Martin Luther déclenche une querelle de clocher

Martin Luther déclenche une querelle de clocher

La proposition de rebaptiser du nom du réformateur une place d’une localité de 2800 habitants crée des tensions. Certains mettent en avant son héritage tel que l’unification de la langue allemande et d’autres ne voient en lui que le déclencheur d’une rupture dans l’Eglise.

Phot: CC(by-sa) Reise-Line

Par Daniel Staffen-Quandt, Partenstein, EPD/Protestinter

Stephan Amend semble désemparé. «Je ne m’attendais pas à un débat pareil», déclare le maire de la commune de Partenstein, située dans l’arrondissement de Spessart, en Basse-Franconie: «Dans mon esprit, ce n’était qu’une pure formalité». Une grande partie du conseil municipal n’a manifestement pas été de cet avis. En attendant, le sujet fait débat dans toute la commune et entame la communion interreligieuse dans cette localité de 2800 habitants. A l’occasion du jubilé des 500 ans de la Réforme, qui se déroulera en 2017, le conseil de l’Eglise protestante locale a en effet déposé une demande pour baptiser «place Martin Luther» la place principale du village, qui n’a encore jamais eu de nom. Cependant, l’idée est loin de plaire à tout le monde à Partenstein, et la décision a été repoussée.

Michael Nachtrab, le pasteur protestant, ne comprend pas toute cette agitation. Le débat qui s’est déroulé lors du conseil municipal, le dernier lundi de juin, lui a semblé pour le moins «étrange», et serait passé à côté du cœur du sujet. «Je croyais que la polémique confessionnelle autour de Luther appartenait aujourd’hui au passé», déclare-t-il avec une pointe de résignation. Ce n’est pourtant manifestement pas le cas. La traduction de la Bible de Luther, par exemple, a représenté une innovation et un élément fondamental pour la formation de la langue allemande standard. Même à Rome, on trouve aujourd’hui une place Martin Luther.

Les communautés religieuses de Partenstein entretiennent de bons rapports, estime Michael Nachtrab. Depuis 2009, par exemple, on organise tous les deux ans un jeu autour de Luther, tout à fait critique par certains aspects — et depuis le début, le curé catholique y joue à chaque fois un rôle. La place principale se trouve exactement entre la rue et l’église protestante. «Nous avons discuté de cette proposition lors du conseil de l’Eglise locale, puis présenté à la commune une demande tout à fait officielle pour un changement de nom de la place», explique Michael Nachtrab.

Cependant, au lieu d’un débat préalable sur l’idée du conseil de l’Eglise, c’est une prise de décision qui s’est trouvée à l’ordre du jour du conseil municipal. Heiko Steigerwald siège à la fois au conseil de l’Eglise locale et au conseil municipal. «Peut-être a-t-il été peu judicieux de présenter le sujet sous forme de proposition de décision lors de la réunion», reconnait-il. Au final, le conseil a refusé toute initiative autonome sans débat préalable entre les différentes Eglises. Personne ne voulait choquer ses frères catholiques ni donner l’image d’une action furtive. C’est cependant cette impression qu’en ont gardé nombre des catholiques de Partenstein.

Avant la session du conseil, lors des feux de la Saint-Jean, les fidèles de l’Eglise catholique locale ont déjà eu un débat intense sur cette initiative des protestants. Bernhard Albert, curé catholique à Frammerbach et également responsable de l’Eglise locale voisine de Partenstein, peut témoigner du sentiment de défiance des membres de sa communauté. Il n’a cependant pas encore eu l’occasion d’en discuter lui-même avec son collègue Michael Nachtrab ni avec le maire. «Mais en principe, je considère cette exigence de l’Eglise locale protestante comme peu constructive et encore moins judicieuse».

En premier lieu, Luther n’a rien à voir avec la région de Partenstein: «Il ne s’est jamais rendu ici, ni même aux alentours.» D’autre part, Partenstein a une histoire religieuse compliquée. En d’autres termes, dans cette commune anciennement presque exclusivement protestante, catholiques et protestants ne s’entendaient naguère pas particulièrement bien. «Et cette tension était à un niveau bien au-delà de la normale», affirme le curé. Un point de vue que ne partage pas le maire: «Bien sûr, qu’il est arrivé dans le passé que les protestants, par malveillance, déchargent du fumier lors de la Fête-Dieu et que les catholiques passent le jour de pénitence et de prières à nettoyer leurs fenêtres, mais tout ça est loin derrière nous à présent.» Aujourd’hui, alors que Partenstein compte tout juste 46% de protestants et 42% de catholiques, de telles choses ne sont plus d’actualité: «Mais naturellement, de chaque côté, on trouve encore quelques agacements.»

La place du village peut-elle encore recevoir le nom du réformateur d’ici à 2017? Le pasteur Michael Nachtrab l’espère — quant à Stephan Amend, le maire, il préfère s’abstenir de tout pronostic sur le sujet. Et il ignore aussi quand il mettra de nouveau cette question délicate à l’ordre du jour d’une session du conseil: «Il faudrait peut-être auparavant laisser le temps aux esprits de s’apaiser, de tous les côtés.» Toutefois, ce n’est pour le moment pas ce qu’on peut observer. Les premières lettres de lecteurs viennent tout juste de commencer à arriver à la rédaction du journal local.