Procréation médicalement assistée ou les limites de la science

Procréation médicalement assistée ou les limites de la science

Chaque semaine, Protestinfo laisse carte blanche à une personnalité réformée.

Le 14 juin, les Suisses voteront sur une modification constitutionnelle visant à autoriser le diagnostic préimplantatoire sur les embryons issus de la fécondation in vitro. L’ancienne conseillère nationale Suzette Sandoz est favorable à ce texte, mais appelle les Eglises à la vigilance.

Photo: fécondation in vitro d’un ovule. CC(by-nc-nd) ZEISS Microscopy

C’était pendant les années nonante. Les parlementaires fédéraux se préoccupaient d’élaborer la loi sur la procréation médicalement assistée. A l’époque, une des grandes discussions portait sur la possibilité ou non de permettre non seulement le don de sperme, mais aussi le don d’ovules. Je me souviens avoir combattu de toutes mes forces le don d’ovule, mais aussi d’ailleurs le don de sperme, cependant pour des motifs différents.

Toute fécondation naturelle, on le sait bien, implique la réception par la femme d’un sperme étranger à son corps et c’est bien pourquoi le père n’est jamais certain. Ce que je ne voulais pas c’est que, en autorisant le don de sperme, l’Etat contribue à favoriser la conception d’enfants dont le père génétique ne serait pas le père juridique. Sur ce point, j’ai perdu la bataille (avec d’autres parlementaires d’ailleurs). Le droit suisse admet le don de sperme moyennant au moins que le donneur soit «fiché» officiellement pour que l’enfant adulte puisse, s’il le désire, recevoir des informations sur son père génétique. Bien des milieux scientifiques s’étaient opposés à cette «officialisation du donneur de sperme», arguant que cela découragerait les hommes de donner leur sperme. Il semble en effet qu’il y ait relativement peu de donneurs en Suisse à cause de cette clause. Personnellement, je m’en réjouis.

Ajoutons encore que ledit don n’est permis qu’aux couples mariés ou aux couples non mariés «durables» où le compagnon mâle est prêt à reconnaître l’enfant qu’aura sa compagne grâce au sperme d’un autre homme. Cette situation-là est encore plus discutable que la première, car rien ne prouve la durée de l’union non maritale ni ne garantit la paternité juridique après coup. Mais passons. Le mal est fait.

Le problème est évidemment totalement différent en ce qui concerne le don d’ovules, actuellement encore interdit en Suisse et qui devrait le rester. Le don d’ovules pose toujours un double problème: d’une part, il impose à un enfant, ce qui est contre nature, de naître d’une femme qui n’est pas sa mère génétique. D’autre part, ce don exige évidemment une fécondation in vitro, ce qui crée toujours le risque de l’atteinte à l’intégrité de la personne qui naîtra de cette fécondation.

Fécondation in vitro indispensable

Mais il y a certes aussi des cas dans lesquels une fécondation in vitro est indispensable, quand bien même elle est opérée avec les ovocytes du couple qui désire un enfant, donc sans emprunt d’ovocytes étrangers. Et c’est le problème général de la fécondation in vitro qui est l’objet des préoccupations de la modification de la constitution fédérale que nous sommes appelés à voter.

La fécondation in vitro se pratique depuis de nombreuses années. Mais l’art. 119 al. 2 let. c actuel de la constitution fédérale ne permet pas de procéder à un diagnostic de l’état de santé de l’embryon avant l’implantation dans l’utérus de la mère. En effet, cette disposition constitutionnelle ne permet de développer hors du corps de la mère jusqu’au stade d’embryons que le nombre d’ovules humains pouvant être immédiatement implantés. Une fois tous ces ovules implantés et la grossesse enclenchée, il est alors possible de procéder à un contrôle de la santé du ou des embryons et, suivant les cas, de procéder à un avortement.

Eviter un avortement

Si l’on veut éviter un avortement, il faut pouvoir réaliser un diagnostic préimplantatoire et pour cela, il est nécessaire d’avoir une plus grande liberté dans l’utilisation des ovules développés jusqu’au stade d’embryons hors du corps de la mère. Il convient donc de modifier le texte de l’art. 119 al.2 let. c et de permettre le développement du nombre d’ovules nécessaires à la réalisation de la procréation médicalement assistée. Ce n’est que sur ce point que nous sommes invités à nous prononcer en juin prochain.

Il est clair qu’un avortement est à la fois une mise à mort d’un embryon et une atteinte à l’intégrité physique de la mère. Empêcher un diagnostic préimplantatoire qui peut certes aboutir aussi à la mise à mort d’un embryon, mais évite un avortement apparaît donc comme une sorte de souffrance supplémentaire imposée à la mère. Sous cet aspect-là, le texte soumis au vote peut évidemment être accepté. Mais il ne résout pas, et de loin, tous les problèmes.

En effet, si la modification constitutionnelle est acceptée, les conditions du recours au diagnostic préimplantatoire devront être réglées par la loi de 1998 sur la procréation médicalement assistée. Celle-ci a déjà été modifiée par le Parlement et sera soumise au délai référendaire après le vote constitutionnel. Il s’agira alors de s’assurer que les conditions auxquelles un tel diagnostic sera soumis sont bien limitatives. En effet, à aucun moment, un tel diagnostic ne doit permettre autre chose que la vérification qu’un embryon n’est pas atteint d’une maladie génétique grave. Il est exclu d’utiliser ce diagnostic à des fins d’eugénisme ou pour se «bricoler» l’enfant idéal! Il semble bien que la loi révisée soit en effet très limitative. Il s’imposera d’ailleurs aussi de vérifier qu’elle n’introduit pas par la bande d’autres allègements éventuellement inadmissibles. Mais cela ne concerne pas l’objet actuel du vote.

Transmettre suffisamment de force morale

Il n’en demeure pas moins que le problème éthique subsiste, car on sait qu’il y a toujours des abus, des tricheries, et qu’il y en aura toujours. C’est là qu’apparaît le rôle notamment des Eglises qui ont la responsabilité de transmettre à la société suffisamment de valeurs et de force morale pour qu’elle parvienne à ne faire d’une découverte médicale ou scientifique que l’usage conforme au principe du respect de l’être humain. Chrétiens, il y a du pain sur la planche!