Allemagne: projet d’impôt pour les musulmans afin de combattre la radicalisation

Allemagne: projet d’impôt pour les musulmans afin de combattre la radicalisation

En Allemagne, certains politiciens voient dans la taxation des musulmans une stratégie pour les empêcher de se radicaliser.

Photo: La mosquée centrale DITIB à Cologne ©CEphoto, Uwe Aranas via Wikimedias

RNS/Protestinter

Comment limiter l’influence des pays musulmans qui financent les mosquées et fournissent des imams nés à l’étranger pour les congrégations européennes? Beaucoup de ces imams ne parlent pas l’allemand, le français ou d’autres langues européennes, et leurs prédications peuvent être traditionnelles, conservatrices ou radicalement anti-occidentales. Par une taxe analogue à l’impôt ecclésiastique, propose Alexander Radwan. Ce catholique de 51 ans est membre du parlement allemand sous les couleurs de la CSU.

Issu d’une famille chrétienne d’Egypte, ses contacts personnels avec le monde arabe, lui semble suffisant pour faire de lui l’un des rares hommes politiques de la CSU qui soit familier avec l’islam. Dans l’échiquier politique allemand, la CSU —Union chrétienne sociale — est le dernier groupe sur l’aile droite avant le parti d’extrême droite «Alternative pour l’Allemagne». Lors de sa dernière convention nationale, qui a eu lieu début mai, le CSU a approuvé un programme précisant que «l’islam ne fait pas partie de l’Allemagne» et a appelé à une interdiction des minarets et du voile intégral. Le numéro deux de la CSU, Andreas Scheuer, propose que Berlin interdise tous les financements étrangers pour les mosquées en Allemagne, comme l’Autriche voisine l’a fait l’année dernière.

Un financement local pour les mosquées

Alexander Radwan objecte que l’Etat ne peut pas empêcher ces financements des mosquées, sans une source fiable de fonds. Les croyants contribuent à leurs mosquées, mais beaucoup de musulmans en Europe ne sont pas riches et de nombreuses congrégations peinent à joindre les deux bouts. «Les imams étrangers financés en Allemagne ne devraient pas prêcher contre nos valeurs fondamentales», déclare Alexander Radwan. «C’est ce qui se passe dans certaines mosquées, et en Allemagne on a souvent été trop naïf à ce sujet.» Mais une interdiction de financement simple ne sera pas suffisante, confie-t-il au quotidien munichois Süddeutsche Zeitung.

«Si nous nous arrêtons tous les financements de l’étranger, nous devons naturellement faire en sorte que les musulmans obtiennent des financements suffisants ici.» Les catholiques et protestants ont leur propre «impôt ecclésiastique» pour financer leurs congrégations, soutient-il, alors pourquoi pas une «taxe sur la mosquée» pour les musulmans?

Les autorités fiscales redistribuent aux Eglises des sommes, qui tournent autour de 2000 euros par contribuable. La création d’une taxe sur la mosquée pour les 4 millions de musulmans, qui représentent environ 5% de la population, apporterait une large base de contributions permettant de remplacer les fonds étrangers. Les associations de mosquées devront être enregistrées comme des institutions religieuses, comme les religions qui utilisent déjà ce système fiscal. Jusqu’à présent, seuls deux petits groupes musulmans dans les Lands de Hesse et Hambourg ont une telle reconnaissance officielle.

Diminuer l’influence de la Turquie et du Golfe

Cette proposition serait un revers pour le réseau de la mosquée de Turquie en Allemagne, appelé DITIB, qui gère environ 900 mosquées et emploie 970 imams turcs formés et qui ne parlent pas tous allemand. Le chef de DITIB est le ministère des Affaires religieuses à Ankara, qui est sous le contrôle du président de plus en plus autocratique de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier compte sur les électeurs turcs de l’étranger, qui font partie du bloc d’électeurs important pour son parti AKP.

Cem Özdemir, Allemand d’origine turque et chef de file du parti écologique «les Verts», appelle les mosquées turques en Allemagne «le bras long d’Erdogan». Ce dernier travaillerait de plus en plus à maintenir son soutien dans la diaspora turque. Le secrétaire général du DITIB, Bekir Alboga, a catégoriquement rejeté la proposition de taxe sur la mosquée. Ce projet réduirait également l’influence du Golfe pour les mosquées de langue arabe, qui sont petites, mais croissantes, et sont adeptes de la ligne dure du mouvement salafiste.

Cette proposition a également gagné un certain soutien en dehors de la CSU. Raed Saleh, un politicien allemand du Parti social-démocrate d’Allemagne, né en Palestine, déclare qu’une taxe sur la mosquée est nécessaire pour réduire au minimum l’influence étrangère. La Congrégation turque indépendante en Allemagne a également salué l’idée d’Alexander Radwan. «C’est une nouvelle façon de financer les travaux religieux», déclare son président, Geekay Sofuoglu. «Mais nous devons d’abord comprendre qui paie», poursuit-il, en pointant ainsi un problème majeur du projet.

Impossible de quitter l’islam

Les chrétiens paient l’impôt ecclésiastique s’ils sont enregistrés en tant que baptisés, mais ils peuvent arrêter de payer en sortant officiellement de leur Eglise. Il leur suffit d’écrire une déclaration à leur autorité fiscale locale. Mais il n’y a pas de façon officielle de quitter l’islam si l’on est né dans une famille musulmane ou converti à la foi. Il y a beaucoup de gens qui arrêtent de pratiquer ou ne vont plus à la mosquée, sauf pour des événements occasionnels, mais très peu se déclarent athées ou agnostiques.

Les musulmans qui renoncent publiquement à l’islam sont considérés dans certains pays islamiques comme des apostats qui méritent la peine de mort. L’Allemagne pourrait difficilement imposer une taxe sur la mosquée à des musulmans qui risquent la peine de mort s’ils veulent éviter de la payer. Il serait également difficile pour l’Allemagne d’interdire tous les fonds étrangers dans le pays tandis que ses propres Eglises envoient de l’argent aux communautés chrétiennes menacées dans le Moyen-Orient. Pourtant, Geekay Sofuoglu est prêt à discuter de l’idée. Trouver un moyen de reconnaître l’islam, même au prix d’une taxe pour aider financièrement les mosquées, déclare-t-il, «serait un travail de pionnier».