Les attitudes musulmanes envers les LGBT sont complexes et loin d’être universellement anti-gay.

Les attitudes musulmanes envers les LGBT sont complexes et loin d’être universellement anti-gay.

La tuerie dans une boîte de nuit à Orlando a mis en lumière l’homophobie dans l’islam. Des imams et d’autres personnalités musulmanes s’élèvent pour faire bouger les choses.

Photo: une militante LGBT musulmane à la pride de Toronto en 2012. © RNS/REUTERS/Mark Blinch

, RNS/Protestinter

Comme une poignée d’imams ouvertement gays dans le monde, Daayiee Abdullah a été touché par les paroles des frères musulmans. Aucun bon musulman ne peut être gay, disent ces derniers. Et les écoles traditionnelles de la loi islamique considèrent l’homosexualité comme un péché grave. Mais Daayiee Abdullah, avocat à Washington DC qui a étudié l’islam au Moyen-Orient, affirme que l’enseignement dominant dans l’islam sur les gays doit changer. «Il faudrait que la dureté ou la rigidité de cette ligne d’enseignement disparaisse», explique Daayiee Abdullah. «La façon dont il est actuellement compris, cet enseignement pourrit le cœur et le cerveau se désintègre.»

Les jours qui ont suivi le massacre dans une boîte de nuit gay Orlando, durant lequel un homme musulman a tué 49 personnes, l’attention s’est portée sur l’homophobie chez les musulmans. Et les musulmans gays ont parlé du côté rempli de colère anti-gay des musulmans et également celui de l’islamophobie, qui a augmenté après les attentats Orlando. Les enquêteurs se demandent si Omar Mateen a été partiellement motivée à faire cette tuerie par son incapacité à accepter qu’il était lui-même gay. Le père d’Omar Mateen a dit que son fils a été dégoûté par deux hommes qu’il voyait embrasser quelques jours avant le saccage, et que cela revenait à Dieu de faire face aux homosexuels, et non pas à son fils.

Pourtant, les attitudes envers les personnes LGBT dans les communautés musulmanes sont complexes et loin d’être universellement anti-gay. Certains musulmans, comme Daayiee Abdullah, accueillent ce qu’ils considèrent comme une ouverture au sein de leurs communautés pour faire face aux attitudes anti-gays. Plusieurs groupes de soutien des musulmans homosexuels ont vu le jour aux Etats-Unis au cours des dernières années, y compris «Muslims for Progressive Values» (musulmans pour les valeurs progressistes) et la «Muslim Alliance for Sexual and Gender Diversity» (l’Alliance musulmane pour la diversité sexuelle et de genre).

Et les jeunes musulmans, qui n’ont pas la même approche sur l’homosexualité que leurs aînés, prennent de plus en plus la parole pour soutenir les droits des homosexuels, comme le professeur et écrivain Reza Aslan ou le comédien Hasan Minaj qui a écrit une lettre ouverte aux musulmans américains après la décision de la Cour suprême l’année dernière de légaliser le mariage gay. D’autres pointent vers le Coran et une histoire de tolérance relative.

«En 1858, l’Empire ottoman a décriminalisé l’homosexualité, 100 ans avant que l’Occident le fasse», constate Daayiee Abdullah, se référant à l’empire qui a régné sur la Turquie et une grande partie de l’actuel Moyen-Orient dans les XVe et XVIe siècles et dont sa religion officielle était l’islam. Mais Daayiee Abdullah ne se fait pas d’illusions sur la force de l’homophobie au sein des cultures musulmanes modernes. Aux Etats-Unis, une étude de 2014, faite par Pew Research Center montre que les musulmans américains acceptent moins l’homosexualité que les Américains dans leur ensemble: 47% des musulmans américains déclarent que l’homosexualité devrait être découragé, alors que 45% pensent qu’elle devrait être acceptée. Mais les musulmans ne sont pas le groupe religieux qui a été le plus réprobateur: les chrétiens évangéliques, les témoins de Jéhovah et les mormons s’opposent plus radicalement à l'homosexualité.

A l'étranger, l'image est plus saisissante. En 2013, une étude mondiale de Pew sur les musulmans a montré l’écrasante désapprobation de l'homosexualité. Dans seulement trois pays sur des près de 40 étudiés, un musulman sur 10 déclare que l'homosexualité est moralement acceptable: l'Ouganda (12 pour cent), le Mozambique (11 pour cent) et le Bangladesh (10 pour cent). Et la quasi-totalité des 10 pays qui autorisent la peine de mort pour les personnes qui ont des relations sexuelles avec des partenaires de mêmes sexes sont des nations à majorité musulmane. Le président de l'un de ces pays, l'Iran, a nié que les homosexuels existent dans son pays. «En Iran, nous ne n'avons pas des homosexuels comme dans votre pays», a déclaré le président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l’université Columbia en 2007. «Je ne sais pas qui vous a dit que nous en avions.»

La capitale gay du Moyen-Orient se trouve en Israël. Tel-Aviv s'annonce comme une destination dynamique sûre pour les touristes LGBT, et attire les gays des territoires palestiniens et d'autres sociétés où il est impensable d'être ouvertement gay. Mais même en Israël, une adolescente juive est morte après qu’un juif ultra-orthodoxe l’a poignardée l'année dernière à Gay pride de Jérusalem.

Alors que les pays musulmans comme l'Iran et l'Arabie Saoudite ont légiféré sur des châtiments violents pour les gays, il n'y a pas de lois en soi contre les homosexuels en Jordanie et au Liban. Vous pouvez trouver des bars gay-friendly à Beyrouth, Amman et Istanbul. Et parce que la socialisation entre les hommes et les femmes célibataires est inacceptable ans la société musulmane conservatrice, les rassemblements sociaux de personnes du même sexe sont la norme, et peuvent présenter des opportunités pour les homosexuels explique Daayiee Abdullah. Cela ne signifie pas que les gays ne souffrent pas de passages à tabac, voire pire dans ces pays un peu plus tolérants. Mais même dans des endroits comme l'Egypte, où le gouvernement a emprisonné et torturé ses citoyens gays, certaines personnes LGBT se coordonnent afin d'améliorer leur situation.

Ces musulmans qui rejettent les relations homosexuelles pointent souvent les écrits sacrés, comme c’est le cas avec les chrétiens. Par exemple, Daayiee Abdullah a souvent entendu, par des musulmans de l'histoire de Lut dans le Coran (comparable à l'histoire de Lot dans la Bible) pour faire valoir que l'islam condamne les hommes qui aiment les hommes. Comme beaucoup d'autres musulmans gays, l’imam lit les mêmes versets et vient à une conclusion différente: que l'histoire condamne la cruauté, et non pas un acte sexuel particulier.Dans le Coran, Daayiee Abdullah ne trouve rien à condamner son orientation sexuelle. Le mot «homosexualité» n'est pas utilisé dans le texte, note-t-il. «Le Prophète n'a subi aucun préjudice.»

Recourir au Coran ou aux écrits sacrés de toute religion pour expliquer des positions morales actuelles a également peu de sens, déclare Aisha Geissinger, qui enseigne l'islam à l'Université Carleton d'Ottawa. «De nos jours, personne ne forge la totalité de sa morale à partir d'un texte ancien. Les chrétiens ne le font pas. Les musulmans ne le font pas», dit Aisha Geissinger. «Sinon, nous aurions l'esclavage.» Et comme Daayiee Abdullah, elle donne un exemple de l'histoire qui contrecarre l'idée que les sociétés musulmanes sont monolithiques et ont toujours été hostiles aux désirs des personnes du sexe.

Dans «Avant l'homosexualité dans le monde arabo-islamique, 1500-1800», l'auteur Khaled El-Rouayheb souligne qu'une grande partie de la poésie dans le monde arabe avant le XIXe siècle a été écrite par les hommes pour un homme bien-aimé, ou une personne dont le sexe est ambigu. «Il est difficile d'imaginer que ce type de poésie, qui était très populaire, ne reflétait pas quelque chose sur ce que les gens voient comme normatif», déclare Aisha Geissinger.