanant de l’Eglise, j’ai choisi de m’entretenir avec tous les ministres concernés pour découvrir comment ils vivent leur mission. Passionnant! Le résultat constitue une photographie des aumôneries protestantes de Genève aujourd’hui. La qualité de leur travail nous a fortement impressionnés. J’ai un regret: n’avoir pas pu, par manque de temps, rencontrer des bénéficiaires de ces services.

Avez-vous été surpris au cours de ces entretiens?

Oui, par la complexité de la tâche! C’est un domaine où il faut faire face à toute la diversité de la réalité humaine... Cela veut dire, par exemple, passer de questionnements sur l’injustice, la vengeance et le pardon à la prison, à la peur et à l’angoisse de la mort en milieu hospitalier. Les aumôniers doivent également maintenir une claire démarcation entre travail social et accompagnement spirituel, alors qu’ils sont souvent sollicités sur ces deux plans. Sur ce point d’ailleurs, leur réflexion est d’une très grande qualité. En plus, ils doivent aussi s’assurer au quotidien qu’ils sont en phase avec leur environnement. Par exemple, accompagner des patients qui restent en moyenne cinq jours aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), ce n’est pas la même chose qu’à l’hôpital de Loëx où les séjours durent des mois.

Ces institutions ont-elles les moyens de faire face aux défis de leur mission?

Il n’y a pas de doute que plusieurs aumôneries, sous-dotées, ont atteint leurs limites. Des collaborateurs sont épuisés, au bord du burn-out, parfois. Certains n’arrivent plus ni à se ressourcer ni à continuer à se former. Il faut une meilleure adéquation entre les forces à disposition et les lieux où l’EPG veut être présente.

Que faire pour améliorer la situation?

Les aumôneries devraient toutes se donner des moyens statistiques pour établir l’étendue de leur travail. Cela permettrait de voir où sont les plus grands besoins et, aussi, l’importance de leur contribution à la collectivité. Professionnaliser l’accompagnement des centaines de bénévoles qui y travaillent est également nécessaire. Leur rôle devient crucial en ces temps d’incertitude financière.

Vous insistez sur le rôle novateur des aumôneries. Pourquoi?

C’est un aspect remarquable de leur action. Des exemples? Voyez l’AGORA, qui travaille auprès des requérants. Cette organisation, qui a une crédibilité établie jusqu’à Berne, est née grâce aux aumôneries chrétiennes. Aux HUG, l’aumônerie protestante a été pionnière dans les soins palliatifs ou les cérémonies du souvenir. Quant à l’Office protestant de consultations conjugales et familiales, il est à l’origine de prestations qui ont été ensuite reprises par des psychothérapeutes. Plus récemment, l’équipe du temple des Pâquis a aussi innové en proposant notamment des cours de français, une soupe populaire et des conseils à toute une population fragilisée. Avec succès: plus de 60’000 personnes s’y rendent chaque année! C’est une force vive à soutenir, car l’Eglise n’est jamais aussi forte que quand elle fait des propositions sociales inédites.