Politique de droits humains dans les entreprises suisses: un désintérêt qui préoccupe Pain pour le prochain

Politique de droits humains dans les entreprises suisses: un désintérêt qui préoccupe Pain pour le prochain

Droits humains et écologie préoccupent moins les entreprises que le blanchiment d’argent, la concurrence ou le respect de la libre concurrence. C’est ce qui ressort d’une étude menée par les ONG Pain pour le prochain et Action de carême sur la communication des principales entreprises suisses au sujet de leurs normes éthiques. EconomieSuisse conteste la méthodologie de l’étude.

Image: Affiche de la Campagne œcuménique 2016, DR

Quelle proportion des entreprises suisses disposent-elles d’une politique de droits humains qui s’applique également à leurs filiales et fournisseurs? Pour y répondre, Pain pour le prochain et Action de carême ont mené une étude auprès des 200 plus grandes entreprises de Suisse, cotées ou non en bourse. Partant du principe qu’une telle démarche nécessite de communiquer, les deux ONG ont testé la présence d’un certain nombre de mots clés sur les sites des entreprises.

Cette recherche permet d’établir que 61,5% des entreprises analysées ne communiquent aucune information quant à leur politique de droits humains. 27,5% disposent d’un code de conduite qui s’applique également à leurs principaux fournisseurs, et seulement 11% font clairement référence aux principes directeurs édictés par l’Organisation des Nations Unies. Les entreprises qui ne sont pas cotées en bourse sont particulièrement mauvais élèves, puisque dans ce cas, ce dernier chiffre descend à 3%. Des résultats qualifiés de «préoccupants» par les deux ONG dans leur rapport.

«Les enjeux en matière des respects des droits humains sont moins élevés dans la hiérarchie des politiques internes des firmes que le devoir de diligence relatif au blanchiment d’argent, à la corruption ou aux questions de concurrence», constatent Pain pour le prochain et Action de carême. Les organisations concluent qu’«imposer un cadre juridiquement contraignant aux entreprises est indispensable, car les mesures volontaires en matière de droits humains ne suffisent pas.»

«Peut-être qu’il n’est pas spécifiquement fait mention des principes directeurs de l’ONU dans les rapports annuels, mais substantiellement les entreprises suisses prennent au sérieux les droits humains. D’ailleurs, de nombreuses entreprises rédigent leur rapport selon les normes du GRI, Global Reporting Initiative, et on ne peut pas faire cela sans prendre au sérieux les questions de respects de droits humains», rétorque Thomas Pletscher, membre de la direction d’EconomieSuisse. «Swissholdings a mené une étude qui a montré, au contraire, que les entreprises suisses avaient mené beaucoup d’actions concrètes pour améliorer le respect des droits humains, en Suisse comme à l’étranger. Pour nous, l’étude de Pain pour le prochain et Action de carême n’est pas très objective: elle est utilisée dans la cadre de la récolte de signatures pour l’initiative “multinationales responsables”»

Il est vrai que la question de la responsabilité des entreprises était au cœur de la dernière campagne œcuménique et que les deux font partie de la coalition d’associations qui a lancé cette initiative qui demande des règles contraignantes pour que les entreprises respectent les droits humains et l’environnement, non seulement en Suisse mais également dans leurs activités à l’étranger.

«Les défis sont grands en la matière pour les entreprises suisses, nous le reconnaissons», répond Thomas Pletscher. «Mais nous pensons que passer par la voie juridique serait contre-productif. D’une part, pour gérer le risque juridique les grandes entreprises seraient forcées d’acquérir leurs fournisseurs plutôt que de s’appuyer sur un réseau de petites et moyennes entreprises. D’autre part, le rôle des juristes, dans une entreprise, est de minimiser les risques. Cela ferme la porte à toute sorte de solutions et de compromis. C’est pourquoi nous privilégions l’amélioration des politiques d’entreprises pour trouver des solutions plutôt que de recourir aux avocats.»