A l’écoute des jeunes gays

A l’écoute des jeunes gays

Au sein de l’Eglise protestante de Genève, les jeunes homosexuels peuvent désormais trouver un espace d’écoute et de partage en toute confiance
Genèse de ce laboratoire.

Photo: © Gérard Jaton

(Bonne Nouvelle)

C’est presque un deuxième coming-out auquel Adrian Stiefel fait face. En toute transparence, il parle aujourd’hui de sa foi, qui l’a amené à ouvrir une antenne LGBT (lesbien, gay, bi et transsexuel) au sein de @LeLAB de l’Eglise protestante de Genève (EPG). «Tout le monde doit pouvoir exprimer sa foi, quel que soit son genre ou sa confession, dit-il. Mon combat ici n’est ni politique ni théologique. Je le fais parce que dans ma jeunesse j’ai manqué d’avoir ce cadre dans lequel j’aurais pu partager librement sans être jugé.» Le lancement de @LeLAB, validé par le Consistoire exécutif, l’incite à présenter son initiative à Carolina Costa, pasteur et cofondatrice du lieu avec Nicolas Lüthi. «Notre slogan est ‹Make your church›, souligne-t-elle. Le lieu s’adresse aux jeunes, ceux qui construisent l’Eglise de demain. Nous avons alors accueilli son projet d’antenne LGBT avec enthousiasme.» Avoir l’aval de l’EPG n’a posé aucune difficulté dans la mesure où «elle nous donne carte blanche pour développer des projets dans le cadre de ce laboratoire».

De très jeunes participants en quête de sens

Concrètement, cette antenne organise des rencontres durant lesquelles les participants partagent sur des thématiques qui les touchent en se basant sur des passages des Ecritures. «Par exemple, nous sommes partis d’un texte des Corinthiens sur l’amour et nous avons échangé sur ce que cela représente pour chacun de nous, ce que ça veut dire d’apprendre à aimer, Dieu, soi-même, l’autre et apprendre à se laisser aimer», raconte Adrian Stiefel. Les plus jeunes participants ont 18 ans et certains viennent d’autres cantons. «De nombreux jeunes ont la foi, mais ne trouvent pas forcément les lieux adéquats pour la développer et la vivre, constate Carolina Costa. Nous construisons cet endroit avec eux, pas à pas, dans la confiance. Le rendez-vous fixe est important, qu’il y ait trois ou quinze personnes présentes.» Adrian Stiefel acquiesce humblement: «Même s’il n’y avait eu qu’une personne, mon objectif aurait été atteint.» A l’aube de ses quarante ans, le spécialiste en communication s’identifie à ces jeunes. Elevé dans un milieu évangélique qui fonde son enseignement sur une lecture littérale des Ecritures, il a lui-même souffert d’un manque d’écoute, de la confrontation à laquelle il a dû faire face entre sa foi et son identité. «Je n’ai jamais perdu la foi, mais durant plus de dix ans j’ai dû déconstruire les enseignements dogmatiques que j’avais reçus pour parvenir à retrouver une virginité dans l’essence de ma spiritualité. Aujourd’hui, je sais qui je suis et j’aimerais aider d’autres jeunes à s’affirmer dans leur identité. Il y a encore un problème de l’acceptation de l’homosexualité par les Eglises. Il y a un fossé entre le fait de ne pas condamner quelqu’un et le fait de l’accueillir et de le soutenir.

La foi chrétienne est mon langage et j’admire le cheminement de Jésus, car c’est l’exemple d’un homme qui a su aller jusqu’au bout de lui-même, qui a su mettre en pratique ce concept d’amour inconditionnel et d’acceptation et de non-jugement de l’autre.» Un exemple pour Vaud? Une telle antenne serait-elle un encouragement à la célébration des couples homosexuels à Genève, voire à l’acceptation du mariage pour tous? «Mon but est avant tout d’apporter le soutien et l’écoute que je n’ai pas eus. S’il en écoule une avancée dans les droits LGBT, je serai prêt à les défendre.» Pour Adrian Stiefel, tout arrive au bon moment. Sur Vaud, il n’y a pas d’offre officielle de la part de l’Eglise. Et pourtant, «il y a un énorme besoin au niveau de l’identité des jeunes», constate Jacques Wenger, diacre à Yverdon et désormais référent pour des associations actives en entreprise (Network et LWork). «J’aimerais qu’on arrive à mettre quelque chose en place», ajoute Sylvie Dépraz, diacre à Bussigny. Il y a une grande solitude chez les jeunes, qui ne savent à qui s’adresser que par bouche-à-oreille.» Si son initiative trouve un écho dans d’autres cantons, Adrian Stiefel se dit prêt à s’investir. «Dans un monde idéal, cette antenne n’aurait aucune raison d’être, car elle est par définition exclusive et moi, je prêche l’inclusion. Je ne suis pas dans un combat pour l’homosexualité, je suis dans un combat pour l’acceptation de l’autre, tel qu’il est.»