La Suisse élargit l'horizon des festivités de la Réforme

La Suisse élargit l'horizon des festivités de la Réforme

L’ancien ambassadeur suisse en Allemagne, Tim Guldimann, a fait partie du comité chargé de préparer le 500e anniversaire de la Réforme protestante qui se déroulera en 2017. Il a apporté un regard helvétique sur la préparation de cet événement. Rencontre avec ce diplomate.

Photo: Tim Guldimann. Détail d’un cliché CC(by) FEPS

(EPD-Protestinfo) Berlin - Tim Guldimann, qui a quitté ses fonctions d’ambassadeur suisse en Allemagne fin mai, a été l’un des deux membres étrangers du comité chargé de préparer le 500e anniversaire de la Réforme protestante, en Allemagne. En tant qu’invité permanent de cet organisme, ses activités ont consisté surtout à apporter un regard helvétique sur la Réforme. Le haut fonctionnaire a rencontré Jens Büttner du service de presse protestant allemand (epd).

Pourquoi deux membres suisses (Tim Guldimann et Gottfried Locher, le président de la FEPS) font partie du comité qui doit préparer le 500e anniversaire de la Réforme en Allemagne?

Il existe en Suisse un profond intérêt à participer à la préparation des festivités de la Réforme. Il est donc important de savoir comment on va remplir cette fonction. Il se pose notamment la question de savoir de quelle façon on va mettre sur pied une participation de notre pays à «l’Exposition universelle de la Réforme» à Wittenberg.

Je suis, d’ailleurs, convaincu qu’après mon départ, ma successeure Christine Schraner-Burgener, qui sera la nouvelle ambassadrice en Allemagne, continuera ces activités dans le comité d’organisation, comme invitée permanente.

Qu’avez-vous déjà mis en place pour les festivités de 2017?

A l’heure actuelle, nous avons déjà réussi à établir un certain élargissement de l’horizon de la discussion allemande. Et nous avons élaboré un projet de participation substantielle de la Suisse dans lequel nous avons essayé d’engager la Confédération. Mais, cela n’a pas fonctionné. A la suitede cela, nous avons pu nous rendre compte des différences dans les implications en Suisse et en Allemagne. Auprès des autorités fédérales à Berne, on peut constater une certaine retenue face à de tels engagements dans les affaires religieuses.

Néanmoins, il existe des attitudes bien différentes entre Genève et Zurich. A Zurich, les gouvernements cantonal et municipal n’ont pas de peine à faire valoir leurs opinions pour Zwingli et la Réforme, tandis qu’à Genève prédomine avec Calvin l’approche séculière. D’une façon générale s’exprime dans le comportement du gouvernement fédéral à Berne une certaine retenue pour de telles questions, ce qui est dû à de nouveaux efforts d’économies.

Est-ce encore possible de sauver la contribution suisse pour «l’exposition mondiale de la Réforme?»

Nous avons récemment réuni tous les personnages concernés à Zurich pour voir, si on pouvait sauver la présence de la Suisse à Wittenberg. Notre approche actuelle démontre aussi les différences entre la Suisse et l’Allemagne par rapport à la Réforme. Nous parlons des réformateurs en Suisse, au pluriel, et non pas seulement de Luther. Pour nous, la Réforme a été l’action de plusieurs personnages importants au 16e siècle. De plus, il ne s’agit pas simplement d’exhiber la Réforme et de la célébrer. Nous cherchons, davantage, à opposer les deux positions, l’une catholique, l’autre protestante, dans leur compréhension du 16e siècle.

Il serait, également, important de montrer d’un point de vue purement suisse, combien la Réforme a été importante pour la constitution de l’Etat de la Suisse lui-même, qui a commencé à exister au 16e siècle. Il y a eu des faits marquants, notamment l’alliance entre la Suisse alémanique et la Suisse francophone. Et sans Calvin et le Calvinisme, Genève ne serait pas aujourd’hui le siège d’importantes institutions internationales comme le siège européen des Nations Unies. Genève doit ce rôle à la sympathie de Woodrow Wilson pour Calvin, qui a proposé cette ville comme siège pour la Société des Nations.

Qu’est-ce qui est encore spécifiquement suisse dans la Réforme?

Pensez à la Réforme de Zwingli en liaison avec l’Humanisme, avec Erasme, avec Bâle, où la Bible de Luther a été imprimée pour la première fois. Pour la première fois aussi, on a introduit ici un élément d’émancipation dans la Réforme. Cela a été bien plus fortement exprimé dans la pensée de Zwingli que chez Luther. Car au fond, il ne s’agissait pas seulement d’opposer le pouvoir ecclésiastique au pouvoir étatique, mais aussi les relations entre les croyants et les autorités publiques.

Le sens du terme «autorités publiques» diffère entre Zwingli et Luther. Zwingli a défendu ses thèses face aux citoyens réunis qui lui ont dit: «C’est en ordre, tu peux continuer.» De son côté, Luther se trouvait à Worms face à l’empereur Charles V., qui proclamait une mise au banc du réformateur.

Est-ce qu’il en reste encore des traces de nos jours?

Nous avons une autre culture politique aujourd’hui, qui a été renforcée par la Réforme. Ainsi, l’entente entre les confessions au 16e siècle a été bien différente en Suisse et en Allemagne. Concernant la vie en commun entre les catholiques et les protestants, une sorte de tolérance s’est peu à peu installée, en Suisse. Tolérance signifiait qu’on pouvait vivre l’un à côté de l’autre sans s’entretuer, ni plus ni moins. Cela a été la base pour ne pas participer à la Guerre de 30 Ans et d’avoir ainsi anticipé la «Paix de Westphalie» en 1648. L’intention suisse a été: «Il vaut mieux s’entendre entre nous au lieu d’être entraîné dans les luttes entre les grandes puissances autour de nous».

Mais les conséquences ne furent pas limitées à la Confédération helvétique.

Je pense que pour la bonne compréhension de la Réforme dans le monde, il serait préférable d’opposer quelque chose à l’idée d’un événement uniquement centré autour de Luther. Sans Zwingli et sans Calvin, la Réforme serait restée probablement une affaire intra-allemande ou de l’Europe septentrionale. C’est Calvin qui a fait en sorte que ce mouvement gagne le monde entier. Si aujourd’hui en Amérique du Nord, il existe sept millions de luthériens et plus de 40 millions de calvinistes, cela démontre ouvertement l’énorme influence que Calvin a eue sur l’Eglise américaine.

Au-delà des organismes religieux, qui va organiser la contribution de la Suisse aux festivités de la Réforme?

Il existe de bonnes idées et on trouvera probablement aussi des ressources financières. Le problème actuel est vraiment de trouver les personnes nécessaires qui vont faire avancer les idées. Il y a un grand nombre de personnalités qu’on pourrait intégrer, mais actuellement il est urgent de trouver une «locomotive» qui pourrait entraîner tout le monde. Spontanément, les protestants et les catholiques ont mis à disposition des sommes à cinq chiffres pour faire démarrer le tout. Il y a également de nombreux musées et institutions qui fournissent de bons points de départ. Mais il ne reste plus beaucoup de temps pour préparer 2017.

(Traduction: Richard E. Schneider)