L'Eglise, les plus gros employeur de bénévoles

L'Eglise, les plus gros employeur de bénévoles

Sans le bénévolat, l'Eglise ne pourrait ni vivre ni se développer et bon nombre de ses services n’existeraient pas
Coup de projecteur sur trois cantons.

La force vive de l’Eglise est une foule d’anonymes qui, chacun à sa mesure, apporte une petite pierre à l’édifice. « Chez nous, relève Michel Vuillomenet, responsable de l’information à l’Eglise Evangélique Réformée de Neuchâtel, cela va des conseillers paroissiaux et des députés laïcs au Synode jusqu’à la dame tricotant des chaussettes à la Brévine ou fleurissant le culte à Lignières. Sans oublier bien sûr les catéchètes, dont nous ne connaissons pas le nombre. »

Plusieurs études ont démontré que l’Eglise était le plus gros employeur de bénévoles. Mais difficile pourtant d’obtenir des chiffres. « Pour donner une estimation crédible, il faudrait déclencher un recensement dans nos 52 paroisses, ce qui prendrait quelques semaines, poursuit Michel Vuillomenet. Combien, parmi les 76.000 réformés de notre Eglise, font-ils du bénévolat ? Sont-ils 20, 30, 50 par paroisse ? On ne le sait pas. »

Pour le canton de Vaud, Pierre Marguerat, responsable de l’information à l’Eglise évangélique (EERV), parle de plusieurs milliers de bénévoles entourant les quelques 350 salariés que compte l’Eglise protestante. « Ils sont environ 3000 à s’occuper de la formation des enfants et des adolescents, à avoir des responsabilités dans les différents conseils qui assurent la bonne marche de l’Eglise ou à rendre visite à des personnes malades ou âgées. » Mais le chiffre est bien inférieur à la réalité : « Certains services bénévoles sont difficiles à repérer : les personnes qui fleurissent les églises avant le service du dimanche, celles qui s’occupent de la garderie pendant le culte, du transport de personnes ou de la tenue de stands lors de manifestations. Sans oublier d’autres engagements, propres à des lieux, à des paroisses. »

Pour Genève aussi, il est difficile d’avoir une image d’ensemble exacte de la participation des bénévoles puisqu’il n’existe aucun recensement, aucune statistique, pour évoquer l’activité des paroisses. John Grinling, responsable de l’information à l’EPG, souligne cependant que « les membres des Conseils des 34 paroisses, des 5 services et des ministères spécialisés, des commissions, du Conseil de l’Eglise et du Consistoire représentent environ 350 bénévoles dont l’engagement est vital pour le fonctionnement de l’Eglise. Par ailleurs, toutes les activités d’encadrement des enfants, de catéchèse, de visites ou de groupes d’activités diverses sont réalisées par des bénévoles. Leur nombre peut être évalué entre 1000 et 2000».

Des chiffres plus précis existent en revanche concernant le fonctionnement centralisé de l’Eglise Protestante de Genève : « Nous pouvons compter sur environ 300 laïcs pour s’occuper notamment de catéchèse auprès des enfants et des jeunes et sur 250 pour la formation d’adultes. Ils sont 150 pour les visites et les accompagnements et une cinquantaine à participer aux activités et aux campagnes des œuvres d’entraide. »

On se heurte aux mêmes difficultés lorsque l’on tente d’établir un profil type du bénévole. « Il ne paraît pas possible d’en définir un portrait: il peut être de tout âge, de toute origine et de toute condition », poursuit John Grinling. Du côté de Neuchâtel, Michel Vuillomenet ne peut évoquer que les conseillers paroissiaux, « composés pour moitié de femmes, et dont la moyenne d’âge tourne autour de 50 ans ». Henri Chabloz, responsable du dicastère « Présence et solidarité » à l’EERV, constate que « les hommes s’engagent plus facilement dans les conseils de paroisse que dans d’autres activités » et note que « les femmes, qui travaillent désormais davantage à l’extérieur, sont plus fatiguées et donc moins disponibles pour le bénévolat. Ce qui pose notamment le problème du renouvellement des bénévoles».

A moins d’aller à leur rencontre (voir encadré), impossible donc de se faire une idée précise du bénévole. C’est vrai que le bénévolat est l’expression même de la charité chrétienne et qu’il reste la marque de la bonne volonté et du geste gratuit de tous pour tous.





Encadré



Une nouvelle forme de bénévolat



Au cours de cette dernière décennie, le problème des sans-abris a pris une soudaine ampleur un peu partout en Suisse. Parallèlement, un bénévolat plus impliqué, plus professionnalisé aussi, s’est développé. Jacqueline fait partie de ces « nouveaux » bénévoles.

A la Pastorale des rues, à Lausanne, tout le monde l’appelle Jacqueline. Parfois maman. Ca dépend de l’humeur du jour. Tout le monde la connaît parce qu’elle est là depuis l’ouverture, en 1994. Mis à part le fait qu’elle a deux enfants et qu’elle était intéressée par les problèmes pouvant les concerner, rien ne la prédestinait à s’investir auprès des toxicomanes et des gens de la rue. Exerçant un certain nombre d’activités au sein de sa paroisse, dont celle de conseillère, elle a été « catapultée » un beau jour auprès de Jan de Haas, pasteur des rues. « J’y suis allée pour discuter une heure ou deux et cela fait bientôt douze ans que j’y suis », se souvient-elle en souriant.

Au début, ils étaient une vingtaine de bénévoles à découvrir un monde bien éloigné de celui des ventes de paroisse ou des préparations de culte. « Nous avons reçu une formation assez large, notamment sur l’écoute et le debriefing. Police Secours nous a donné des cours sur les techniques de réanimation, des médecins du CHUV sur le sida et des toxicologues nous ont informé sur les risques des produits existants. »

La Pastorale n’est que l’une des activités bénévoles de Jacqueline (ses divers engagements représentent un total de trente heures par semaine…), mais c’est de loin celle qui lui apporte le plus et où elle s’investit le plus, affectivement aussi. « Là, il s’agit vraiment de se mouiller», commente-t-elle. L’alerte sexagénaire assure notamment la permanence de l’accueil une fois par semaine. Elle distribue les cornets de survie pour 1 ou 2 repas, offre café et tartines. Mais surtout, elle écoute. « Le cornet n’est qu’un prétexte. Ils veulent parler, être entendus. »

Autant de discussions, de confidences et de moments très forts qui ont changé sa manière de voir les choses. « Avant, je pensais qu’il suffisait de leur parler et qu’ils se bougent un peu. Mais à entendre leur histoire, toutes plus terribles les unes que les autres, j’ai mieux compris les enchaînements qui les ont conduit à ça, à la dèche. Pourtant, à chaque fois, je ne peux m’empêcher de penser au gâchis que cela représente. Ils recèlent tous de grandes capacités. Certains parlent plusieurs langues, d’autres ont des dons musicaux… Heureusement, ils ont des périodes où ils vont bien. Mais il y a aussi les décès. A chaque fois, c’est un bout de nous qui s’en va. »

Ces échanges ont aussi modifié sa relation avec les siens : « Cela m’a permis de mieux comprendre mes enfants, d’apprendre à les écouter vraiment, à discuter et à ne plus juger.»