L’Eglise évangélique réformée vaudoise fête ses 50 ans en 2016

L’Eglise évangélique réformée vaudoise fête ses 50 ans en 2016

Le 1er janvier 1966 sont entrées en vigueur les modifications de la Constitution et de la loi ecclésiastique qui ont permis de réunir l’Eglise libre et l’Eglise nationale, dans le canton de Vaud
Issue de cette fusion, l’Eglise évangélique réformée vaudoise célèbre ses 50 ans d’existence, en 2016.

Photo: La Cathédrale de Lausanne © AUJ/celebrer.ch

«La loi qui a permis l’unification de l’Eglise libre et de l’Eglise nationale est entrée en vigueur le 1er janvier 1966, mais d’un point de vue confessionnel, c’est lors d’un synode constituant, suivi d’un culte solennel, qui s’est déroulé le 15 mars de la même année dans la Cathédrale de Lausanne, que l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) est née», explique Jean-Pierre Bastian, professeur émérite de sociologie des religions à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg. Dans un ouvrage sur la fracture religieuse vaudoise entre 1847 et 1966, qui sera publié le 16 mars prochain, cet historien et sociologue originaire de Lutry (VD) explique ce qui a mené à la scission du protestantisme vaudois.

«La fracture a été précédée d’une rupture politico-religieuse, liée à la Révolution radicale de février 1845. Peu après, le 3 août, le pouvoir en place a ordonné aux pasteurs de lire en chaire un texte recommandant l’adoption de la nouvelle Constitution radicale», raconte Jean-Pierre Bastian. Cette injonction a engendré la démission des deux tiers des 225 pasteurs de l’église nationale vaudoise. «Ainsi s’est dessinée la fracture entre deux manières de comprendre les rapports entre religion et société. Et en 1847, est née l’Eglise libre, dont la base politique a été le parti libéral et la base sociale constituée principalement de l’élite sociale et pastorale vaudoise».

Alexandre Vinet, inspirateur de l’Eglise libre

La pensée du théologien et philosophe vaudois, Alexandre Vinet, décédé le 4 mai 1847, a été cruciale pour la création de cette Eglise. Pour lui, explique Jean-Pierre Bastian, «il n’y a pas de foi véritable sans une séparation entre l’Eglise et l’Etat, car on ne naît pas chrétien, on le devient par régénération et ceci implique la liberté de conscience que seule la séparation peut garantir». Mais contrairement à leurs attentes, les libristes n’ont pas été suivis par les fidèles et ils sont restés une minorité religieuse active. «Dans une société encore rurale et fortement intégrées, le Réveil religieux apparaissait comme une option individualiste que les communautés rurales voyaient comme une menace qui risquait de briser l’unité coutumière des villages. Ce pourquoi, les libristes ont été violemment persécutés».

Toutefois, l’Eglise libre a perduré pendant près de 120 ans. «Elle s’est constituée comme un milieu à fortes convictions et ses membres se percevaient comme une élite religieuse», relève encore le professeur de sociologie des religions. Or, à la fin des années 1940, différentes conjonctures ont conduit les deux pans, national et libriste, du protestantisme vaudois, à envisager la fusion. «L’Eglise libre se trouvait en difficulté financière. Ses communautés régressaient ou stagnaient alors que la population vaudoise augmentait. De plus, à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale le mouvement œcuménique se développait un peu partout».

La réconciliation

En 1950, une communauté de travail, à l’initiative du professeur Pierre Bonnard et du pasteur Albert Girardet, a envisagé la façon de réconcilier les deux camps. «Pierre Bonnard a proposé aux libristes de renoncer à l’indépendance totale à l’égard de l’État à condition d’intégrer dans la définition de la nouvelle entité les conceptions théologiques et ecclésiologiques libristes. D’où le terme d’Eglise évangélique réformée plutôt que simplement réformée ou protestante. Du côté national, l’autre acteur central du processus initial, l’avocat Marcel Regamey, a exprimé un esprit d’ouverture de la part des nationaux, mettant en exergue la complémentarité des deux Églises et le profit qu’elles tireraient de leur réunification». Ainsi, en 1964, les deux synodes ont accepté le projet de fusion qui a mené à la création de l’EERV l’année suivante.

Le 15 mars prochain, 50 ans jour pour jour après le synode constitutif de l’EERV, une soirée de commémoration de la fusion se déroulera à l’Espace culturel des Terreaux à Lausanne, à laquelle participera entre autres Jean-Pierre Bastian.

Jean-Pierre Bastian, en quelques mots

Originaire de Lutry (Vaud), Jean-Pierre Bastian est né en 1947. Après des études de théologie à l’Université de Lausanne, un doctorat d’histoire contemporaine et une habilitation en sociologie des religions, il a été nommé professeur de sociologie des religions à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg. Ancien directeur de recherche à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine de l’université de Paris III, ses travaux ont porté essentiellement sur les différentes formes de protestantismes et les changements sociopolitiques en Amérique latine. Récemment, il s’est intéressé à l’histoire sociale et religieuse du canton de Vaud publiant en 2012 une recherche significative sur «l’immigration alpine à Lavaux aux XVe et XVIe siècle».

En septembre 2015, il a rédigé un important dossier sur la rupture religieuse vaudoise de 1845, publié dans le mensuel romand d’histoire et d’archéologie «Passé simple». Son prochain ouvrage, «La fracture religieuse vaudoise 1847-1966. L’Eglise libre, ‘la Môme’ et le canton de Vaud», sortira en librairie le 16 mars 2016, édité par les Editions Labor et Fides.