Les Américains d’origine japonaise soutiennent les musulmans

Les Américains d’origine japonaise soutiennent les musulmans

Alors que de plus en plus de musulmans sont victimes de discrimination, à la suite des récentes attaques du groupe Etat islamique, les associations américano-japonaises leur offrent leur soutien

Photo: Traci Ishigo et Sahar Pirzada lors de la veillée à Little Tokyo © Megan Sweas

(RNS/Protestinter)

Los Angeles – Après le 11 septembre 2001, Kathy Masaoka a entendu une femme musulmane, à la radio, qui décrivait son hésitation à aller au supermarché, par peur de se faire attaquer. «Cela cristallise pour moi, actuellement, ce que mes parents et ma famille ont dû ressentir après Pearl Harbor».

La famille de Kathy Masaoka est américaine d’origine japonaise. Son père, qui était un jeune homme pendant la Seconde Guerre mondiale, a été enrôlé dans le Service de renseignement militaire, alors ses parents et le reste de la fratrie ont été envoyés dans le camp d’internement de Manzanar, en Californie, dans le désert de la Sierra Nevada. Ils ont perdu leur entreprise familiale à Los Angeles.

Kathy Masaoka est coprésidente de Nikkei for Civil Rights and Redress (NCRR), à Los Angeles, une organisation qui a permis à plus de 80'000 personnes internées en 1998 à recevoir des excuses présidentielles et bénéficier de 20'000 dollars de dédommagement. Cette expérience a enseigné aux Américains d’origine japonaise les avantages du partenariat entre communautés.

Les communautés doivent s’unir

«Nous ne pouvions pas obtenir de réparation sans nous unir avec d’autres», a expliqué Kathy Masaoka. Après les attaques terroristes à San Bernardino et à Paris, les responsables de la NCRR alliés à d’autres organisations américano-japonaises ont contacté des groupes musulmans pour leur offrir leur aide. Ils font ainsi partie de plusieurs organisations citoyennes qui ont témoigné de la solidarité envers les Américains musulmans.

Mi-décembre, des centaines de personnes ont défilé dans le centre historique, Little Tokyo, à Los Angeles et ont organisé une veillée aux chandelles condamnant l’islamophobie, en chantant: «nous surmonterons». Elles ont marché jusqu’au Musée national américano-japonais, construit sur le site de l’ancien temple bouddhiste Nishi Hongwanji, où les biens de certaines familles envoyées dans les camps avaient été stockés.

Les organisations musulmanes ont relaté un niveau de discriminations et de violence sans précédent envers les membres de leur communauté depuis les récentes attaques à paris et à San Bernardino. Haroon Manjlai, du Conseil sur les relations américano-japonaises (CAIR) de Los Angeles, a déclaré que le nombre d’incidents haineux était passé de quatre par mois à 37 depuis le début du mois de décembre.

Des réfugiés syriens rejetés

Le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, a appelé à une interdiction temporaire pour les musulmans d’entrer aux Etats-Unis. Il a ajouté qu’il aurait probablement soutenu les internements effectués pendant la Seconde Guerre mondiale. Désormais, plus de la moitié des gouverneurs du pays ont déclaré que les frontières de leurs états étaient fermées aux réfugiés syriens.

Bien qu’aucune personnalité politique ne propose d’internement actuellement, les responsables musulmans sont profondément préoccupés par les discours de certains politiciens et apprécient réellement le soutien des groupes américano-japonais. «J’ai beaucoup d’estime pour la communauté américano-japonaise», a déclaré Salam Al-Marayati, le président du Conseil des affaires publiques musulmanes, lors de la veillée. «Je me souviens du 11 septembre… cette communauté nous a défendus pour empêcher d’autres internements forcés de se produire aux Etats-Unis».

Après les attaques de 2001, la NCRR a organisé une veillée avec les musulmans locaux. C’est la première fois que les responsables des deux communautés se réunissaient. Un temple bouddhiste a également organisé l’iftar, le repas qui est pris par les musulmans au coucher du soleil pendant le jeûne du mois de ramadan. Les dirigeants américains musulmans ont assisté à la journée de commémoration des internements et ont également participé à des pèlerinages au camp de Manzanar.

Se rappeler du passé

«C’était lors d’un de ces pèlerinages qu’une personne du CAIR a suggéré d’amener les étudiants en classe secondaire au camp de Manzanar», a expliqué Kathy Masaoka. Cette idée s’est transformée en un programme, appelé «les communautés reliées», permettant aux jeunes Américains musulmans et d’origine japonaise de découvrir leurs racines et d’étudier les droits civils ensemble. Ce programme s’est également développé à Seattle, à San Francisco, à Sacramento et dans d’autres villes.

«Le but est de nommer des responsables au sein des communautés qui condamneront le gouvernement», a expliqué Traci Ishigo, coordinatrice à la Ligue pour les citoyens américano-japonais. Megan Ono a fait partie des premières participantes au programme. Lors de la veillée à Little Tokyo, elle a fait une offrande d’encens puis s’est dirigée vers un petit groupe de musulmans pour les soutenir dans leur prière du soir. «Avec ce que mes grands-parents ont vécu dans les camps d’internement, je sens qu’il est de ma responsabilité en tant qu’Américaine d’origine japonaise que cela ne se reproduise jamais, à aucune communauté».