«Aujourd’hui l’Etat dialogue avec les communautés religieuses»

«Aujourd’hui l’Etat dialogue avec les communautés religieuses»

Protestinfo laisse régulièrement carte blanche à des personnalités.

La conseillère d’Etat vaudoise Béatrice Métraux a accepté de nous transmettre le texte du discours qu’elle a prononcé* lors de la soirée commémorant la fusion, il y a 50 ans, de l’Eglise nationale et de l’Eglise libre.

Photo: CC(by-sa) Ludovic Péron

Je suis honorée d’être parmi vous ce soir, et fière de vous apporter le message du Conseil d’Etat. Nous sommes ici pour célébrer une réconciliation. Je souhaiterais donc commencer cette allocution en évoquant brièvement les raisons de la division de 1845. Une rupture qui a pour origine l’incompatibilité entre deux manières de concevoir les rapports entre religieux et politique.

Pour reprendre les termes de Jean-Pierre Bastian, tels que publiés dans le magazine «Passé Simple» de septembre 2015, il y avait deux modèles de relations entre religieux et politique: «Le premier était fait de soumission pour mieux assurer l’encadrement de la spiritualité au service du peuple. Le second se caractérisait par la séparation dans le but de la régénération individuelle et sociale.»

Car l’Eglise et la société vaudoise de la première moitié du XIXe siècle, époque marquée par une forte religiosité, étaient bien différentes de celles d’aujourd’hui. Les temps n’étaient vraiment pas à la tolérance, et ceux qui s’inscrivaient dans les mouvements dits «du réveil» étaient persécutés. L’arrivée au pouvoir des radicaux en 1845, et leur volonté d’assujettir l’Eglise à l’Etat, envenima encore un climat déjà tendu.

C’est l’ordre donné par le gouvernement aux pasteurs de lire en chaire, dimanche 3 août 1845, une circulaire recommandant d’approuver la nouvelle Constitution soumise au vote, qui mit le feu aux poudres. Imaginerait-on aujourd’hui le Conseil d’Etat ordonner, ou tout simplement demander aux pasteurs de plaider auprès de leurs fidèles en faveur de son projet de réforme de la fiscalité des entreprises? Bien sûr que non, et cela est bien mieux ainsi!

Car 170 ans après la rupture de 1845, et 50 ans après la réunification, les rapports entre Etat et Eglises ont profondément évolué. Aujourd’hui, à une époque marquée par la pluralité religieuse et le détachement croissant d’une partie de la population envers la spiritualité traditionnelle, ces relations sont construites sur des bases de respect, de collaboration et d’indépendance.

Des bases inscrites dans notre constitution cantonale de 2003, qui dans ses articles 169 et suivants rappelle la dimension spirituelle de la personne humaine, l’importance du religieux dans notre société et définit les relations entre Etat et communautés religieuses. Aujourd’hui, l’Etat dialogue avec les communautés religieuses reconnues, il leur confie des missions au service de tous et participe au financement de leurs activités. Cela en respectant leur totale indépendance. Cette manière de faire doit rassurer les anciens libristes, car elle correspond au fond à leurs aspirations d’antan.

S’il est une chose qui a toujours uni Eglise libre et Eglise nationale, outre bien entendu les fondements théologiques, c’est l’action philanthropique en faveur de la collectivité. J’ai fait quelques recherches et ai découvert que dans mon village de Bottens, où existait une petite communauté libriste, ces derniers ont été à l’origine par exemple d’une bibliothèque, de diverses activités culturelles, ou encore de la fondation d’une antenne de la Croix bleue. Des initiatives prises, ailleurs dans le canton, par l’Eglise nationale.

Cette action, l’EERV en est aujourd’hui l’héritière, et l’Etat est pleinement conscient de ce rôle important en faveur de la cohésion sociale. Je pense bien entendu aux aides concrètes et matérielles fournies aux migrants et aux membres les plus démunis et précarisés de notre société, tout comme au travail remarquable des aumôniers dans les prisons, les EMS ou les hôpitaux. En charge des prisons, je peux attester de la présence indispensable des aumôniers dans les établissements pénitentiaires.

Je pense surtout au message spirituel de confiance et de délivrance qui est celui du Nouveau Testament, et que les pasteurs, les aumôniers, les diacres, mais aussi les croyants et fidèles amènent au quotidien à celles et ceux qui souffrent et qui ont perdu espoir. Ce message spirituel l’Etat ne peut et ne pourra jamais le délivrer. C’est pour cela que si l’on devait choisir un seul mot pour définir les relations actuelles entre Etat et Eglises, ce serait probablement «complémentarité».

Nous célébrons ce soir la réunification de la communauté réformée vaudoise en une seule entité, mais aussi la réconciliation entre l’entier de la communauté des croyants réformés et l’Etat. Il faut apprécier ce moment.

Cette histoire, c’est aussi celle de notre canton, et il me semble indispensable d’entretenir sa mémoire et de la rendre accessible au plus grand nombre. Je me réjouis d’ailleurs d’avance d’écouter les propos de Jean-Pierre Bastian.

L’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) a joué un rôle majeur dans la société vaudoise ces 50 dernières années, et nul doute qu’elle continuera à œuvrer avec le même enthousiasme et la même efficacité au service de l’ensemble de la population de ce canton.

Je suis personnellement convaincue que les Eglises ont plus que jamais leur place dans une société qui s’interroge sans cesse sur ses valeurs et ses points d’attache. En effet, le message de respect et de partage qui est celui du christianisme doit pouvoir représenter une source d’inspiration pour l’ensemble des vaudoises et des vaudois.

Alors merci pour votre travail, votre présence et votre engagement en faveur de notre communauté vaudoise.

Je n’aurai qu’une conclusion: faisons Eglise ensemble.

* Seules les paroles prononcées font foi. Cette soirée a eu lieu le 15 mars passé à l’Espace culturel des Terreaux.