Lytta Basset: «La joie peut venir au milieu de circonstances de vie très douloureuses»

Lytta Basset: «La joie peut venir au milieu de circonstances de vie très douloureuses»

Dans son dernier livre, «Vivre, malgré tout», Lytta Basset, professeure honoraire de théologie pratique de l’Université de Neuchâtel, explique que la vie mérite d’être vécue
Mais ce choix nécessite un travail sur soi-même.

Photo: Lytta Basset © Pascal Deloche

Le dernier ouvrage de Lytta Basset est composé d’une série de sept textes, sur le suicide, le choix de vivre, le risque de faire confiance, la langue de bois, la parole de vérité, la capacité de devenir auteur de sa vie, la fécondité de l’affectivité pour la vie spirituelle. Ils ont été écrits sur une période de près de 10 ans. Tous ont été publiés dans la revue internationale de théologie et spiritualité La Chair et le Souffle. Interview.

Dans Vivre, malgré tout, quand tout semble aller de travers, vous écrivez que la «vie est à ce point imprévisible que quelque chose de l’ordre du bon peut toujours survenir», quelles sont vos expériences où la vie est imprévisible?

Après le suicide de Samuel, notre fils, j’ai longtemps cru qu’à vues humaines, je ne pourrais plus être heureuse. Mais la vie me surprend tout le temps… Ce sont des pépites de bonheur, de joie qui tout à coup arrivent alors que le contexte a l’air complètement bouché. Dans le titre, Vivre, malgré tout, «vivre» signifie: je prends la décision de me lever, même si je suis désespérée. Et je décide de faire les gestes nécessaires pour entretenir la vie, ce jour-là. Et il se passe quelque chose. C’est cela le côté totalement imprévisible de la vie. La virgule après le verbe «vivre» est importante parce qu’elle donne plus de poids à la décision de s’ouvrir à ce qui vient des autres et du Tout Autre.

Il y a donc des périodes de la vie où se lever chaque matin demande une certaine persévérance. Où trouvez-vous cette force de continuer?

La persévérance, c’est pour moi continuer à aller où je sens que ça m’appelle, où je sens qu’il y a quelque chose de l’ordre de la vie et qui cherche à se donner à d’autres personnes à travers moi. Persévérer c’est, quels que soient mes états d’âme, aller vers ces autres qui sans cesse me mobilisent. Jésus parle de la moisson qui est abondante (Matthieu 9, 35-38), c’est un peu cela que je ressens. Dans ce passage, je crois que la moisson est cette demande spirituelle des gens qui est arrivée à maturité, mais Jésus ajoute qu’il y a peu d’ouvriers pour s’en occuper. Et je vois cela tous les jours. Il y a une demande énorme de la société, de nos contemporains, des personnes avec lesquelles nous vivons, et cela me pousse à persévérer.

Actuellement, la moisson est-elle encore et toujours abondante?

Oui, plus les années passent, plus je constate ce besoin d’accompagnement. Aujourd’hui, beaucoup d’ecclésiastiques ne sont pas assez préparés à être des accompagnants spirituels. Ils ont longtemps laissé la place aux psys. Mais beaucoup de personnes cherchent désormais aussi un accompagnement spirituel. Ce qui me frappe c’est que je reçois de plus en plus d’hommes… et de jeunes. La demande grandit d’autant plus que les personnes ne trouvent plus tellement dans les Eglises traditionnelles ce qu’elles cherchent.

En lisant votre livre, on a l’impression que vous vous livrez…

Oui surtout dans l’avant propos. J’ai trouvé que c’était intéressant, du moment que ces textes devenaient un livre, que les lecteurs puissent voir que ces thèmes étaient très existentiels pour moi. Par exemple, je n’aurais pas écrit sur le suicide si je n’avais pas été moi-même concernée. Souvent, on dit ou on écrit de très belles choses, mais dans le domaine spirituel, il me paraît indispensable de s’impliquer personnellement, sinon on en reste à la théorie. J’ai une écriture plus libre qu’avant, parce que je ne suis plus dans l’institution universitaire. Je peux m’impliquer davantage.

De quelles façons vous engagez-vous plus personnellement?

Je m’aperçois que nos contemporains en ont assez des discours théoriques. Avec internet, tout ce qu’on veut savoir, on peut le trouver. Par contre, ce que les personnes cherchent c’est le lien entre ce que nous disons, le fruit de notre réflexion et notre existence. Dans tous les livres que j’ai publiés, l’ancrage de ce que je disais était existentiel. Mais maintenant, je deviens de plus en plus explicite. Je constate que les lecteurs se sentent rejoints dans leur propre existence, et ils s’ouvrent au Souffle de libération qui traverse les évangiles.

Formation

Parallèlement à son travail d’écriture, à ses conférences et ses accompagnements spirituels, Lytta Basset a lancé avec d’autres personnes l’Association pour l’Accompagnement SPIRituel (AASPIR), qui permet aux participants (quel que soit leur cadre professionnel) d’acquérir les outils de base de l’accompagnement spirituel et de se perfectionner en formation continue. La prochaine formation de base démarrera en septembre 2016 à Crêt-Bérard.