La Traduction Oecuménique de la Bible fait peau neuve

La Traduction Oecuménique de la Bible fait peau neuve

Alors que paraît une édition renouvelée, la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) ne connaît pas la notoriété qu’elle mérite
Notamment auprès des catholiques qui n’en veulent toujours pas pour la messe. Près de 40 ans après sa création, ce chantier théologique reste pourtant de première importance. Explications et perspectives.

La Traduction œcuménique de la Bible (TOB) s’offre une nouvelle version du Pentateuque. Un événement dans le monde de l’exégèse qui risque pourtant de passer inaperçu. Près de 40 ans après la parution de sa version initiale, bon nombre de chrétiens ne connaissent pas encore ce qui constitua pourtant une véritable révolution théologique et une première mondiale : les Ecritures adaptées en commun par des exégètes de chaque confession.

« Dans cette nouvelle mouture, le texte lui-même demeure inchangé. En revanche, les introductions et les notes ont été entièrement remaniées », explique à la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne, le professeur Thomas Römer. Il suffit de regarder le volume d’une TOB d’étude pour se rendre compte que cette refonte a nécessité un travail conséquent. Nécessaire ? « Depuis 1975, date de la première version, les connaissances des circonstances d’écriture de ces 5 premiers livres de l’Ancien Testament ont bien évolué », précise encore le théologien.

A portée du grand public

Le but de la TOB étant d’offrir au grand public une référence dans l’approche scientifique et culturelle des textes, il fallait donc remettre l’ouvrage sur le métier, par le maître d’œuvre du projet, l’Association œcuménique pour la recherche biblique (AORB). Thomas Römer : « Nous avons essayé de donner le maximum d’explications, tout en n’enfermant pas le lecteur dans ce qui reste une hypothèse correspondant à l’état des recherches actuelles. Il s’agit donc d’une introduction aux enjeux, présentée de manière ouverte ». Pour faire court : En 1975, les savants pensaient que le Pentateuque procédait grosso modo de 4 sources chronologiques : les sources Yahviste, Elohiste, Deutéronomiste et Sacerdotale. La première datait de l’époque du roi Salomon, la dernière de l’exil des juifs à Babylone. Le tout aurait été remanié pour être finalisé dans la version actuelle aux alentours du 5e siècle. « Aujourd’hui, commente Thomas Römer, nous pensons que la rédaction du Pentateuque est plus tardive, l’essentiel datant de l’époque perse, c’est –à-dire après l’exil ». Exit donc les 4 sources, même si on distingue encore deux types d’écrits : les sacerdotaux, provenant des milieux des prêtres qui voulaient insister sur l’organisation sociale ; et les textes deutéronomistes, davantage centrés du la Loi. « De manière générale, il faut se souvenir qu’il s’agit d’une littérature qui cherche à reconstituer une identité fragmentée par l’exil », note encore le professeur lausannois.

Plus culturel que cultuel

Reste à se demander quel impact possède réellement la TOB au sein des différentes dénominations. On sait en effet que le Vatican ne l’a jamais reconnue comme livre liturgique, et qu’elle demeure donc interdite de messe. « C’est vrai, l’autorisation papale se fait attendre, sourit à la faculté neuchâteloise l’exégète Martin Rose. Et il est indéniable que cette version reste davantage présente dans les milieux protestants ». L’une des raisons est structurelle : sa diffusion dépend de la Société biblique, dans laquelle l’Eglise catholique romaine n’est pas représentée. Il faut ajouter que Rome reste très attachée à la « Bible de Jérusalem », œuvre de l’école biblique du même nom. Quoique réformé, Martin Rose ne cache d’ailleurs pas qu’en tant que croyant et spécialiste, il préfère le canon catholique, plus large, « et qui permet davantage d’appréhender la transition entre Nouveau et Ancien Testament ». Avec Thomas Römer, son collègue Daniel Marguerat rappelle de son côté qu’il s’agit d’un « outil davantage culturel que cultuel, et certainement la Bible la plus complète du monde francophone ».

En fait, on constate avec le recul que le plus difficile fut sans doute de rassembler des exégètes des trois dénominations chrétiennes. Puisqu’il n’y eut en fait que très peu de divergences entre les traducteurs. Daniel Marguerat confirme « qu’actuellement encore les dissemblances entre les traductions confessionnelles sont minimes. C’est plutôt au moment de l’interprétation que les chemins se séparent ». Pour ce spécialiste du Nouveau Testament, malgré quelques faiblesses, la TOB reste un instrument extraordinaire : « D’ailleurs, la nouvelle version de la Bible Segond s’en est très largement inspirée ». Quant à la frilosité catholique, Daniel Marguerat la constate « au niveau de leur hiérarchie dans tout ce qui concerne l’œcuménisme. Aujourd’hui, un chantier comme celui de la TOB ne s’ouvrirait tout simplement pas ».