«Une intervention de la police à l’Espace Saint-Laurent entraverait la force de témoignage de l’Eglise»

«Une intervention de la police à l’Espace Saint-Laurent entraverait la force de témoignage de l’Eglise»

Le conseiller municipal et député socialiste lausannois, Oscar Tosato, responsable des questions religieuses donne son éclairage sur la situation à l’église Saint-Laurent, au centre de Lausanne, où logent six migrants ainsi que leur groupe de soutien le Collectif R, depuis mars 2015
Et alors que l’exécutif de l’Eglise réformée vaudoise a porté plainte, fin octobre, contre cette occupation, les hôtes ont décidé de rester pendant la procédure. Rencontre avec Oscar Tosato.

Photo: L'église Saint-Laurent © JCEmery/celebrer.ch

En tant que propriétaire des lieux, la Ville de Lausanne a-t-elle pris position face à la situation à l’église Saint-Laurent?

La Ville ne veut pas interférer dans les activités des Eglises. L’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) est locataire des lieux et accueillir des migrants n’est pas contraire aux buts et aux missions pour lesquels elle a loué cet endroit. Le fait qu’un lieu de culte devienne un refuge pour des migrants qui échappent à la misère, souvent au péril de leur vie, en traversant la méditerranée, ne me semble pas dépourvu de sens. Par contre, si les locataires décidaient d’en faire un night-club, on s’y opposerait certainement.

Comment percevez-vous l’action du Collectif R?

Je crois que le Collectif R a soulevé une vraie question. Il a montré que les accords de Dublin ne permettent pas de répondre au désespoir des personnes qui vivent la misère dans leur pays, qui sont victimes de gouvernement répressif ou qui sont prises dans des guerres civiles. C’est une cause honorable que de vouloir affirmer qu’une autre manière d’accueillir les migrants doit être aujourd’hui proposée par les pays européens.

Ils ont voulu affirmer publiquement cette volonté, de façon symbolique par l’organisation d’un refuge dans une église, ce qui est tout à fait comparable à ce qui se fait partout en Europe et notamment en Allemagne où ce genre de lieux aujourd’hui est occupé par des mouvements qui défendent les réfugiés sans que cela pose problème.

Par contre, la Ville de Lausanne a regretté que le Collectif R occupe la salle paroissiale de l’église Saint-Laurent sans l’accord de l’EERV. Un collectif qui veut soutenir une cause et qui veut réunir d’autres personnes autour de cette cause doit procéder par la négociation. Les réfugiés ont besoin du soutien de tout le monde et je ne comprends pas pourquoi ce mouvement s’est coupé, par cette action, de l’Eglise.

Avez-vous l’impression que le Conseil synodal a été, d’une certaine manière, «pris en otage» par le Collectif R?

Ce qui me questionne, à titre personnel, c’est qu’un mouvement de défense des migrants et une autorité d’Eglise n’arrivent pas à trouver un accord par la concertation. Je me demande également pourquoi le collectif a voulu absolument utiliser une salle paroissiale comme lieu symbolique de refuge alors qu’à priori, il semble n’avoir aucune estime pour l’Eglise.

Si différents mouvements proches de l’Eglise comme l’EPER, le CSP ou Solidarité Eglises Migration n’ont pas accompagné le Conseil synodal pour trouver une solution, c’est peut-être parce que le Collectif R est trop marqué politiquement.

Et je pense que le Conseil synodal a raison dans sa posture de vouloir que toute occupation ou toute action qui est menée dans une église doit se faire de manière concertée et ne doit pas être imposée par la force.

Fin octobre, le Conseil synodal de EERV a porté plainte contre l’occupation du Collectif R, mais ces derniers ont décidé de rester, qu’est-ce qui pourrait se passer par la suite?

Aujourd’hui l’Eglise attend la décision du juge qui va fixer un délai de départ. J’espère vraiment que le collectif respectera le délai par respect pour tous les paroissiens et les pasteurs qui ont été proches d’eux pendant cette période. S’ils ne le respectent pas, ils vont sciemment pousser l’Eglise à demander l’intervention des forces de l’ordre. Et le Collectif R ne sera plus jamais crédible auprès d’une quelconque Eglise.

Si la police devait intervenir, ce serait la première fois, à ma connaissance, qu’elle le ferait dans une église et une telle intervention entraverait la force de témoignage de l’Eglise.