Et si on communiquait aussi sur ce qui nous unit?

Et si on communiquait aussi sur ce qui nous unit?

Désormais, Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro.

Joël Burri, rédacteur responsable de Protestinfo, revient sur la prise de parole chez les réformés.

Photo: CC(by) photosteve101

Je ne sais pas si les résolutions prises durant les vacances ont davantage de chances d’êtres tenues que les bonnes résolutions de début d’année, mais la rédaction a choisi de parsemer d’éditos, les «chroniques», articles d’opinion proposés en général le mercredi.

Une décision prise, d’une part, afin de profiter des analyses des observateurs privilégiés de la vie des Eglises que sont les journalistes des différentes rédactions de Médias-pro (services protestants de radio et de télévision, Protestinfo). Mais aussi pour tenter de répondre à une frustration naissante à la lecture des chroniques de Protestinto, jamais vraiment représentatives des courants majoritaires dans les milieux réformés, tant il est difficile de convaincre de prendre la plume des gens qui ne sont pas en opposition.

Occasion donc de réfléchir à l’opinion publique dans les milieux réformés. Les journalistes le savent: quand on demande à un pasteur ce qu’il pense d’une situation, il prendra quasiment toujours la peine de préciser que cela n’engage que lui, plus qu’une formule, une reconnaissance de la diversité d’opinions protestantes. Résultat: les prises de positions catholiques –toujours représentatives– sont du pain bénis pour la presse. Et «90% des informations religieuses reprises par les journaux télévisés européens et américains ces deux dernières années concernent la seule Eglise catholique romaine», soulignait Réforme, citant les chiffres d’une étude internationale en novembre passé.

Toujours contester ce qui vient de plus haut

S’ils sont bien conscients qu’une parole commune, leur donnerait davantage d’existence, au moins d’un point de vue médiatique, les réformés cherchent à renforcer leurs faîtières, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), en tête. Mais la conscience de cet esprit de débat qui pousse les protestants à ne jamais prendre parole au nom de l’ensemble, les amène aussi à systématiquement contester les opinions qui viennent de «plus haut».

Prenons pour exemple la récente votation sur le diagnostic préimplantatoire. La FEPS, la Conférence des évêques suisses et les associations parmi lesquelles Insieme, association de parents et amis de personnes vivant avec une déficience mentale appelaient à voter non. Pourtant, en coulisse, tant dans les Eglises que dans les milieux associatifs on sentait une différence de sensibilité culturelle: les Romands étaient plus favorables au diagnostic. Si les sections cantonales romandes d’Insieme se sont malgré tout, peut-être mollement, alignées sur leur faîtière, les Eglises romandes, elles, se sont désolidarisées de la FEPS. Peut-être pas au point d’appeler à voter oui, mais les conseils synodaux vaudois comme neuchâtelois ont communiqué pour laisser la liberté de vote. Pour le journaliste qui a deux lignes à consacrer à la question, il sera plus simple de donner une position catholique unique qu’une protestante tout en nuances.

Les communautés évangéliques ont réglé la question différemment. Congrégationalistes, elles donnent davantage de poids aux communautés locales qu’aux différentes associations. Dans un joyeux libre marché, les croyants sont libres d’adhérer à une Eglise qui correspond à leurs aspirations plutôt qu’à la paroisse à laquelle ils sont rattachés, selon une logique géographique. Mais force est de constater que cette liberté de ton ne leur réussit pas mieux qu’aux réformés: la conscience de leur existence dans le grand public est clairement en dessous de leur poids réel, même si celui-ci reste difficile à évaluer.

Refuser la marginalisation des Eglises

On pourrait se dire que les Eglises n’ont pas besoin des journaux pour exister, c’est à mon avis un calcul à court terme. Les Eglises doivent faire l’effort d’exister dans l’espace public, sinon le grand public n’aura même plus la curiosité de pousser la porte d’une église. Pire, il commencera à se méfier de ces marginaux, voire de ces sectes.

Si la diversité d’opinion fait partie de l’ADN de toutes les Eglises issues de la Réforme, et qu’il serait probablement contre-productif de vouloir la limiter, peut-être pourrions-nous songer, pour la rentrée, à communiquer aussi, et avec autant d’enthousiasme, sur ce qui unit les croyants. Certes, les médias ne parlent pas des trains qui arrivent à l’heure, et rien ne vaut une bonne polémique pour exister dans la presse… mais quand on ne prend même pas la peine de s’exprimer, on est sûr de ne pas être entendu.