Les lieux phares continueront à réinventer l’Eglise en zone urbaine

Les lieux phares continueront à réinventer l’Eglise en zone urbaine

Les temples du centre de Lausanne ne sont pas que des monuments historiques! Les lieux phares sont nés en 2010 d’une volonté de marquer une présence ecclésiale plus forte dans des temples tendant à devenir des lieux dévolus uniquement à la culture. L’Eglise évangélique réformée vaudoise a accordé des postes pastoraux à la cathédrale et aux églises de Saint-Laurent et Saint-François pour expérimenter de nouvelles manières de témoigner. Trois ans après le bilan est positif et le Conseil synodal propose de pérenniser les postes.

«Pouvoir inventer de nouvelles formes ecclésiales, c’est une occasion incroyable, unique! Je ne sais pas combien de pasteurs ont eu cette opportunité.» André Joly pasteur du lieu phare «La Cathédrale» ne manque pas d’enthousiasme lorsqu’il parle de l’expérience à laquelle il participe. Un sentiment partagé par le Conseil synodal qui, après une procédure d’évaluation de plusieurs mois, a décidé de poursuivre ces trois activités.

En 2010, une réflexion avait été menée visant à réinvestir trois temples du cœur de la capitale vaudoise. «Ce sont des lieux emblématiques, note Xavier Paillard, vice-président du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). Quand on visite une ville, on entre dans les églises centrales pas dans les temples de quartier. Pourtant, les commerces et bureaux de l’hypercentre laissant peu de place à des logements, ce ne sont pas ces lieux symboliques qui sont les lieux paroissiaux les plus dynamiques».

La cathédrale et les églises de Saint-Laurent et Saint-François ont alors été les cadres d’expériences nouvelles (voir encadrés). «Nous avons aussi fait le constat qu’en zone urbaine les gens se déplacent pour de multiples activités culturelles et que la logique purement géographique des paroisses ne correspond plus à une nécessité.» Bref, l’EERV s’engage dans une voix correspondant à la diversification de son offre pour répondre aux aspirations variées de ses fidèles sans pour autant transiger sur ses valeurs théologiques. «Au début de notre activité, nous avons constaté que certains fidèles issus de l’EERV avaient l’impression de manquer de loyauté lorsqu’ils venaient assister à un culte de Saint-Laurent-Eglise, explique le pasteur Jean Chollet. Puis avec le temps ils se sont dit qu’ils étaient libres d’aller là où ils se sentent bien.»

Très positif sur ce que cette expérience a amené, le Conseil synodal garde quand même une réserve sur les relations que la création des lieux phares ont eues avec le reste de l’EERV: «On s’est un peu regardé en chiens de faïence. C’est assez normal quand on essaie de faire quelque chose de nouveau», reconnaît Xavier Paillard. Il espère toutefois que les tensions se sont désormais apaisées et que l’EERV tout entière puisse s’enrichir des moments lumineux qui ont été vécus dans ces trois lieux.

Enfin, le Conseil Synodal reconnaît qu’un autre défi attend ces projets: leur esprit pourra-t-il subsister aux départs à la retraite des ministres qui les ont portés.

La Cathédrale: l’église des Vaudois

«Il y a un attachement des gens du Pays de Vaud à cette cathédrale. Ce lieu nous appartient comme nous lui appartenons», note André Joly, pasteur du Lieu phare «La Cathédrale». Le rayonnement de ce lieu est d’ailleurs l’une des surprises qu’il retient de cette expérience. Un attachement à la cathédrale qui permet à André Joly d’inviter des paroisses de tout le canton à vivre des cultes dans cet édifice. «Je pense que les activités du Lieu phare ont aussi permis à quelques collègues de ne plus voir la cathédrale comme la grande église utilisée une fois par année pour les consécrations, mais comme un outil à leur disposition». Le projet de «La Cathédrale» compte aussi tout un pan artistique largement salué par le Conseil synodal. André Joly note enfin que l’attachement des Vaudois à ce lieu comporte les défauts de ses qualités: «toute demande focalise les intérêts de nombreux services administratifs. Je pensais qu’à mon âge, j’étais devenu patient; je me découvre encore des impatiences.»

Photo: © Alexandra Urfer Jungen, Célébrer.ch

L’Esprit Sainf’: un espace de ressourcement

«Avant, il y avait rarement de la lumière dans cette Eglise. Beaucoup de Lausannois m’ont avoué qu’ils la croyaient fermée», raconte le pasteur Jean-François Ramelet. Pour le lieu phare, un mobilier coloré, reprenant des couleurs figurant sur les vitraux, a été conçu. Des bougies sont systématiquement allumées et permettent aux personnes de passage de vivre des moments de recueillement. «Des gens m’ont souvent demandé si c’était une église catholique, relate Jean-François Ramelet. Ça m’a permis de prendre conscience à quel point les protestants accordent peu d’importance à leur lieu de culte». Une vaste activité musicale se déploie dans ce lieu en collaboration, notamment, avec la Haute école de musique et des artistes sont invités à y vivre des «hospitalités». Une liturgie faisant largement appel aux réponds y est célébrée la plupart des soirs de semaine. «Les fidèles se sont approprié cette liturgie. Une dame m’a dit apprécier la pérennité qui s’en dégage dans une société en perpétuel changement.»

Saint-Laurent Eglise: le culte autrement

«La paroisse Saint-Laurent-les Bergières nous avait dit que nous ne pouvions pas enlever les bancs, car ils sont classés, raconte avec malice la pasteur Jean Cholet. Nous en avons donc retiré une partie en toute discrétion pour pouvoir installer l’Eglise en U afin que les gens se voient. Quand le municipal Oscar Tosato nous a demandé des comptes, nous lui avons demandé pourquoi il exigeait des gens qui se rendent au culte de s’installer sur ces bancs inconfortables alors que jamais il ne demanderait aux gens qui vont à l’opéra de s'asseoir sur des sièges du XVIIIe siècle.» Cette politique du fait accompli a créé de multiples tensions entre Saint-Laurent-Eglise et les autorités cantonales et la paroisse des lieux. Si dans son bilan le Conseil synodal relève ce point, Xavier Paillard défend avec enthousiasme ce projet «Saint-Laurent Eglise avait pour objectif de repenser le culte dominical. De ce fait, c’est le lieu phare qui entre le plus en concurrence avec les paroisses. C’est donc normal que ce soit celui qui a cristallisé le plus de critiques. Mais ils ont fait revenir à l’Eglise des gens qui n’y allaient pas. En cela le bilan est positif.»

Ailleurs dans le Canton

Le succès des lieux phares va-t-il permettre le développement d’autres projets dans d’autres lieux emblématiques du canton? «Il n’y aura pas de nouveau lieu phare directement rattaché au Conseil synodal», répond Xavier Paillard. «Mais il faut tout de même préciser que nous avons octroyé un demi-poste à la région Joux-Orbe pour Romainmôtier et un autre demi-poste à la région de la Broye dans le cadre de ce qui est en train de se mettre en place autour de l’abbatiale de Payerne avec la commune et l’Office du tourisme.»

Photo: L'abbatiale de Romainmôtier. © Alexandra Urfer Jungen, Célébrer.chCet article a été publié dans :

Le quotidien 24heures dans son édition du 28 mars 2014.

Bonne Nouvelle dans son édition d'avril 2014.