«Le défi majeur pour l’avenir est identitaire»

«Le défi majeur pour l’avenir est identitaire»

Comment aborder 2016? Issue des milieux économiques, Ariane Baehni a été consacrée pasteure dans l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, en septembre dernier
Elle envisage la nouvelle année avec une foi en l’être humain et la volonté de faire sortir l’Eglise de ses murs, pour cultiver les rapports personnels.

Photo: Ariane Baehni © Gérard Jaton/EERV

(Bonne Nouvelle)

Vous allez animer en janvier des rencontres sur le thème «Eglise de demain: naufrage?» Y a-t-il des bouées de sauvetage de prévues?

Ariane Baehni: C’est un titre accrocheur, je l’admets ! A entendre certains acteurs de l’Eglise, on a l’impression que tout fiche le camp. Le but ici n’est pas de valider un naufrage, mais de prendre conscience de mutations profondes de la société dans le monde et de redéfinir notre position au coeur de ces changements. Il y a des remises en question à effectuer, des deuils à faire au sein de l’organisation de l’Eglise.

Quels deuils?

Celui de l’Eglise qu’on a connue depuis des décennies, avec un pasteur par village, un culte par village tous les dimanches, un groupe de catéchisme. Cette organisation et cette manière de penser ne sont plus d’actualité. Si on continue avec énergie à vouloir le maintenir, on passe à côté de toutes les opportunités que les changements de société nous offrent.

Une société paradoxale avec une montée des extrémismes et une perte de spiritualité…

Il y a une tension notable. Les gens n’ont jamais autant fait appel au développement personnel, au coaching, à la méditation, mais ils vivent en même temps un rythme effréné, comme si la spiritualité était une activité qui pouvait être indépendante du reste alors qu’elle est au cœur du sens de la vie. Je suis convaincue que l’Eglise a deux positions à avoir ; elle a le devoir d’être présente au monde et en même temps le devoir d’avoir un regard, une parole critique sur le monde. La réponse est dans la mise en dialogue de ces deux pôles.

Quels sont les défis d’avenir pour l’Eglise et pour l’humain?

Avant tout, un défi identitaire majeur. Il y a un apprentissage très important de la résistance au changement. On perd énormément d’énergie dans notre société à critiquer ce qui ce passe plutôt qu’utiliser cette énergie pour appréhender ce changement qui va s’opérer qu’on le veuille ou non. Prenons l’exemple de l’afflux des réfugiés. On peut refuser qu’ils arrivent, mais c’est peine perdue. Si on ne les accepte pas dans la douceur maintenant, on les subira dans la douleur. Mais quand je vois la capacité des jeunes à s’engager pour des projets, la fluidité avec laquelle ils arrivent à s’adapter, ça me donne un espoir infini sur l’avenir.

Un espoir freiné par ceux qui partent faire le djihad… Comment les en dissuader?

Je n’ai pas de recette miracle. Il y a une réponse à explorer dans la recherche d’absolu, l’aspect mortifère de cet absolu. Le grand défi de la jeunesse, c’est le discernement. Elle est face à une grande quantité d’informations sans avoir les moyens de la gérer. Savoir préparer les jeunes à faire des choix devient un enjeu majeur de l’éducation. L’Eglise a un énorme rôle à jouer, surtout en tant qu’acteur. Etre prêt à rejoindre les jeunes, à laisser de côté les certitudes, à affronter le changement. Les jeunes sont avides de figures de reconnaissance, de mentors, c’est une des raisons qui expliquent le succès des djihadistes, qui leur offrent une figure d’autorité. Il y a une responsabilité de la part des adultes, dans cette société à deux vitesses qui se met en place. Déjà très tôt, le destin se construit selon qu’on a eu ou pas les personnes de référence justes, les mêmes chances d’accès à une formation et un emploi. Et je trouve cela inadmissible.

Cela veut-il dire tendre la main?

Oui, mais la tendre concrètement. Je ne crois pas à la solidarité anonyme. Si l’Eglise veut trouver sa place, c’est dans le rapport personnel qu’elle va le faire. Tout est plus solide quand il y a une relation qui se crée de personne à personne, l’institution en tant que telle, la paroisse, ayant perdu sa visibilité et sa crédibilité auprès du public.

Quel est votre message pour 2016?

Il est important de garder les yeux fixés sur les signes de vie qui redonnent l’espoir, qui nous permettent de tenir. Je n’ai jamais autant cru à l’être humain que depuis que je suis confrontée à des situations difficiles, à sa capacité de courage et d’entraide. Si quelqu’un se sent perdu, qu’il aille à la rencontre de celui qui a besoin de lui. C’est là qu’il va retrouver l’espoir, et non auprès des gens qui vont bien. 

Trois rencontres

«Eglise de demain: naufrage?» Trois soirées pour réfléchir et penser l’Eglise de demain, avec Ariane Baehni et Olivier Calame, les 7 et 21 janvier, et le 4 février de 20h à 22h, à la Maison de paroisse de Vallorbe.