Les pasteurs se pressent au portillon de l’exécutif de l’Eglise réformée vaudoise

Les pasteurs se pressent au portillon de l’exécutif de l’Eglise réformée vaudoise

Ce week-end, l’Eglise réformée vaudoise élira son exécutif pour les cinq ans à venir. Le nombre important de dossiers traités durant la législature écoulée et en particulier l’adoption en 2013 d’une célébration pour couples partenariés et l’impression qu’une partie de l’Eglise n’avait alors pas pu se faire entendre suscite des candidatures de ministres.

Photo: CC(by-nd) Adrian Clark

Samedi, les nouveaux membres du Synode, l’organe délibérant de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud (EERV), se rencontreront pour la première fois. Elus par les assemblées régionales en mai, ils auront comme premières tâches d’élire à leur tour le Bureau du Synode, le Conseil synodal, l’organe exécutif de l’Eglise, ainsi que les membres des diverses commissions permanentes et délégations.

Le Conseil synodal est composé de quatre laïcs et trois ministres. Si du côté des laïcs les jeux semblent faits, il y a à ce jour quatre candidats exactement, du côté des ministres, il y a cinq pasteurs qui se présentent pour occuper les trois sièges disponibles.

Davantage de ministres candidats que de postes

En plus des actuels conseillers synodaux Line Dépraz, Xavier Paillard et Jean-Michel Sordet, qui se représentent tous trois pour un nouveau mandat. Martin Hoegger qui partage son ministère entre le dialogue œcuménique et la communauté de Saint-Loup et Daniel Fatzer actif à Saint-Laurent Eglise sont également candidats.

Des candidatures de combat? Les deux intéressés s’en défendent et promettent d’avoir pris leur décision, après un long processus de réflexion, avant même de savoir que les trois ministres en place brigueraient un nouveau mandat. Ils considèrent pouvoir amener des compétences différentes à l’exécutif de l’EERV.

Une Eglise blessée

«L’Eglise, déjà fragile dans sa vie communautaire, a été blessée, analyse Martin Hoegger. Certaines décisions prises par le Synode sous l’impulsion du Conseil synodal durant la législature passée ont conduit à beaucoup de tensions.» Le pasteur cite en particulier l’adoption par le Synode, à une très large majorité, d’une célébration pour couples partenariés. «J’ai accompagné plusieurs personnes profondément blessées dans leurs convictions. J’ai perçu de l’hostilité de part et d’autre. Cela m’attriste beaucoup», explique-t-il. «La chose qui me tient le plus à cœur est une réconciliation à travers un renouveau spirituel».

Faut-il comprendre que rien ne doit changer dans l’Eglise? «Non, c’est une question de temporalité. On a été vite, trop vite. La temporalité de l’Eglise est celle de la communauté qui cherche la volonté du Christ. Si l’on introduit dans l’Eglise une autre temporalité, comme celle des entreprises, on détruit la communauté.» De par son expérience dans le dialogue interconfessionnel, Martin Hoegger estime pouvoir favoriser une réconciliation au sein de l’Eglise.

Une Eglise qui fait face à un changement profond

Xavier Paillard, vice-président du Conseil synodal, reconnaît que la dernière législature a été chargée, mais il s’en justifie: «Je persiste à dire que l’Eglise traverse une période de changements profonds. Cela nécessite une surcharge de travail. Une traversée de tempête nécessite toujours un surcroit d’énergie. Je suis convaincu que l’Eglise est dans un virage, notamment autour de la question de l’appartenance à l’institution: aujourd’hui, on n’est plus membre de l’EERV par conformisme, mais par choix. L’Eglise n’est donc plus une Eglise de tradition, mais de conviction. Et cela irradie tous les domaines de la vie de l’EERV.» Et cette transformation est loin d’être aboutie, selon Xavier Paillard qui s’attend à quelques années encore de changements profonds.

«Que certains paroissiens aient été blessés, je peux l’entendre, complète Xavier Paillard. Il faut aussi qu’ils entendent que certains délégués au Synode ont aussi été blessés par les réactions congrégationalistes de certains paroissiens. Je crois qu’en Eglise, on doit faire preuve d’humilité et d’écoute sur le vivre ensemble; et sur ce point, les déclarations du Synode après l’adoption du rite pour partenaires de même sexe étaient de bonnes déclarations.»

Besoin d’un management bien-traitant

C’est le management de l’Eglise que Daniel Fatzer compte changer. Le titre de son dossier de candidature est d’ailleurs sans équivoque: «Manager avec humanité». Le pasteur explique être «convaincu que la qualité de la gouvernance joue un rôle déterminant sur le rayonnement potentiel du peuple de l’Eglise.» Défenseur d’un Conseil synodal transparent et «bien-traitant à l’égard des pasteurs», il reconnaît être membre du groupe Catalyse qui avait œuvré pour faire entrer Xavier Paillard et Jean-Michel Sordet au Conseil Synodal il y a cinq ans.

Aujourd’hui, il leur fait peu ou prou les mêmes reproches d’autoritarisme qu’au Conseil synodal de la législature précédente et en arrive à la conclusion de la nécessité d’un contre-pouvoir dans l’Eglise. «Il n’y a pas de moyens institutionnels de dire stop au Conseil synodal. Pour moi, cela démontre le déficit démocratique de l’Eglise.»

Daniel Fatzer désire également que le Conseil synodal soit un pouvoir plus spirituel qui ose affirmer ses réalités d’Eglise quitte à parfois s’opposer au Conseil d’Etat. «Dans le canton de Vaud, on a parfois l’impression qu’à la tête de l’Eglise il y a Jésus-Christ, et juste en dessus il y a le Conseil d’Etat.»

Daniel Fatzer compte ainsi mettre ses compétences en coaching et en team-building pour favoriser une Eglise qui se préoccupe davantage de spiritualité et de l’humain. «Si un projet –aussi intéressant soit-il– épuise les personnes, il doit être modifié ou supprimé. Les projets sont faits pour les femmes et les hommes et non les femmes et les hommes pour les projets.»

Besoin de collégialité et de constance

Xavier Paillard se réjouit qu’on trouve autant de candidats pour une fonction aussi lourde que le Conseil synodal et que des candidats proposent des «voies alternatives», mais il prévient: «l’EERV est une grosse entreprise, sa gestion nécessite une très bonne connaissance de sa complexité et de compétences de directions collégiales. L’équipe en place a fait front et a fait preuve d’une grande adaptabilité. L’EERV est une institution qui travaille sur le relationnel, mais aussi sur l’institutionnel.» Xavier Paillard rappelle en particulier la complexité des relations avec l’Etat.

«Il est important de relever que de nombreux dossiers sont en cours de traitement et qu’ils sont maîtrisés par les gens en place; l’équipe actuelle a fait ses preuves et le travail dans la continuité permettra de bien mettre en œuvre les options prises jusqu’ici pour réformer notre Eglise.»

Samedi, après avoir été élus, les sept membres du Conseil synodal quitteront le Synode pour se réunir en réunion constitutive. Ils se répartiront alors les dossiers et la charge de travail: quatre équivalents plein-temps. Chacun devra consacrer au minimum un 40% à cette fonction. Enfin, ils désigneront leur président. C’est un peu une spécificité vaudoise, puisque dans de nombreuses Eglises réformées, le président est élu par le Synode.

Liens

  • Dossiers de candidature des ministres
  • Dossiers de candidature des laïcs
  • Daniel Fatzer a également présenté sa candidature sous forme vidéo:
Cet article a été publié:

Le 26 juin 2014 sur le site internet du quotidien vaudois 24heures.

Dans l'édition du 28 juin 2014 du quotidien genevois Le Courrier.